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The dark knight

(Christopher Nolan / Etats-Unis - Grande-Bretagne / 2008)

■□□□

darkknight.jpg"Why so serious ?"

En effet, pourquoi si sérieux ? Car The dark knight, film de la décennie pour les utilisateurs de l'imdb et pointant au vingtième rang du classement des blogueurs cinéma, est à mon sens bien trop sentencieux, bien trop boursouflé, bien trop long, bien trop froid, bien trop concerné...

Le choc initial provoqué par cette vision d'une Gotham City présentant tous les aspects du New York contemporain n'est pas trompeur : Batman est devenu le héros d'un blockbuster tout à fait actuel et se montrant à chaque instant soucieux de l'état du monde à l'aube de ce nouveau millénaire. Il nous est donc rigoureusement impossible d'échapper aux réminiscences du 11 septembre 2001, aux réponses que peuvent donner les démocraties face à la menace terroriste,  à la réflexion sur la tentation du totalitarisme sous couvert de politique sécuritaire, à l'évocation d'un banditisme sans frontières (gangsters noirs, mafiosi, hommes d'affaires chinois, hommes de main d'Europe de l'Est : tous appartiennent à la même nébuleuse). De plus, à l'image de la quasi-totalité des affrontements organisés entre les personnages principaux, chaque séquence importante cache en fait un enjeu moral incommensurable et débouche sur un lourd dilemme. Nous en arrivons alors à trouver particulièrement bête une scène comme celle, bien-pensante, des deux ferries bourrés d'explosifs (les passagers, "simples citoyens" d'un côté et dangereux détenus de l'autre, sont poussés par le Joker à faire exploser le navire d'en face pour sauver le leur).

Ambitieux, The dark knight n'a finalement pas grand chose à voir avec un film de super-héros. Il se rapproche bien plus, selon les moments, du thriller, de l'espionnage (une escapade à Hong-Kong inutile), voire, dans la construction du personnage du Joker, du film de serial killer (les séquences de commissariat). Se voulant éminemment politique, il commence par nager dans les eaux troubles de la criminalité économique et s'y noie régulièrement (je n'ai pas saisi la teneur de plusieurs séquences dans cette première partie) avant de recentrer avec plus de bénéfices son récit sur les trois ou quatre figures principales.

La noirceur du film et la dualité de Batman ont été applaudi sans mesure. Remarquons qu'il ne s'agit ici que d'un phénomène d'amplification, Nolan ne faisant que pousser le curseur un peu plus loin. Mettre à jour l'ambiguïté et les douleurs nichées dans le coeur du super-héros a tout du programme minimum depuis le travail de Tim Burton (sinon celui de Richard Lester qui pouvait par exemple faire provoquer par son Superman des accidents involontaires et lui faire rater ses sauvetages). La violence, quant à elle, monte également d'un cran, essentiellement véhiculée par la tonalité des séquences de combats ou de tortures, bien que Nolan reste tout de même dans des limites très strictes, de peur de s'aliéner une partie du public de la série, en suspendant les gestes au dernier moment ou en les reléguant dans le hors-champ. Surtout, l'ensemble ne propose guère de singularité stylistique : le cinéaste du plaisant mais limité Memento nous ressert à plusieurs reprises un travelling circulaire pour filmer des conversations et lorsqu'il a la possibilité de créer du décalage, il revient aussitôt dans les rails (quand le Joker est tenu dans le vide par Batman, la tête en bas, la caméra pivote sur elle-même pour le cadrer "à l'endroit").

Tout n'est heureusement pas dépourvu d'intérêt dans The dark knight : la notion d'enfantements successifs de monstres est assez saisissante, la séquence introductive du hold-up est impressionnante par sa nervosité et celle, centrale, de la poursuite en véhicules blindées est un morceau de bravoure bluffant. Mais derrière l'actualisation à marche forcée du mythe, souffrant ici de l'absence d'une émotion autre que victimaire et d'un déficit de poésie noire, je regrette fortement que transparaisse la défaite de l'imaginaire.

Commentaires

  • Il nous faut cependant d'ores et déjà reconnaître n'avoir pas d'enclin particulier (ou de méfiance d'ailleurs !) pour le gars Nono dont nous avions aimé en son temps le roublardement habile Memento sans non plus nous relever dés potron-minet pour le défendre devant les sceptiques: nous laisserons donc à d'autres l'animation (parfois) hystérique du débat « Auteur?/Pas Auteur! ».
    Ceci posé, qu'avons-nous ressenti au sortir de ces 147 minutes de lutte entre le bien et le mal, questionnant la responsabilité, la légitimité et la corruption, l'héroïsme mérité et celui permis, opposant le nihilisme ludique à l'humanisme torturé ? Un peu tout et son contraire, à dire vrai.
    Passons sur l'envahissante (jusqu'à l'obscène) partition de Zimmer et Howard Newton (authentiquement infecte), faisons fi de la faible lisibilité de la plupart des séquences d'action (tout, de l'intervention du Batman contraint de rosser et du mafieux à accent et du citoyen stupidement plagieur jusqu'au décevant assaut final en passant par la huge poursuite centrale - bien en deçà de celle d'un T3 - par exemple, relève d'un confus plus patent encore que notre alambiquée syntaxe) et feignons de n'avoir pas noté une ou deux séquences dramatiquement foirées (le poncif du Joker poussant à bout son geôlier en lui détaillant la mise à mort au couteau de ses collègues flics) pour nous concentrer sur les quelques (rares ?) forces surnageant à l'entreprise (oublions encore pour ce faire, voulez-vous, la risible performance de Christian Bale qui compose en outre un Bruce Wayne encore plus vulgaire qu'il ne le feint, ainsi que tout le tralala techno-scientifique assommant autour des sonars gnagnagna et du kevlar tissé au point de croix).
    Apprécions à leur juste valeur en revanche certaines maximes sur le goût de l'irresponsabilité (je suis comme un chien qui court après les bagnoles: si j'en attrapais une je ne saurais pas quoi en faire) et tout l'éventail filmique imposant avec un certaine force le barré Joker de Ledger (paix à ses cendres médicamentées !) comme « un agent du chaos », appuyée par une gestuelle cinégénique (qu'on ne saurait réduire à ses coups de langue ! Tout son corps est impliqué !), un masochisme nihiliste et magnétique (comme on n'en avait plus vu depuis Seven ?) et des inspirations de mise-en-scène exacerbées dés le petit père en velours violet à l'image (force qui s'effondre cependant lors de son ultime confrontation avec eul'Batman, dans un discours fatigué sur le mode du « nous sommes les deux faces de la médaille » (sillon déjà (et mieux !) creusé par le B.Returns de Burton): la faible fin du film et la patente impossibilité à en finir puissamment avec ce personnage (pourtant enigmatiquement développé auparavant (sa fascinante mythomanie quant à ses cicatrices (voir ici et là) !)) est ainsi rachetée in extremis par un épilogue aux enjeux annexes, fuyant une vraie conclusion ricanante).
    D'autres maximes encore, désabusées ou pas, sur la seule justice possible que constitue la chance individuelle (fut-elle orientée !), défendue par le vengereux Harvey Dent mis un genou à terre (pour chercher encore un sens à sa vie et, accessoirement, la moitié de sa gueule partie en fumée) irradient la production de diverses philosophies sociétales, auxquelles s'ajouteront la posture sacrificielle (il saute d'un renoncement auto-expieur à un autre plus flagellant encore) du Bat-gars, la bienveillante (et éculée) sagesse birmano-Kiplingesque du domestique, l'éthique effarouchée de l'ingénieur (alternant ironie et engoncement servile) ou celle, in fine, pessimistement résignée de Wayne et Gordon... laissent paradoxalement rugir un souffle épique et plutôt impliquant, offrent un réseau de vastes enjeux à l'ambition (assez) bien digérée (des personnages en font cependant bien sur les frais) pour ne point trop nuire et à la narration et au rythme de l'affaire (même si toute la séquence chinoise, très M:I:III, aurait pu sans doute être bienheureusement escamotée, histoire de resserrer le truc !).
    Le tout est emballé dans une forme hollywoodo-hachée bien de son temps (rien pour se gargariser non plus, ce nous semble), assez inoffensive malgré tant de darkness (le film est au fond, malgré sa noirceur apparente, bien plus poli et TV-friendly que le Batman de 89 !) et constitue un spectacle qui, pris au premier degré et appréhendé à chaud, s'avère néanmoins assez hypnotique (malgré quelques gratuités scénaristiques encore, telle la disparition du frais émoulu commissaire Gordon !), où l'esprit assené fait avaler les faiblesses de la lettre, approximative et maladroite, suffisamment punchy (à tout le moins visiblement pour faire se baisser bien des gardes et autoriser les envolées dithyrambiques des plus romantiquement enthousiastes)...
    Mais enfin, comme disaient autrefois les distributeurs de Wes Craven: it's only a movie, hé les gars. Et pas le tout tout meilleur non plus...

  • Aaaaaaaaaaaaaaaaaaargh.
    Vous êtes bien plus sévère que mon acolyte pourtant à moitié convaincu dont je vous laisse découvrir le texte qui a inauguré notre blog : http://desoncoeur.over-blog.com/article-35507245.html

    Je suis bien évidemment presque pas du tout d'accord mais je m'y attendais ! Cependant vous avez écarté dans votre note le personnage du Joker qui ne souffre pourtant d'aucune lourdeur, ni dans son interprétation, ni dans la construction du personnage.

  • oui,c'est bête!
    un blockbuster qui n'est pas seulement un blockbuster vide et sans fond! zut! ça me donne envie de revoir le cabotinage de RDJ et les Iron Man(le 1er film était frais mais le 2é rance et inutile) et le râté Wolverine!

  • Évidemment, si on choisit d'analyser le film et d'en défaire la trame (très grossière, certes) philisophico-politico-machin, c'est vrai qu'on peut être déçu (ou rigoler, selon le point de vue...).
    Mais il manque un truc, dans l'approche... Parce qu'il fait la force du film, c'est le méchant Le formidable et extravagant Joker Psychopathe, Grotesque, sans subtilité, mais réussi comme rarement le sont les Villains, normalement réduits à être des faire-valoir grimaçants du héros. Ici, c'est tout le contraire ; Bat navet, on s'en tape ! et double face, il sent un un peu trop la psychanalyse de bazar qui se prend au sérieux pour être vraiment réjouissant. Mais le joker ! Ca, ca vous fait un film !

  • Vu l'an dernier en salle, d'accord en gros et en détail avec ce que tu en dis. Moi, je n'ai pas fini de regretter la combinaison cuir de Michelle Pfeiffer. Sinon, je n'ai guère été impressionné par le Joker que tout le monde porte aux nues. J'ai préféré le personnage de Gary Oldman.

  • Quoi Vincent ?! Autant je comprends vos regrets sur la combi de Michelle Pfeiffer (je ne sais pas si vous avez lu l'analyse de Ran sur la relation politico-érotique dans Batman Returns), autant je n'arrive pas à croire que vous préfériez le personnage du (très bon) Gary Oldman à celui du Joker. Et pourquoi pas le personnage Morgan Freeman pendant qu'on y est :)

  • Moi qui pensait provoquer une levée de boucliers...

    Mariaque : Merci pour cette critique fort pertinente (sur les facilités scénaristiques, notamment). Pendant le film, l'ombre de "Seven" m'a également frôlé.

    Clémence : J'avoue ne fréquenter que très rarement le genre, surtout dans ses plus récentes contributions (par exemple, le 1er X-Men de Singer m'avait laissé désemparé). Ainsi, je connais mieux "L'homme de fer" que "Iron Man" et "Volver" que "Wolverine".

    Nolan (Christopher ? ... bon ok, promis, c'est la première et dernière fois que je la fais) & Yoye2000 : Et bien moi aussi je m'y attendais à cela : que l'on me renvoie à ce Joker "génialissime" dont je parle si peu. Déjà, je le dis entre parenthèses, les circonstances dramatiques extra-filmiques ont été selon moi bien trop mises en avant, cela pour préparer les spectateurs et faire passer ce qui n'est qu'une bonne interprétation pour une expérience unique et bouleversante. Ensuite, le personnage du Joker, tel qu'il est façonné ici m'apparaît participer du même mouvement vers le bas qui plombe tout le film, un "rabaissement" vers le réalisme, vers le sérieux, vers le tristement pathologique, vers l'extravagance morne. Enfin, je ne pense pas qu'un personnage puisse sauver un film à lui seul, du moins pas lorsque celui-ci ne lui est pas consacré exclusivement (Ledger ne sauve pas la scène, déjà vue combien de fois ?, du tabassage par le flic dans le commissariat, il ne sauve pas celle du bavard face-à-face avec Batman en haut du building...).

    Thomas : Bien lu !

    Vincent : J'ai lutté jusque là pour ne pas me lancer dans des comparaisons avec les deux épisodes de Burton, mais si tu commences à parler de Michelle et de sa combinaison, je ne réponds plus de rien... Par contre, même si je ne suis pas moi non plus ébloui par ce Joker, je le préfère encore au personnage joué par Oldman, qui s'est bizarrement fait la tête de Ned Flanders, le voisin des Simpson (ça m'a beaucoup perturbé).

  • Bon, finalement je préférais quand vous n'aviez pas écrit sur le Joker.
    Par contre, Ned Flanders c'est vraiment bien vu et maintenant je ne pourrais plus regarder le film de la même façon. A bientôt.

  • N'étant pas familier des Simpsons, je n'ai pas eu ce problème. En fait, j'ai aimé Oldman parce qu'il m'a fallu un moment pour le reconnaître. J'ai toujours un problème avec les interprétations "flamboyantes", dans le premier opus de Burton, j'ai eu les mêmes réserves avec Nicholson. Je trouve qu'on est dans l'effet, dans le cabotinage, je me souviens d'une scène ou il tue un type (avec un stylo, non ? ) qui m'avait fait penser à une caricature de Joe Pesci chez Scorcese. J'exagère un peu mais c'est aussi d'avoir vu le film avec un décalage, donc après tous les dithyrambes sur l'acteur.
    Sinon, j'irais lire Ran sur Pfeiffer, miam :)

  • Vous chipotez un peu ! bien sûr, il ne faut pas exagérer, la composition de ledger n'est pas géniale. Mais quand même dans la catégorie si éculée des psychopathes, il tient la route. Et il y a de la concurrence...
    Et surtout il sauve le film, qui en son absence, serait singulièrement sans intérêt... non ?

  • Nolan : Toutes mes excuses. Non seulement j'émets des réserves sur un film que vous appréciez mais en plus, je vous parasite vos futurs visionnages...

    Vincent : J'avais à l'époque bien aimé le Joker de Nicholson. Il me semble cependant que sa performance avait été beaucoup plus discutée que celle de Ledger.

    Yoye2000 : Mouais... Je ne vois pas une différence si énorme entre les scènes où il apparaît et les autres.

  • Bonjour edisdead, je n'ai aucun souvenir de l'escapade à Hong-Kong. La raison de voir le film c'est Heath Ledger, point. J'ai été gênée par les deux voix de Batman (j'ai trouvé cela ridicule). Bonne après-midi.

  • Bonsoir dasola. Tiens, oui, c'est une chose dont je n'ai pas parlé (pour ne pas charger la barque ?) : la voix de bourrin de Batman (alors que Bruce Wayne parle normalement) et sa carapace de Playmobil bodybuildé.

  • j'estime que cet apport post-11 septembre est bel et bien ce qui en fait une œuvre incroyable. Nolan, toujours très malin, se sert d'une franchise et l'ancre dans le contemporain, quitte à dérouter. Sauf qu'à bien lire (au sens large) les traits de Batman, il est un justicier de son temps, surtout occupé à nettoyer à la Bat-Karcher les bandits de Gotham.
    Je préfère cette manière détournée d'attaquer de front la psychose du terrorisme que par de banals films de guerre en Irak. Moi je suis surpris de l'ampleur au box office et son succès auprès du public car la trame, si on veut bien la saisir, est assez complexe (pour un spectateur pop-corn).

  • A ceci près que l'évocation du 11 septembre est présente (de manière frontale, comme dans ces films de guerre en Irak, ou de manière plus symbolique ou détournée) dans la moitié des films hollywoodiens de la décennie, non ?

  • Je rejoins Alexandre Mathis.

    Le soucis n'est pas tant qu'il y ait ou qu'il y ait eu un monopole thématique post-11/09 dans la production hollywoodienne mais que cette cinématographie soit elle-même productrice de nouveauté.

    La fin de Batman begins nous laissait sur les ruines d'un ground zero encore fumant et la question sur la moyens à mettre en place pour redresser la situation fournissait la matière à l'épisode suivant.

    The dark knight sort à la fin du mandat Bush Junior et, dans un blockbuster, en pareil moment, la reprise du discours sur la chute du héros n'est pas innocente. Batman bafoue les libertés, engendre un mal plus grand en croyant lutter contre les ennemis de sa ville-monde... Cet encrage ultra-réaliste (mondialisation, transpiration de la finance et de l'argent par tous les pores métropolitains, extension d'une politique criminelle, impuissance étatique...), la césure avec l'imagerie développée depuis Burton et le final obligeant le Batman à renoncer à son statut de super-héros m'ont particulièrement séduits.

  • Je suis bien d'accord avec cette deuxième phrase.
    Et je comprends bien les intentions de Christopher Nolan, seulement la mise en œuvre ne m'a pas, moi, séduit...

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