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lelouch

  • C'était mieux avant... (Mars 1985)

    Février est déjà loin et il est l'heure de reprendre le cours de notre voyage dans le temps. Mais que diable nous réservaient les salles de cinéma françaises en Mars 1985 ?

    voyage.jpgComme il y eut, ce mois-là, peu d'occasions de s'enthousiasmer, évoquons tout de suite les deux propositions en apparence les plus stimulantes, toutes deux au rayon "Auteur". Quelques mois après la sortie de Fanny et Alexandre, Ingmar Bergman s'offrait un nouvel adieu au cinéma avec Après la répétition, dans lequel Erland Josephson et Lena Olin dialoguaient au milieu d'un théâtre désert. Théo Angelopoulos proposait, lui, son Voyage à Cythère, exploration d'un espace mental et réflexion historique sous forme de mise en abîme. Le film appartient à ce qui semble être la meilleure période du cinéaste mais encore faudrait-il pouvoir le vérifier. Compte tenu des défaillances de la distribution, y compris sous la forme du DVD, il est en effet bien difficile d'accéder aux œuvres précédant L'apiculteur (1987).

    Dans ce même rayon, d'autres titres peuvent attiser la curiosité : Le baiser de Tosca, documentaire suisse de Daniel Schmid sur les pensionnaires d'une maison de retraite pour artistes d'opéra, Jusqu'à un certain point, dénonciation du machisme par le plus célèbre cinéaste cubain, Tomas Gutierrez Alea, et Le témoin, comédie noire hongroise signée par Peter Bacso et bloquée depuis 1969. Mentionnons encore Pianoforte de Francesca Comencini (sur les ravages de la drogue exercés sur un jeune couple romain), Louise l'insoumise de Charlotte Silvera ou Romance du front de Piotr Todorovski.

    lesspecialistes.jpgAvec Partir revenir, Claude Lelouch ne changeait pas sa formule : les hasards de la vie, les allers-retours temporels, la réincarnation, l'histoire, la demie-douzaine de stars à l'affiche... Patrice Leconte s'essayait au film d'action avec Les spécialistes Lanvin et Giraudeau. Résultat : succès public, indulgence critique et, personnellement, aucun souvenir du film, l'un des rares que j'ai pu voir à l'époque, dans cette liste mensuelle. Pour Les rois du gag, Claude Zidi réunissait Serrault, Jugnot et Lhermitte et parvenait à affliger à peu près tout le monde. Autre navet proposé : Le "Cow-boy" de Georges Lautner, avec Aldo Maccione, sur un scénario de Wolinski. De son côté, Josianne Balasko se lançait dans la réalisation avec un Sac de nœuds qui ne semble pas avoir marqué les esprits (bien moins, en tout cas, que les premiers essais de ses anciens collègues, Gérard Jugnot et Michel Blanc). Dernière sortie française à noter, celle de Staline, un documentaire de Jean Aurel.

    En regardant vers l'Orient, on tombait sur une histoire de chiens de traîneaux et d'explorateurs dans les années 50 (le japonais Antarctica de Koreyoshi Kurahara) et sur une pelletée de produits made in HK (Les anges exterminateurs de Cheung Chi Chiu, Le Tigre contre Ninja de Godfrey Ho, Les trois samourais de Shaolin de Chen Chun Liang, Phénix, fleur magique de Shaolin de Lee Chia Tse).

    lesgriffesdelanuit.jpgLa marchandise américaine relevait un peu le niveau. Le flic de Beverly Hills, alias Eddie Murphy, cassa brillamment la baraque. A l'époque, du haut de mes treize ans, j'en fus plutôt heureux mais je crois bien ne pas l'avoir véritablement revu depuis. Le temps de deux films, celui-ci puis Midnight run trois ans plus tard, certains ont pensé tenir en Martin Brest un prometteur artisan du film d'action (et puis finalement non : Le temps d'un weekend, Rencontre avec Joe Black, Amours troubles...). Alors peu courageux, je ne m'étais pas déplacé pour affronter Les griffes de la nuit de Wes Craven. Ayant quelque peu mûri, je plongerai bien, aujourd'hui, dans ce récit cauchemardesque devenu culte, acte de naissance d'un mythe fantastique (Freddy Krueger) et premier volet d'une longue série.

    Hormis le divertissement médiéval Ladyhawke, la femme de la nuit de Richard Donner (avec Matthew Broderick, Rutger Hauer et Michelle Pfeiffer), le reste de la production US nous faisait naviguer apparemment sans surprise notable entre le film romantique (Falling in love d'Ulu Grosbard avec Robert De Niro et Meryl Streep), l'espionnage (La petite fille au tambour, d'après John Le Carré, par George Roy Hill, Mission Ninja de Mats Helge), le film de campus (Ras les profs d'Arthur Hiller, avec Nick Nolte), le drame paysan (La rivière de Mark Rydell, avec Mel Gibson et Sissy Spacek), le polar en temps de guerre (Soldier's story de Norman Jewison) et le sous-Délivrance (Le village de la mort de William Fruet).

    Il y eut décidément peu de choses à se mettre sous la dent en ce mois de Mars 1985 et ceux qui ont préféré aller voir, dans le petit cinéma d'à côté, L'esclave du désir, innocente et pervertie de Jean-Luc Brunet, Gilda la ravageuse de José Bénazéraf, Jeunes filles en chaleur de Michel Baudricourt, Partouzes aphrodisiaques pour couples spéciaux de Johanna Morgan, Secrétaires et BCBG le jour mais salopes et perverses la nuit de John Love ou Tu me fais mal mais j'aime ça de William Russell, n'ont peut-être pas eu tort.

    cahiers369.jpgDans les kiosques, en ce mois faiblard, mis à part les Cahiers du Cinéma (369) qui faisaient leur une sur Bergman, les revues continuaient plutôt à étudier les films sortis précédemment. Le génial Brazil de Terry Gilliam se retrouvait en couverture de Positif (289), de Cinéma 85 (315) et de La Revue du Cinéma (403), L'amour braque de Zulawski sur celle de Starfix (24) et Love streams de John Cassavetes sur celle de Jeune Cinéma (165). Premiere (96) choisissait de mettre en vedette conjointement Mel Gibson (pour le futur Mad Max 3) et Robert De Niro, L'Ecran Fantastique (54) anticipait sur Terminator et enfin Cinématographe (108) proposait un dossier sur les monteurs.

    Voilà pour mars 1985. La suite le mois prochain...

     

    Pour en savoir plus : Les griffes de la nuit, Le flic de Beverly Hills & Les spécialistes vus par Mariaque, Ladyhawke,la femme de la nuit par Christophe.

  • Un homme et une femme

    (Claude Lelouch / France / 1966)

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    unhommeunefemme.jpgJe n'avais jamais vu Un homme et une femme. L'ensemble de la filmographie de Claude Lelouch m'est d'ailleurs inconnu. Les seules exceptions sont Itinéraire d'un enfant gâté et Il y a des jours et des lunes, vus à l'époque de leurs sorties en salles. A 16 ans, facilement impressionnable, en général on trouve ça bien Lelouch. Et souvent on abandonne ensuite, en suivant, à tort ou à raison, les conseils de contournement des critiques.

    Devant Un homme et une femme, je vois bien ce qui, en 66, gênait certains et, aujourd'hui encore, doit continuer à agacer les détracteurs du cinéaste. Lelouch, qui, avant cet énorme succès, avait connu une série d'échecs avec ses six premiers longs-métrages, utilise l'esthétique, les procédés narratifs et les techniques de la Nouvelle Vague en les lissant pour les rendre le plus acceptables possibles pour le public. Oui, en un sens, Lelouch fait un roman-photo avec le nouveau cinéma. On peut éventuellement parler d'affadissement, s'irriter du côté catalogue de la modernité (voire, avec mauvaise foi, prendre chaque plan du film et en référer tantôt à Godard, tantôt à Resnais, élargir même à Fellini ou Antonioni). Il n'empêche que c'est bien une certaine joie de faire du cinéma qui se dégage de ces longs dialogues jamais filmés ou illustrés de la même façon, c'est bien la liberté de la narration qui marque. Il est bon de rappeler que si tout le monde s'était extasié à l'époque, et à juste titre, devant telle séquence de The unbelievable truth(Hal Hartley, 1990) où une leçon de mécanique improvisée faisait office de discours amoureux, Lelouch avait fait exactement la même chose en faisant longuement parler Trintignant du bruit de son moteur en course à Anouk Aimée.

    Le cinéaste est un technicien sans faille. Il faudrait être aveugle pour ne pas admettre que jamais en France n'avaient alors été aussi bien filmées des courses automobiles, comme pour la longue séquence d'entraînement de Trintignant, entièrement couverte par les bruits de moteurs. L'histoire quant à elle est simplissime et émouvante (le couple est magnifique). Cette simplicité scénaristique sert beaucoup le film, qui évite ainsi de nous bassiner avec les grands problèmes sociaux et la philosophie de la vie, choses qui sont ailleurs beaucoup reprochées à Lelouch. Ici, nous avons plutôt des petites notations humoristiques, des bribes de cinéma direct, des apartés, des citations, bien dans l'esprit, encore une fois, de la Nouvelle Vague. Courir sur la plage, poursuivre un train en voiture, c'est cucul mais ça marche. Parfois, la vie est cucul.

    La mémoire télévisuelle, qui ressasse indéfiniment les mêmes signes sans jamais revenir à leur source, a réduit telle une tête jivaro Un homme et une femme au thème musical de Francis Lai. Celui-ci n'est pourtant que l'une des nombreuses interventions musicales qui parcourt la bande-son, jusqu'à donner l'impression d'un vrai film musical. Lelouch intègre magistralement dans son récit deux chansons de Pierre Barouh, qui pourrait se voir indépendemment comme l'un des scopitones que le cinéaste aimait tourner en début de carrière. D'autres procédés se remarquent, notamment l'usage godardien d'une musique venant en contrepoint de l'image (musique symphonique et grave sur des images qui ne le sont a priori pas...). Poussés à leur limite dans le dernier quart d'heure où se succèdent trois larges plages mélodiques, ces usages, aussi beaux soient-ils, laissent penser que Lelouch a du mal à trouver un moyen autre que musical pour boucler son voyage émotionnel. Mais cette impression de séquences qui n'en finissent pas de ne pas finir n'est pas si désagréable. Oui, tout cela est joli. Le terme n'est, pour une fois, nullement dépréciatif.