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Les vacances de Mr Hulot

(Jacques Tati / France / 1953)

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"La plus belle carte postale de l'histoire du cinéma" peut-on lire je ne sais plus où. En effet, nulle part ailleurs que dans Les vacances de Mr Hulot nous épousons mieux le rythme de ces moment particuliers où tout semble être mis en parenthèse. Nous avons là le Tati le plus harmonieux, le plus calme, le plus équilibré, le plus tendre.

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Dans la petite station balnéaire perturbée par l'arrivée de Hulot, certains personnages, comme le patron de l'hôtel renfrogné ou le vieux militaire dirigiste, gardent leur part de ridicule et hésitent encore à faire tomber leur masque. Cependant, même eux, il est difficile de ne pas les considérer avec sympathie. Tati joue moins ici qu'ailleurs sur le principe d'opposition. Il arrive à nous faire croire à la vertu égalitaire des vacances. Sur la plage, plus de différences. Par conséquent, Hulot est moins mis à l'écart par principe que par une réaction exaspérée, provoquée par sa série de maladresses mal comprises.

Certes, notre rêveur reste résolument du côté des enfants. Le gamin avec ses glaces à la main ne monte-t-il pas les marches aussi précautionneusement que Hulot encombré de valises ? De nombreuses saynètes font ainsi le rapprochement. Mais il arrive que de vraies rencontres se fassent et pas toujours avec ceux que l'on attend. Le plus surprenant pensionnaire de l'Hôtel de la Plage est assurément cet homme silencieux se tenant toujours cinq mètres derrière sa femme lors de leurs promenades quotidiennes. On pense d'abord que sa position en retrait lui permet quelques regards en biais vers de belles jeunes filles ou que cet éloignement lui permet de respirer en laissant sa femme s'émerveiller devant le moindre bateau ou le moindre coquillage, avant de réaliser que cet homme est celui qui sait regarder. Car c'est bien lui, le discret, qui viendra contre toute attente serrer chaleureusement la main à Hulot pour le remercier du spectacle. C'est bien lui qui l'aura apprécié à sa plus juste valeur.

La jeune femme d'à côté, la dame anglaise, un groupe de scouts s'attachent aussi à Hulot. On sent qu'il ne faudrait pas grand chose de plus pour que tout l'Hôtel suive et imite ce pas de côté. Les travers de chacun sont si gentiment moqués. Tout cela n'est pas bien grave. Pour chasser les problèmes politiques, il suffit de couvrir le discours de la radio par la musique de l'électrophone. Attention, absence de méchanceté ne veut pas dire mièvrerie. La netteté avec laquelle est dessinée chaque silhouette permet d'éviter l'écueil.

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L'extraordinaire travail d'unification par la mise en scène se traduit par ce rythme parfait, alternant avec autant de bonheur gags et pauses, mêlant les deux registres parfois. Du rire poétique, rendu possible par le sens de l'observation du cinéaste, qui commence avec ce second long-métrage à construire des gags visuels très élaborés, pas toujours décelables à la première vision.

Enfin, le son a toujours énormément compté dans ce cinéma-là. Dans Les vacances, son utilisation se fait touchante. Une dimension émotionnelle s'en dégage, transmise par la musique. La dame anglaise qui s'inquiète de ne plus trouver nulle part Mr Hulot entend soudain résonner le tintamarre jazz venant de la chambre de celui-ci et son visage s'illumine. Plus tard, c'est la jeune femme qui le cherche en vain lors des prémisses du bal masqué, caché qu'il est par un paravent. Revenant donc sur ses pas, elle s'apprête à sortir de la pièce quand retentit le thème du film. Elle suspend donc son geste, se retourne et tombe sur lui. La musique illustrative est entrée dans la fiction. Tout est possible.

 

Pour continuer, cette visite de Tatiland, motivée, je le rappelle, par un partage avec le fiston (qui a bien reçu celui-ci également), je passerai par dessus Playtime et Trafic. Parade sera donc la prochaine station (et cette fois-ci, une découverte pour moi aussi).

Photos : Premiere.fr

Commentaires

  • Très joli article sur un de mes films favoris. Je te réponds, à ma façon, dès demain matin.

  • Pour artificiels, pour hautement mécaniques, pour farouchement anti-naturalistes que sont la poésie et le rire made in Jacques Tati, pour théorique et chorégraphiquement désincarnée qu’est l’œuvre du grand Hulot (soit les courageux griefs (car anticonformistes, parfois brandis contre le bon monsieur), nous en sommes ici, faut-il gourmandément le confesser ?, de grands clients aux cuisses rougies (à force de les battre de rire).
    Les Vacances d’icelui figurant par ailleurs en fort enviable place dans les halls of fame que fatuément prodigues nous distribuons parfois, les soirs de banquets pérorants.
    Ce mélange habile et funambule entre gags innocents et virtuoses à la fois (les funérailles, la guimauve, …), entre ennui farnienteux et rites rythmiques (les repas de la pension, les soirées au salon), entre modestie de surface et hystérique ambition de fond (Tati, c’est un peu le Kubrick du rire 50’s, nan ?) se présente sous la bienvenue forme d’une drôlissime et nostalgique série de vignettes estivales et balnéaires, quasi-muettes, glaciales et généreuses à la fois, artificielles et pourtant campées, ayant encore un pied dans une « certaine réalité sociale » (Mon Oncle, Playtime et Trafic verseront ensuite plus volontiers dans l’abstraction) et un goût évident pour le timing et les divers registres comiques (l’époque aidant, le film offre une passerelle générationnelle entre deux cinémas (et deux sociétés) dont ne purent (ou ne voulurent) pas bénéficier les grands du Muet campés des deux côtés de l’Atlantique).
    Orthodoxément classique et farouchement avant-gardiste, Jacques Tati, le démiurge, avait bien compris que pour être moderne, il faut finalement…être en retard.

  • Vincent : Merci, j'irai vite lire ça.

    Mariaque : Kubrick et Tati, oui il y aurait bien des passerelles. Il s'agit dans les deux cas de construire à chaque fois un film-monde. A première vue, c'est un vase clos, un vivarium, une expérience. Mais comme toute expérience, cela part d'une observation et d'une interrogation du réel.
    Et effectivement, "Les vacances" est à la charnière dans l'oeuvre de Tati, entre un certain réalisme et l'expérimentation. C'est aussi en ce sens que je le désignais comme étant le plus équilibré.

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