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Mardi, après Noël

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C'est l'histoire banale d'un adultère, aujourd'hui, à Bucarest. Mardi, après Noël est un film douloureux car il crée une intense proximité avec le spectateur. Ce qui se passe sur l'écran, on pourrait le toucher du doigt, tant cela semble tout près. Pourtant, nous ne sommes pas sous l'emprise d'une mise en scène de l'urgence, de l'intervention, où une caméra nerveuse et accrocheuse se collerait sous le nez des acteurs, mais devant une esthétique du plan séquence transparent. Transparent dans le sens où le plan sert avant tout à enregistrer, sans chercher à contraindre ou à signifier trop lourdement. Si un personnage est isolé dans le cadre ou repoussé dans le flou de l'arrière-plan, il ne le reste pas assez longtemps pour que l'évènement prenne la valeur d'un discours esthétique, d'un marqueur de style. Nous avons simplement le sentiment fugace d'un délitement.

A partir de là, c'est peu dire que le film ne porte pas de jugement et que Radu Muntean ne propose pas une étude psychologique. Ses personnages sont là, c'est tout. Nous ne parlerons pas de réalisme mais de présence, d'évidence et de vie. La femme, placée devant le fait accompli de l'adultère par le mari a ses mots aussi banals qu'imparables : "Cela devait arriver puisque c'est arrivé." En fait, nous ne le réalisons qu'après coup mais nous n'avons finalement vu durant tout ce film que des situations archétypales, des passages obligés pour toute histoire de tromperie conjugale : le prélassement dans les bras de l'autre, la rencontre fortuite entre les deux femmes, l'escapade sur un coup de tête, la révélation du secret, la rupture... Le petit miracle du film est que ces scènes parviennent à avoir le goût de l'inédit.

Cette réussite tient à plusieurs facteurs, savamment dosés. L'interprétation est sans faille, l'écriture est d'une belle finesse et, surtout, le rythme qui gouverne les plans séquences est d'une extraordinaire précision. Avec simplicité, il se cale sur les dialogues, d'apparence anodine sans être ennuyeux, peut-être légèrement condensés par rapport à la vie réelle, afin de préserver l'énergie des séquences. C'est un film de conversation, un constat sur le couple qui dit tout d'une vie sans presque rien avancer, une vue en coupe éclairée d'une lumière bergmanienne. C'est aussi, encore une fois, une très bonne nouvelle cinématographique venant de Roumanie. 

 

mardiapresnoel00.jpgMARDI, APRÈS NOËL (Marti, dupa craciun)

de Radu Muntean

(Roumanie / 99 mn / 2010)

Commentaires

  • Bonjour Ed, un convaincu de plus pour ce film, je suis contente. Je remercie Chris et Ffred de m'avoir incitée à voir ce film que je risquait de ne pas voir et cela aurait été dommage. Les trois acteurs sont formidables.

  • Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Dois-je revoir Policier, adjectif, telle est la question de la semaine :)

  • Merci dasola de citer tes sources, ça fait plaisir ! A chaque fois que je lis une critique favorable à ce film, je crois à nouveau en l'avenir du cinéma, et des blogs !!

    Tu as parfaitement raison de parler d'extraordinaire précision, c'est exactement ça. De la magie.

  • Dasola : Oui, tous les acteurs sont remarquables, jusque dans les seconds rôles (parents, amis...).

    Fred : Une volte-face par rapport à Policier adjectif serait étonnante. Peut-être vaut-il mieux que tu attendes la prochaine sortie roumaine... J'espère que ce sera le Cristi Puiu présenté à Cannes au printemps dernier et que j'attends personnellement avec impatience...

    Chris : C'est vrai que Mardi, après Noël est un film qui fait son petit chemin en partie grâce aux blogs, qui l'ont très bien accompagné (il me semble même qu'il y est plus visible que dans la presse...).

  • "Nous ne parlerons pas de réalisme mais de présence"
    C'est très juste, oui ! Le réalisme n'est pas le souci du cinéaste, mais plutôt de savoir comment tel corps peut tenir tant de temps dans tel cadre - on peut entendre par cadre aussi bien l'image que l'histoire, d'ailleurs, dans le cas de ce film/
    J'attends aussi avec plus qu'impatience le prochain film de Cristi Puiu. Mais personne n'a l'air de se précipiter pour le sortir.

  • "...peut-être légèrement condensés par rapport à la vie réelle" ? Carrément condensés ! Tellement condensés qu'on ne peut pas ne pas y voir une lourde machinerie destinée à contrecarrer l'ennui, tant il est vrai que toutes ces séquences n'ont aucune raison d'être filmées en temps réel, hormis une bête et méchante position de principe. On ne fait pas un film, ou en tout cas on ne le réussit pas, à partir d'une position de principe. D'ailleurs, à mon avis, c'est plutôt de paresse (travestie en style volontariste) qu'il s'agit. Ne pas découper une scène et faire dire très vite des dialogues surécrits sont quand même des signes qui ne trompent pas.

  • asketoner : Je ne suis toujours pas revenu, quatre ans après, du périple en ambulance avec Mr Lazarescu... Je n'ai pas poussé les recherches plus que cela mais effectivement, rien n'a l'air d'être prévu dans l'immédiat pour la sortie du nouveau film de Puiu.
    A propos du réalisme, c'est un peu une formule que j'ai écrit là, mais disons que cette question ne se pose pas dans le film, me semble-t-il. A moi en tout cas, le problème de la "ressemblance" avec la vie, de la "fabrication", ne m'a pas effleuré. Je crois que c'est dû au style de mise en scène, qui est finalement assez éloigné de ce qu'on entend aujourd'hui lorsque l'on parle de réalisme. Bon, tout cela est un peu vague, désolé...

    Griffe : Mais moi je lui suis reconnaissant de les avoir condensés pour éviter l'ennui ! D'autant que le procédé ne me parait pas aussi évident ni aussi systématique que vous le dites (je n'ai pas eu spécialement d'impression de vitesse dans les dialogues et la longueur des plans séquences fait, selon moi, que ça "rentre" sans forcer du tout). Pour ce qui est de cette histoire de "principe", je vous rejoins un peu plus, bien que pas totalement... Je pense que l'on ne peut pas réussir un "très grand film", un "chef d'œuvre", à partir d'une position de principe (ou alors très, très rarement : par exemple "La mort de Dante Lazarescu", le seul que je voie, dans ces dernières années, que l'on puisse qualifier ainsi), mais, si ce principe n'est pas trop contraignant pour le spectateur, il est tout à fait possible de réaliser un film intéressant, voire un très bon film... comme c'est le cas, à mon avis, ici. Le principe peut relever l'intérêt. Par exemple dans ce film, il me semble que la scène de début au magasin d'affaires de ski tient par sa durée et l'absence de coupe. En la découpant traditionnellement, je pense qu'elle aurait été bien anodine, voire assez moche (maintenant, cela dépend, bien évidemment de qui la filme...).

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