(Alfonso Cuaron / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 2006)
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Les fils de l'homme (Children of men) nous transporte dans le Londres de 2027. La planète entière est livrée au chaos et la Grande-Bretagne se referme sur elle-même, menant une lutte sans merci contre tous les réfugiés. Le tableau est terrifiant entre surveillance permanente des citoyens, appels incessants à la délation et mise en cages puis en camps des immigrés. Le récit démarre avec la mort de celui qui était alors le plus jeune être humain sur terre, âgé de 18 ans. En effet, un fléau d'origine inconnue frappe depuis des années l'humanité entière : la stérilité. La surprise sera donc de taille pour Theo, quand il sera tiré de sa triste vie de bureau par son ex-femme, leader d'un groupe d'activistes, qui le charge d'escorter à travers le pays une réfugiée enceinte.
2027 n'est pas si loin. Alfonso Cuaron crée donc un futur proche qui améliore les technologies que l'on connaît plutôt qu'il n'invente des machines extraordinaires. La science-fiction alarmiste donne souvent de saisissantes visions de métropoles grises évoquant les univers concentrationnaires. C'est le cas ici aussi, lors d'une première partie citadine particulièrement réussie, qui donne avec vigueur l'impression d'un pays sous tension, sur la défensive, prêt à exploser. Par contre, lorsqu'il s'agit d'imaginer un autre style de vie en opposition et de sortir de la ville, la difficulté est plus grande. Le refuge hippie moderne que trouve Theo chez son vieil ami Jasper (Michael Caine en roue libre) n'est pas ce qu'il y a de meilleur dans le film. Dans cette bulle, associés à quelques nouveautés technologiques, les signes nostalgiques (musique des Beatles, plaisir de la fumette, panoramique sur des vieilles photos) tombent un peu à plat. Autre alternative, l'activisme se trouve vite mis en cause par une suite de revirements aux motivations plutôt floues. Le groupe révolutionnaire finit par constituer l'autre côté de l'étau qui menace la vie de Theo et de sa protégée. Le discours élaboré est ambitieux, parfois trop. On se passerait bien de cette parabole biblique qui alourdit la dernière partie.
Stylistiquement, Cuaron a apparemment une figure de prédilection : le plan-séquence, qui intègre dans sa durée un maximum d'événement inattendus. On est assez impressionné de voir ainsi un attentat dans un café et surtout un soudain guet-apens sur une route forestière des plus calmes. Le procédé est répété ensuite plusieurs fois, aboutissant à une succession de morceaux de bravoure : un accouchement en temps réel et une haletante course poursuite dans un contexte de guérilla. On reste bouche bée devant le travail millimétré du cinéaste et de son équipe, mais la virtuosité ostentatoire nous fait un peu trop sortir du récit.
Je m'en voudrais cependant de paraître trop négatif avec ce film qui ne cache pas son ambition. Clive Owen est parfait en héros à la ramasse. L'esthétique se distingue agréablement du tout venant speedé et numérisé hollywoodien. Le message politique est clair et appréciable dans le contexte actuel : c'est parmi ces moins que rien que sont les réfugiés que se trouve le salut de l'humanité. De toute manière, un film où l'on côtoie Julianne Moore, ne serait-ce que pendant quelques minutes, ne saurait être mauvais.
Commentaires
Bonjour Ed, justement Julianne Moore, on ne la voit vraiment pas assez. Pour tout dire, Les fils de l'homme m'a laissé un sentiment mitigé que je ne saurais décrire. La réalisation oscille entre le fiction et le docu-fiction. La guérilla à l'échelle d'un pays voire d'un continent fait froid dans le dos. J'étais sortie de la séance éprouvée. Je n'ai pas lu le roman de P.D. James dont est adapté le film, il faudrait que je le lise.
Je l'ai encore plus aimé la seconde fois où j'ai plus compris comment la forme et les paris pris stylistiques choisis servaient un discours très ancré dans notre réel.
La réalisation est brillante, les scènes que tu cites sont effet hyper impressionnantes.
Pour ma part, je dirai qu'il y a là un vrai film de qualité. Je te mets en lien mon avis !
http://yannick.chiwalou.org/blog/2006/10/26/119-les-fils-de-l-homme-octobre-2006
J'avais pour ma part trouvé que la réalisation était assez habile et que le propos politiques aux résonances actuelles était plutôt bien vu. Et je suis d'accord avec toi : un film où apparait Julianne Moore ne peut être mauvais. Et un film où le destin de l'humanité est entre les mains d'une réfugiée, noire de surcroit, mérite un certain intérêt.
Dasola : Je ne suis moi non plus pas totalement convaincu par le film, mais je ne parlerai pas de docu-fiction. Sa mise en scène me paraît plus travaillée, plus fluide, plus "cinématographique" que celle de "Bloody sunday" de Paul Greengrass par exemple, qui imite vraiment le documentaire et qui a un intérêt tout autre.
El Pibe : Je vais lire de ce pas.
Neil : Oui, ces allusions transparentes aux politiques actuelles sont salutaires, surtout prenant place dans une production relativement imposante.