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Un été brûlant

garrel,france,2010s

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Bien sûr, Un été brûlant traite un sujet simplissime et rabattu (sous le soleil d'Italie, une femme quitte un homme qui ne s'en remet pas et un deuxième couple, "témoin", manque de peu d'être entraîné dans le naufrage), reprend des figures de style et des thèmes présents dans les films précédents de Garrel, convoque évidemment toute la famille du cinéaste, au sens généalogique comme au sens professionnel du terme... On aurait vite fait de considérer l'opus comme mineur dans la filmographie. Je ne sais pas si il l'est et cela m'est bien égal. Il se trouve que je m'y suis senti bien, comme dans la majorité des œuvres de Garrel que j'ai pu voir depuis vingt ans, en premier lieu J'entends plus la guitare, Le vent de la nuit, Sauvage innocence, Les amants réguliers. De chacun de ces titres, il ne me reste que quelques bribes, des images, des sons, quelque chose de diffus, pas beaucoup plus, mais ils gardent mon affection. Un été brûlant suivra sans doute le même parcours dans ma mémoire.

Le léger voile recouvrant ces films me fit écrire au moment de ma découverte des Amants réguliers quelques lignes à propos de la longueur des plans filmés par Garrel peut-être valables pour ce titre-là mais sans doute pas pour les autres, contrairement à ce que ma formulation trop générale pouvait laisser penser. Dans Un été brûlant, certains plans s'étirent ainsi "gratuitement" mais ils n'en perdent pas pour autant leur force. Ils y puisent même parfois la leur. L'introduction, assez godardienne, est magnifique : le piano de John Cale, la route défilant sous les phares, la femme nue qui tend le bras, l'homme qui pleure, se prend un poteau et se meurt. Son agonie dure en ne laissant entendre que les bruits de ferraille, de flammèche et de court-circuit électrique. Survenant plus tard, la longue séquence de la danse de Monica Bellucci, passant d'un homme à un autre, est suffisamment commentée ailleurs pour que j'y revienne ici. Profitons tout de même du rapprochement de ces deux moments pour apprécier le rapport particulier de Garrel à la musique. Il est vraiment plaisant de retrouver de temps à autre un cinéaste qui ne se serve pas de celle-ci comme simple illustration et facile attrape-spectateur.

Pour certains, le film passera peut-être pour une succession de clichés. Ce qui m'a intéressé pour ma part, sur ce plan-là, c'est la manière dont Garrel part effectivement de l'énonciation, par les personnages, de ces clichés pour mieux les faire broder autour, pour mieux asseoir et affiner le propos au fil des dialogues. On se dit alors qu'en creusant encore et toujours ce sujet, on finit par trouver régulièrement des choses nouvelles (ou, la mémoire étant ce qu'elle est, qui paraissent nouvelles). C'est ainsi que cette étude de couple échappe malgré tout à la futilité et parvient à dire (et à montrer) quelques vérités, à émouvoir, même, assez souvent, notamment lorsqu'est illustrée l'idée que s'occuper vraiment de quelqu'un c'est en délaisser un autre.

Si le point de départ et celui d'arrivée sont clairs (le récit est en fait un flash back), la séduction qu'exerce le film tient aussi à la façon dont est suivi le chemin qui les relie : la progression dramatique ne se fait jamais en donnant l'impression de s'appuyer sur des chevilles de scénario, comme dans un quelconque marivaudage d'un Doillon des mauvais jours. Cette fluidité et ce flottement, auquel concourt pareillement la bande son, sont des plus agréables.

Enfin, j'aime Un été brûlant pour l'honnêteté qui me semble le traverser. Garrel y fait le point sur son cinéma, sa situation personnelle, sa position morale et idéologique, et son statut d'artiste. Peut-être y a-t-il ici un certain confort (pour le cinéaste comme pour moi en tant que spectateur), mais Garrel ne se planque pas, ne fait pas le malin, ne triche pas.

 

garrel,france,2010sUN ÉTÉ BRÛLANT

de Philippe Garrel

(France - Italie - Suisse / 95 min / 2011)

Commentaires

  • Certes Edouard, mais trois étoiles quand on écrit :
    "Pour certains, le film passera peut-être pour une succession de clichés...cette étude de couple échappe malgré tout à la futilité" sans le discuter
    n'est-ce pas excessif ?
    Garrel, comme Doillon que tu cites, sont de grands cinéastes mais certains de leurs films sont mineurs me semble-t-il. Peut-être mieux vaut revoir les grands Garrel que de perdre son temps avec celui-ci.

  • Ouh la j'ai eu ma dose de Loulou avec Honoré ce mois-ci. J'ai décidé de passer mon tour.
    Les *** ne seraient-elles pas pour la danse lascive de La Belluci ?

  • Fred : Non, je ne me suis jamais compté parmi les admirateurs de La Bellucci. Là, elle est très bien en "pièce rapportée" dans le monde de Garrel.
    Quant à Louis, je le fréquente moi aussi pas mal en ce moment, puisque j'ai enchaîné avec Les chansons d'amour le lendemain. Et je préfère largement le voir pleurer chez son père que faire le pitre chez son copain...

    Jean-Luc : Le caractère "péremptoire" de cette note, je l'assume totalement. Et je reconnais volontiers que ma défense de ce film n'est pas la meilleure que j'ai pu proposer jusque là. Il arrive parfois que l'on aime vraiment un film sans savoir véritablement comment traduire cette affection. C'est mon cas ici et c'est pourquoi je parle plutôt, dans ma note, de mon rapport particulier au cinéma (relativement récent) de Garrel.
    Pour beaucoup, me semble-t-il, le film passe pour mineur, voire négligeable. De plus, il arbore plusieurs signes extérieurs (sujet, casting...) qui peuvent le faire passer pour un exemple parfait de ce cinéma d'auteur français refermé sur lui-même. Or ces "clichés", je pense, comme j'ai essayé de l'expliquer, qu'ils ne sont que le point de départ. Le point de départ du film, si l'on veut, mais aussi, à un autre niveau, le point de départ des dialogues par exemple. Et personnellement, je n'ai réalisé cela qu'en cours de film, ce qui prouve que cette "succession" ne m'a aucunement gêné (en plus de l'élégance de la mise en scène, la force des premières séquences y est sans doute pour quelque chose).
    Donc, oui, assurément : ***

  • Tiens, puisqu'on en cause, en guise de rappel, un Doillon (très) mineur :
    http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2010/04/26/le-mariage-a-trois.html
    avec justement l'omniprésent Louis Garrel...

  • Oui mais ne te plains pas. Dans Les chansons il y a Ludivine et Chiara...

  • Ok Edouard. Ceux (enfin pas n'importe qui !) qui aiment ont toujours raison. Laissons le film se décanter dans la mémoire.

    Y a pas jeu avec le Doillon, l'un des seuls ratage de son auteur.

  • Fred : Je me permets de te reprendre : dans Les chansons, il y a Chiara et les autres.

    Jean-Luc : Je suis désolé car il est vrai que ma position n'incite guère à de longs débats... Mais ils reviendront en d'autres occasions...

  • mouarf
    je l'attendais celle-ci

  • Je l'avais manqué à l'époque et je viens te soutenir bien tardivement. Tu as raison de souligner que Garrel ne sombre jamais dans les clichés du cinéma d'auteur contemporain. Au contraire, il part de sa propre histoire pour inventer un cinéma à la fois "primitif" (le récit est minimaliste) et romanesque. Je n'y vois pas un film mineur (pas plus que dans le superbe "Le frontière de l'aube") et je pense qu'on le réévaluera..

  • Près de 2 ans plus tard, le film a suivi le même chemin que les autres Garrel dans ma mémoire : quelques éclats, une ambiance, un parfum...

    PS : Il faudrait que je vois "La Frontière de l'aube".

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