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sciamma

  • Naissance des pieuvres

    (Céline Sciamma / France / 2007)

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    48ccfb6f950f1026238a93da38e09e69.jpgQuelques jours de la vie de trois jeunes filles d'une quinzaine d'années, dans la banlieue parisienne. C'est l'été. Tout gravite autour de la piscine où les filles s'entraînent à la natation synchronisée. Chacune se débat avec son corps changeant et ses désirs naissants. Céline Sciamma signe son premier film et choisit la chronique adolescente et ses bouleversements. Pour éviter le déjà-vu, elle opte d'une part pour un parti pris et d'autre part pour un environnement singulier.

    Le parti pris est celui de ne jamais montrer les parents. Quelques silhouettes d'entraîneurs à la piscine et de dragueurs en boîte figureront les seules présences adultes. La caméra ne s'occupe que des adolescents, ou plutôt, des filles, tellement les garçons du même âge semblent ailleurs, dans leurs jeux à eux, souvent sexuels, pas très intelligents en général. Pas vraiment d'échange possible entre les deux groupes, la sexualité et le premier rapport n'étant vus que sous l'angle de la pulsion et du passage obligé. Les filles se créent donc leur bulle, chacune à sa manière. Fortement caractérisées (la blonde pulpeuse, la brune maigrichonne et timide, la fille trop grosse), les trois protagonistes s'arrangent avec leur corps comme elles peuvent. Elles se protègent soit en acceptant de passer pour une salope devant toutes les autres, soit en ne communiquant qu'avec une (ou deux) amie, soit en fonçant tête baissée vers les plaisirs adultes tout en gardant un état d'esprit enfantin. Les trois jeunes interprètes sont remarquables.

    Dans Naissance des pieuvres, la mise en scène est sans esbroufe, sèche et frontale, au plus près des actrices. On est proche de A ma soeur. Mais, selon moi, le style de Céline Sciamma n'atteint pas tout à fait le tranchant et la tension de celui de Breillat. Le montage rigoureux et les images austères manquent légèrement de fluidité (tour de force qu'avait récemment réussit par exemple l'allemand Matthias Luthardt dans son premier film Pingpong, sorti en début d'année).

    Ses histoires de désirs, la cinéaste a eu la belle idée de les situer dans un monde très particulier : celui d'un club de natation. Elle tire le meilleur parti possible des nombreuses scènes de piscine, endroit public où l'on se découvre le plus autant qu'univers clos et bulle protectrice (le travail sur l'image est alors redoublé par l'utilisation d'une musique électro-synthétique en accord avec le lieu). Plus précisément, ces filles font de la natation synchronisée. Et ici tient la grande réussite de Céline Sciamma : sa façon absolument inédite de filmer cette discipline, à des lieues des images télévisées. Les scènes qui sont consacrées aux entraînements dégage un sentiment difficile à décrire, on sent qu'il se joue là quelque chose d'important. Étonnante vision de ces corps coupés en deux par la surface de l'eau : au-dessus, le buste et les bras parfaitement harmonieux, et le visage souriant, lisse; au-dessous, les jambes qui se débattent dans tous les sens pour ne pas couler. La plus belle scène verra ainsi une des jeunes filles nager en apnée autour du groupe en répétition, autour des ces jambes agitées qui ressemblent effectivement aux tentacules d'une pieuvre. Céline Sciamma trouve ici l'image parfaite pour faire passer son idée : poussées vers le même moule, vers l'uniformisation, vers l'image conventionnelle (par leurs entraîneurs et par leurs petits copains), ces filles résistent, portant le mystère irréductible de leur corps. Prometteur est bien le mot adéquat pour ce premier long-métrage.