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- Tiens... on dirait que la chasse est ouverte. Chacun y va de son petit mot cassant à l'encontre de la jeune et riche héritière.
- Oui et bien ne comptez pas sur moi pour y participer !
Une défense de Somewhere, en écoutant les Strokes.
Is this it
Ce qu'il faut retenir du déjà fameux premier plan du nouveau film de Sofia Coppola, ce n'est peut-être pas tant le manège répétitif de la Ferrari noire de Johnny Marco que son arrêt soudain devant nous, sans raison particulière.
Végétant à l'hôtel Château Marmont de Los Angeles, la star ne se lance dans des projets ou ne se soumet qu'à des activités qui, immanquablement, tournent court. Suivre une belle blonde en décapotable n'aboutit à rien, partir en balade mène à la panne de voiture, se lancer dans une partie de jambes en l'air provoque l'endormissement, accepter de se faire masser par un homme entraîne une inquiétude insurmontable. Il n'est alors pas étonnant qu'un aveu attendu, si important, soit formulé mais pas entendu, recouvert qu'il est par le bruit d'un hélicoptère. La remise d'un prix en Italie apportait pourtant la promesse d'un dépaysement libérateur mais là aussi, le discours de remerciement est court-circuité par un numéro berlusconien de danseuses sexys et, l'insatisfaction étant la même à Milan qu'à Hollywood, une nouvelle fuite s'impose.
En s'inscrivant dans ce registre, en ponctuant la quasi-totalité de ses séquences par ces petites déconvenues, en les stoppant là où le mouvement s'arrête, contrarié, Sofia Coppola prend le risque de la déception. L'exercice est d'autant plus périlleux que, notre point de vue devant épouser celui du héros, l'image ne doit pas trop stimuler l'œil ni le son ambiant trop flatter l'oreille (ainsi, les scènes avec les stripteaseuses laissent entendre les crissements des mains sur les barres et maintiennent la musique à l'arrière-plan sonore, non mixée, sortant directement du lecteur CD posé à terre). La cinéaste doit donc faire preuve de discrétion sans trop abdiquer pour autant sur le terrain de la forme.
Room on fire
Sofia Coppola a toujours eu le talent de transformer une suite de saynètes en touchant récit impressionniste. Cet art de la vignette s’adapte parfaitement au sujet choisi car il concourt à relayer la perception fragmentaire du personnage principal. Celui-ci, dont les emplois du temps sont dictés par une invisible assistante, ne cesse de voir les choses lui échapper, se dérober progressivement. Et nous avec. Nous apercevons subrepticement une voiture accidentée sur le côté, nous croisons des jolies blondes interchangeables, nous imaginons des paparazzi en planque dans des 4x4, nous lisons des textos haineux et non signés… autant de flashs sans explications.
C'est la simple présence de sa fille Cleo qui va aider Johnny. Oh, les choses changent à peine mais suffisamment, elles prennent une forme plus nette et une plus grande consistance. Sans Cleo, ce que Johnny peine à faire, c'est trouver matière à accrocher son regard. Il est important que les spectacles des deux filles dans la chambre encadrent celui que donne Cleo au skating. Devant le show érotique, Johnny s'endort, son regard ne tient pas, alors que l'exercice de sa fille le ravit, ouvrant grands les yeux et ne se laissant pas distraire par son portable.
Tous ces plans rapprochés sur Stephen Dorff, excellent au demeurant, se justifient ainsi. Son regard, que l'on sent progressivement se renouveler, est notre relai. C'est l'un des nombreux côtés wendersiens de Somewhere, le souvenir le mieux ravivé étant celui d'Alice dans les villes, la présence de la jeune fille et la tentation du road movie aidants.
First impressions of earth
La dernière séquence reprend l'idée du court-circuit, sciemment provoqué cette fois-ci lorsque Johnny stoppe sa voiture sur le bas-côté. Il s'avance alors et semble enfin soutenir du regard une ligne de fuite.
Quatre remarques complémentaires :
- C'est Truffaut ou Godard qui disait que c'était aux cinéastes d'origine ouvrière de s'intéresser aux ouvriers ? Apparemment, de nos jours, il est devenu, aux yeux de beaucoup, indécent de ne filmer que ce que l'on connaît.
- Je me demande comment peut-on, dans une critique du film, rapprocher autant de fois Somewhere de Lost in translation tout en faisant descendre la note de 4 sur 5 à 0 sur 5.
- Je préfèrerai toujours les tics du cinéma indépendant US à ceux du cinéma d'auteur français.
- Lorsque Sofia Coppola réalisera réellement un mauvais film, nous pourrons encore fermer les yeux et écouter la bande son.
SOMEWHERE
de Sofia Coppola
(Etats-Unis / 97 mn / 2010)
Commentaires
Tu as de bien singulières lectures :)
Je n'adore pas ce film de la fille Coppola mais je suis d'accord avec vous, le retournement de veste de la critique française est sidérant. Son film n'a rien de honteux, ni surtout rien d'inférieur à ses précédents, ce serait même plutôt le contraire (très juste, votre souvenir de Wenders). Sinon, c'est Godard qui parlait des ouvriers (forcément).
Fred : Ce sont les avantages et les inconvénients du net : certaines lectures énervent régulièrement mais on ne peut s'empêcher d'y jeter un œil de temps à autre...
Griffe : Merci pour la précision (j'étais parti au départ sur Truffaut, avant d'avoir le doute... De toute façon, quand ce n'est pas l'un, c'est l'autre...).
Quant à l'accueil du film... Il me semble que "Somewhere" incite de lui-même à la mesure. Dans la plupart des attaques qu'il subit, on ne voit que trop l'envie de se faire la tête de la fille Coppola. Si seulement derrière la violence des propos on sentait une position critique précise et cohérente. Mais non, ce n'est qu'un concours de vacheries pour se faire mousser et si "Somewhere" avait été signé de quelqu'un d'autre, le discours aurait été totalement différent...
Comme Griffe, je suis assez d'accord quoique un poil moins enthousiaste que toi (comme tu as pu le lire, c'est surtout Stephen Dorff qui me gêne un peu : bon acteur mais pas le charisme d'un Bill Murray). M'intéresse surtout la relation père/fille qui fait décoller un peu les atermoiements existentiels du héros que je ne trouve pas toujours passionnants.
En revanche, tout à fait d'accord quant à vos remarques sur les critiques assassines qui ne sont pas, reconnaissons le aussi, la majorité (voir l'accueil dithyrambique de "Télérama", "les inrocks" et toute la bande...)
Oh, j'ai déjà eu des enthousiasmes plus véhéments mais je trouve le film tout à fait satisfaisant... Je trouve que Stephen Dorff s'en sort vraiment très bien. Et je te rejoins sur la relation père-fille, très bien vue.
Pas lu la critique des Inrocks, mais, si on veut pinailler, je qualifierai celle de Télérama "d'enthousiaste" plutôt que de "dithyrambique" (elle est pas mal, d'ailleurs, pour une fois :)).
Bonjour Ed, je pense ne pas aller voir le film pour une mauvaise raison: je n'avais pas du tout aimé Marie-Antoinette et en y repensant, Lost in Translation: moyen. Virgin Suicides est le seul que j'ai apprécié. Donc je passe. Bonne journée.
Sofia Coppola paie sur "Somewhere" les bonnes critiques de "Marie-Antoinette". A l'époque, personne n'a osé la degommer par peur de paraître réac et aussi parce qu'elle était dans un tourbillon de hype (majoré par Kirsten Dunst), alors que ce film bizarre ne pouvait pas plaire autant.
D'ailleurs, je me demande si elle ne paie pas aussi pour les deux derniers Coppola père que personne n'ose vraiment remettre en cause et dont les critiques en demi-teinte ne reflètent pas vraiment la radicalité.
Alors que moi, ayant chié sur Marie-Antoinette, je me sentirai parfaitement capable d'aimer Somewhere si l'envie me prenait d'aller voir un film mou du genou.
dasola : Effectivement, cela m'a l'air mal engagé de ton côté...
toxicavengeresse : Oui, certains ont dû se dire : "C'est le moment de taper sur Sofia Coppola. Il faut que l'on montre que l'on peut s'opposer à la mode et aux people, ça nous permettra de nous refaire une virginité (suicides)."
"Marie-Antoinette" est le moins réussi des quatre. Même si je ne le déteste pas, je suis d'accord avec le fait que des avis tranchés étaient attendus à l'époque plutôt que maintenant.
Par rapport à Coppola père, j'ai dit l'an dernier sur ce blog tout l'agacement que "Tetro" a provoqué en moi.