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kubrick

  • Les Sentiers de la gloire (Stanley Kubrick, 1957)

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    L'ultime scène est construite en 3 temps : le premier, le tohu-bohu des soldats impatients, s'oppose au deuxième, le silence s'imposant à l'écoute de la voix de la fille allemande sur scène, avant que le troisième réconcilie les deux précédents en faisant chanter tout le monde. Tout le film, le premier qui soit aussi nettement kubrickien dans sa mise en scène, se tient ainsi en séries d'oppositions, esthétiques, rythmiques, sonores, architecturales, morales... Or le génie est ici de le faire sentir sans que cela apparaisse comme systématique, froid ou arbitraire. Comme les passages entre les 3 temps du final sont progressifs, il existe entre les panneaux qui s'opposent, des liens et des transitions (le personnage de Kirk Douglas, déjà, qui va d'un lieu à un autre). Si l'expressionnisme de nombreuses compositions renvoie à Welles (et à Aldrich, Ralph Meeker étant d'ailleurs de la partie), la différence est que, contrairement à celui-ci, qui tend alors, et tendra de plus en plus, son cinéma vers l'éclatement, Kubrick cherche l'unification, tente paradoxalement, compte tenu de toutes les lignes qu'il trace, de créer le cercle parfait faisant du film un monde. 

  • Orange mécanique

    (Stanley Kubrick / Grande-Bretagne / 1971)

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    Mon (déjà ancien) projet de me procurer tous les films de Kubrick disponibles en dvd pour passer quinze jours à les revisiter un par un étant en veilleuse, je profite qu'Orange mécanique (A clockwork orange) soit encore frais dans ma mémoire après l'avoir revu il y a quelques semaines, pour lâcher diverses remarques sur ce classique par ailleurs mille fois commenté :

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    - L'introduction est toujours aussi saisissante : les trois premières séquences démarrent de la même façon par un plan fixe de détail en amorce et la vision qui s'élargit grâce à un travelling arrière.

    - Trois parties dans le film, mais aussi un renversement en miroir : avant son arrivée à l'hôpital, Alex est confronté tour à tour au clochard, à ses Drougs devenus policiers et à l'homme de la villa. Le bourreau est devenu victime et la violence s'est déplacée.

    - Le montage court le dispute aux plans séquences fixes. Souvent, les protagonistes déboulent du fond du décor, façon de mettre en valeur les volumes.

    - Orange mécaniqueimpose une heure de représentation de la violence, de sa jouissance et de son absurdité, filmée à l'exacte distance. Cette violence est "chaude" (l'instinct, l'énergie déployée, les sauts aériens dans l'affrontement avec le gang rival) ou "froide" (l'agression préparée du couple, les coups donnés par Alex qui chante a capella). Passée cette première partie, viennent la prison et la politique. Le rythme se calme, dans un ralentissement propice à la réflexion sur la violence et ses différentes formes, en attendant un nouveau déchaînement dont Alex sera cette fois la victime.

    - Comme tous les Kubrick, c'est un film-monde, une bulle autonome. Cette société n'est pas très éloignée mais ce n'est pas tout à fait la nôtre (aucun plan de rue réaliste avec figurants). Elle est à la fois futuriste et passée. Le film est-il vraiment une mise en garde ? Pas sûr. C'est en tout cas un constat, une vision politique claire et l'aboutissement d'une pensée pessimiste.

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    - Le souvenir de la violence atténue dans la mémoire l'importance de l'humour noir, du grotesque, du masque. L'expressivité des visages est poussée jusqu'à la grimace et une étrange absurdité baigne quelques scènes.

    - On y voit tous les films suivants se coltinant le thème de la violence, les meilleurs comme les pires. Les traces les plus évidentes se retrouvent dans les recherches esthétiques de Gaspar Noé, dans l'inquiétude et le grotesque chez Lynch, et dans le regard froid de Haneke.

    - Film important, fort et clair, passage obligé de nos jeunesses cinéphiles, parmi les nombreux monuments Kubrickiens, celui-ci, en dehors du problème d'un vieillissement esthétique sans doute plus rapide que les autres, serait le chef-d'oeuvre imparfait (la partie centrale à la prison un peu plus faible), en comparaison duquel on préfère quatre ou cinq autres titres plus beaux, plus humains, plus tristes ou plus mystérieux.

    Photos : premiere.fr et dvdbeaver.com