Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un homme et une femme

(Claude Lelouch / France / 1966)

■■■□ 

unhommeunefemme.jpgJe n'avais jamais vu Un homme et une femme. L'ensemble de la filmographie de Claude Lelouch m'est d'ailleurs inconnu. Les seules exceptions sont Itinéraire d'un enfant gâté et Il y a des jours et des lunes, vus à l'époque de leurs sorties en salles. A 16 ans, facilement impressionnable, en général on trouve ça bien Lelouch. Et souvent on abandonne ensuite, en suivant, à tort ou à raison, les conseils de contournement des critiques.

Devant Un homme et une femme, je vois bien ce qui, en 66, gênait certains et, aujourd'hui encore, doit continuer à agacer les détracteurs du cinéaste. Lelouch, qui, avant cet énorme succès, avait connu une série d'échecs avec ses six premiers longs-métrages, utilise l'esthétique, les procédés narratifs et les techniques de la Nouvelle Vague en les lissant pour les rendre le plus acceptables possibles pour le public. Oui, en un sens, Lelouch fait un roman-photo avec le nouveau cinéma. On peut éventuellement parler d'affadissement, s'irriter du côté catalogue de la modernité (voire, avec mauvaise foi, prendre chaque plan du film et en référer tantôt à Godard, tantôt à Resnais, élargir même à Fellini ou Antonioni). Il n'empêche que c'est bien une certaine joie de faire du cinéma qui se dégage de ces longs dialogues jamais filmés ou illustrés de la même façon, c'est bien la liberté de la narration qui marque. Il est bon de rappeler que si tout le monde s'était extasié à l'époque, et à juste titre, devant telle séquence de The unbelievable truth(Hal Hartley, 1990) où une leçon de mécanique improvisée faisait office de discours amoureux, Lelouch avait fait exactement la même chose en faisant longuement parler Trintignant du bruit de son moteur en course à Anouk Aimée.

Le cinéaste est un technicien sans faille. Il faudrait être aveugle pour ne pas admettre que jamais en France n'avaient alors été aussi bien filmées des courses automobiles, comme pour la longue séquence d'entraînement de Trintignant, entièrement couverte par les bruits de moteurs. L'histoire quant à elle est simplissime et émouvante (le couple est magnifique). Cette simplicité scénaristique sert beaucoup le film, qui évite ainsi de nous bassiner avec les grands problèmes sociaux et la philosophie de la vie, choses qui sont ailleurs beaucoup reprochées à Lelouch. Ici, nous avons plutôt des petites notations humoristiques, des bribes de cinéma direct, des apartés, des citations, bien dans l'esprit, encore une fois, de la Nouvelle Vague. Courir sur la plage, poursuivre un train en voiture, c'est cucul mais ça marche. Parfois, la vie est cucul.

La mémoire télévisuelle, qui ressasse indéfiniment les mêmes signes sans jamais revenir à leur source, a réduit telle une tête jivaro Un homme et une femme au thème musical de Francis Lai. Celui-ci n'est pourtant que l'une des nombreuses interventions musicales qui parcourt la bande-son, jusqu'à donner l'impression d'un vrai film musical. Lelouch intègre magistralement dans son récit deux chansons de Pierre Barouh, qui pourrait se voir indépendemment comme l'un des scopitones que le cinéaste aimait tourner en début de carrière. D'autres procédés se remarquent, notamment l'usage godardien d'une musique venant en contrepoint de l'image (musique symphonique et grave sur des images qui ne le sont a priori pas...). Poussés à leur limite dans le dernier quart d'heure où se succèdent trois larges plages mélodiques, ces usages, aussi beaux soient-ils, laissent penser que Lelouch a du mal à trouver un moyen autre que musical pour boucler son voyage émotionnel. Mais cette impression de séquences qui n'en finissent pas de ne pas finir n'est pas si désagréable. Oui, tout cela est joli. Le terme n'est, pour une fois, nullement dépréciatif.

Commentaires

  • Pour le coup, je suis d'un avis à peu près opposé! J'aime certains Lelouch (ses petites comédies "pieds nickelés" modestes comme "Tout ça pour ça" ou "le voyou") mais "un homme et une femme" représente tout ce que je déteste chez lui : le cucul, l'esthétique bien plus publicitaire que "nouvelle vague" et le côté roman-photo insupportablement bourgeois.
    Je sauve uniquement l'interprétation du couple vedette.

  • Comme je le dis dans ma note, je manque de munitions pour débattre sur Lelouch, Doc. A part l'esthétique publicitaire (sauf à dire que l'esthétique de la NV est ici tellement ripolinée qu'elle en devient de la pub, mais je ne trouve pas), j'entends tes reproches. Mais j'ai été suffisamment charmé, entre autres par les interprètes, pour passer outre.

  • Je suis assez d'accord avec toi : avec ce film, le terme "joli" n'est nullement dépréciatif. J'en garde le souvenir d'une histoire d'amour simple mais directe, belle, sans fioriture, qui s'attache à des personnages un peu différents de ce que les comédies romantiques nous servent trop souvent (en gros, ils ont de la bouteille et ça leur va bien). Et je me souviens encore avec émotion du discours que se fait dans sa tête Trintignant lorsqu'il traverse toute la France en voiture pour rejoindre Anouk Aimée, juste à cause d'un télégramme envoyé. Une des plus belles preuves d'amour qu'on ait pu voir au cinéma. Charmant.

  • Oui, Neil, et comme c'est simple et direct, le charme tient à un fil.

Les commentaires sont fermés.