(Michael Moore / Etats-Unis / 2009)
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Capitalism : a love story est bien sûr moins passionnant que les trois premiers documentaires de Michael Moore, il est même moins intéressant, du point de vue des tiraillements que provoquent les méthodes et les choix du cinéaste, que Sicko mais il se laisse voir plus sereinement que le trop vanté Fahrenheit 9/11.
Marchant avant tout à l'émotion, Moore, qui sait pourtant mener des enquêtes efficaces et donner de nombreuses informations, a tendance à laisser de côté tout ce qui pourrait attester de la rigueur de sa démarche. Sur le plan purement documentaire, la même gêne que celle qui nous tenaille devant certains reportages télévisés peut affleurer ici ou là, le cinéaste ne lésinant pas sur les petits arrangement avec la réalité, notamment celle de la temporalité, que permet le montage (par exemple, les images des salariés de l'usine que l'on voit dans la première partie ont manifestement été tournées au moment de la grève que l'on nous décrit à la fin, alors que cette captation nous est présentée comme un retour de l'équipe sur les lieux). Malgré un découpage très (trop) vif, le film se traîne quelque peu sur ses deux heures, semblant s'éloigner de temps à autre du sujet, essentiellement par maladresse (le passage sur les pilotes d'avion). Les témoignages appellent un peu trop les larmes, ce que contrebalance heureusement quelques analyses éclairantes de spécialistes.
S'il manque de véritables moments de cinéma comme Moore a pu en proposer auparavant, il faut reconnaître que les séquences de détournements d'images sont irrésistibles : l'introduction comparant la chute de l'empire romain à la situation actuelle des Etats-Unis, le discours rassurant de George W. Bush avec son arrière-plan truqué signifiant l'écroulement de l'économie ou la vie de Jésus en inventeur du capitalisme. Cette dernière séquence s'insère dans une partie qui a été injustement décriée (c'est même l'une des plus intéressantes), celle où l'on interroge des hommes d'église sur leur vision du système économique dominant.
Le mérite de Michael Moore est en tout cas de faire un cinéma d'intervention, un cinéma sur le présent (je suis curieux de voir s'il va faire quelque chose touchant de près ou de loin à la présidence d'Obama, dont ne sont bien sûr évoqués ici que les débuts). Cette position, le nez sur la vitre, n'est certes pas la meilleure lorsqu'il s'agit de se coltiner à de vastes problématiques mais la dénonciation des agissements ahurissants des grandes entreprises et de leurs dirigeants (clairement nommés), qui tiennent le pouvoir politique en laisse, reste des plus salutaires. Comme l'est, malgré ses évidentes limites, l'ensemble de cette charge faussement naïve, donnant à voir quelques alternatives revigorantes et se faisant parfois étonnemment vigoureuse dans ses tentations de révolte.
Faut-il rappeler qu'en France le pamphlétaire à succès se nomme Yann Arthus-Bertrand ?
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