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boetticher

  • La Chevauchée de la vengeance (Budd Boetticher, 1959)

    ***
    L'argument est des plus classiques, basé sur l'escorte d'un criminel par un chasseur de primes en territoire dangereux, entre menace indienne et poursuite par le grand frère du justiciable. S'ajoutent deux personnages "accompagnants" rendus intéressants par leur dilemme moral à l'égard du héros et celui d'un femme, a priori fort et singulier mais s'entendant donner un peu trop souvent des explications sur la vie et elle-même, de la part de ces messieurs. S'il s'agit de l'un des meilleurs Boetticher c'est parce que le matériau est transcendé par la mise en scène de l'espace, dans toutes ses dimensions, grâce à une magnifique utilisation de l'écran large, l'absence de toute scène d'intérieur, le rendu des éléments (vent, pierre, poussière, feu...). Surtout, la longueur des plans et la profondeur de champ (qui donne à voir, au fond, des mouvements opposés ou complémentaires), ainsi que le nombre élevé de moments où c'est le regard porté au loin par un personnage et annonçant un événement qui semble articuler les séquences et le récit, tout cela fait que ce western donne une sensation rare d'ouverture infinie et de progression constante et dynamique. Même si le dernier mouvement amène à un point précis de résolution hautement dramatique (l'arbre aux pendus pour un duel final et l'accomplissement de la vengeance), ce sont encore de nouvelles avancées qui sont promises par les ultimes plans. 

  • Le Courrier de l'or (Budd Boetticher, 1959)

    *
    Peu réputé, Le Courrier de l'or est bien le maillon faible de la série des Boetticher-Scott. Les transparences utilisées pour la première scène de diligence annoncent involontairement que les décors, assez nombreux, manqueront d'authenticité et le film en général, de profondeur. La faute notamment à un scénario médiocre, à des dialogues lourdingues (particulièrement ceux autour de la guerre civile, de "l'humanité" des ennemis), à l'absence de figure marquante, que ce soit du côté des bons ou des méchants. Dans cette œuvre décousue, même la violence semble édulcorée et la tension ne se fait guère sentir, ce qui rend les dilemmes du personnage scottien cette fois-ci bien peu intéressants, fut-il pris (mais à peine) entre deux femmes de caractère. 

  • L'Aventurier du Texas (Budd Boetticher, 1958)

    **
    La sécheresse habituelle de Boetticher s'applique ici à un scénario assez dense, du moins dans les relations qu'il tisse entre des personnages principaux au nombre plutôt élevé, éloignant d'ailleurs pendant plusieurs minutes de l'écran, et bien qu'il reste le héros de l'histoire, Randolph Scott. Les retournements de situation y sont incessants, provoquant de savoureux et dynamiques chassés-croisés. L'humour est constant mais la peinture reste finalement assez sombre : une fratrie cherche à garder une petite ville sous sa coupe jusqu'à s'entretuer, les habitants ne font qu'attendre l'heure des pendaisons et les seuls faisant preuve de noblesse et échappant à la corruption ambiante sont, avec le Texan du titre, les deux Mexicains.

  • L'Homme de l'Arizona (Budd Boetticher, 1957)

    **
    Le début est plutôt léger, fait de scènes bienveillantes voire même carrément comiques. Pourtant les contre-plongées sur Randolph Scott, légères (au niveau des épaules) ou plus accentuées (dès qu'il est sur son cheval), nous préviennent : celui qui se destine à la simple installation comme fermier sera bientôt entraîné dans un tragique engrenage. Le film se fixe rapidement dans un décor rocailleux qui sied parfaitement à la mise en scène de Boetticher, même si le ton reste changeant, oubliant certes l'humour mais ménageant des pauses intimes au profit des deux otages, Scott et Maureen O'Sullivan. Le scénario donne au premier l'occasion d'élargir sa palette mais contraint un peu la seconde dans un statut plus convenu. Riche de détails parlants et de personnages singuliers, le film n'a pas toujours la même intensité. Ainsi, la sécheresse dont sait faire preuve le cinéaste se signale surtout par éclairs, à travers des séquences d'une rare violence. Un corps à corps finit par un coup de feu sous la machoire et plus tôt, on nous dit que l'ami et le petit garçon ont fini dans le puits. A cette occasion, Boetticher ne fait pas de plan sur ce puits, ni sur le sucre d'orge jeté à terre par le tueur, il lui suffit de montrer, brièvement, le visage interdit de son héros. 

  • Sept Hommes à abattre (Budd Boetticher, 1956)

    ***
    Le premier Boetticher/Scott, western qui inspira à Bazin un beau et fameux texte dans les Cahiers en 57, est un condensé saisissant. C'est qu'en 74 minutes, générique compris, il donne à voir une épure d'autant plus fantastique qu'elle ne manque jamais de profondeur. La condensation n'est pas une réduction. Déjà parce que l'histoire est commencée lorsque l'on arrive, le drame déclencheur de la vengeance étant seulement évoqué au bout de quelques minutes par une poignée de lignes de dialogues. Boetticher maniant l'ellipse à merveille (jusque dans les duels), il peut faire court. Et s'appuyer sur des personnages ayant vécu et se tenant depuis longtemps dans le décor. Après une progression au rythme d'un chariot, le film se pose dans son dernier tiers dans un canyon. Cet arrêt semble imposé à la fois par le scénario (le héros est blessé) et par la beauté/l'utilité du décor. Et donc par la mise en scène. Celle-ci met en valeur tout du long une histoire remarquablement écrite et enrichie au fur et à mesure, par le tissage de relations fortes (scène du café à quatre dans le chariot d'une tension extraordinaire par la provocation purement verbale de Lee Marvin à l'encontre de Gail Russell, son mari et leur protecteur), par l'apport mésuré des nouveaux personnages et par les surprises réservées. L'opposition de jeu entre Scott et Marvin est particulièrement fertile, la mise en scène de Boetticher s'appliquant à dévoiler, surtout via le second, toute une série de détails gestuels pour aboutir au réalisme nécessaire. Dans cet ordre d'idée, et pour se rendre compte de la richesse de l'épure, il faut voir par exemple la scène du nettoyage des chevaux dans la rivière, au cours de laquelle le cineaste nous montre avec précision les deux hommes frottant leurs montures tout en parlant et alors que l'un d'eux écoute à moitié mais tente d'observer la femme se baignant un peu plus loin.