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Assurément, Un amour de jeunesse est un joli film mais des flux contraires l'animent et il peut donc, alternativement, charmer et agacer, émouvoir et laisser pensif ou impatient. En décrivant la passion adolescente puis l'amour adulte de son héroïne Camille, Mia Hansen-Love traque l'irréductible singularité de toute expérience dans une histoire déjà racontée cent fois.
D'apparence souple et libre, le récit est en fait assez solidement charpenté. L'écriture a donné à chacun des blocs dont la succession fait la narration une place et un enchaînement des plus logiques. On pourrait parler, à propos de cette écriture, d'une "subtilité affichée", tant les éléments et les détails la constituant sont rendus "visibles mais pas trop". On note ainsi l'importance des accessoires qui font retour, tels les lettres ou le chapeau offert, le recours en des endroits stratégiques à de styles musicaux discrètement signifiants ou le tissage de quelques fils thématiques comme, sur la fin, le désir d'enfant. Mais de tous, l'apport le plus décisif semble concerner l'architecture. Dans la deuxième partie, cette discipline prend concrètement place dans le récit et c'est bien sûr par ce biais professionnel que Camille (re)construit sa vie.
L'une des choses qui déçoivent quelque peu dans Un amour de jeunesse, c'est que, généralement, ces éléments arrivent alors que l'on a déjà perçu ce qu'ils sont chargés de rendre explicite. Ainsi, les cours d'architecture interviennent quand on est déjà séduit par le traitement de l'espace par la cinéaste. De même, on réalise que chaque bloc narratif sera précisément daté à l'écran (encore une fois, "subtilement" : sur un carnet ou un tableau de classe) au moment où l'on se dit que Mia Hansen-Love saisit fort bien la question du temps, sans en passer par ces repères, notamment en détachant complètement (de la narration comme "du reste du monde") l'intermède lumineux du séjour en Ardèche. Ce fragment, d'ailleurs, est bel et bien une parenthèse, l'échelle de temps utilisée se révélant beaucoup plus grande qu'attendu.
Le récit court en effet sur dix ans. Étrangement (volonté romantique ?), sur cette durée, les corps ne changent absolument pas. Camille (comme son amoureux) est la même à 15 ans et à 25 ans. En revanche, les ambiances ne cessent de s'opposer, entre celles de la campagne et de la ville, de l'école et du bureau, de la rue et de la chambre.
Relativement long, inégal, le film peine à nous tenir jusqu'au bout. Mia Hansen-Love crée une belle dilatation des temps courts, qui, paradoxalement, est plus touchante lorsqu'elle se fait par assemblage de plans furtifs, par fragmentation, par montage en parallèle, que par l'intermédiaire de plans séquences. Mais concentrer les événements pour enjamber les années s'avère pour la cinéaste plus difficile. Quand Un amour de jeunesse cherche à magnifier des moments privilégiés (comme déjà envolés), il est réussi. Quand il en montre les à-côtés et les conséquences sur toute une vie, il l'est moins.
UN AMOUR DE JEUNESSE
de Mia Hansen-Love
(France - Allemagne / 110 min / 2011)