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Solo

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Bien que je savais la réputation de ce film-là bonne, la découverte de Solo a été pour moi, assez peu familier du cinéma de Jean-Pierre Mocky, une excellente surprise. Laisser-aller technique, facilité des caricatures, raccourcis narratifs... tout ce qui est habituellement retenu, à tort ou à raison, pour poser les limites du travail du bonhomme s'effacent ici ou bien sont retournées à son avantage.

Solo, tourné en très peu de temps, est un film qui va vite, toujours en mouvement. Devant une caméra extrêmement mobile, soumise à un découpage nerveux, l'histoire racontée est celle d'une course poursuite entre la police et un groupe d'anarchistes ayant décidé de passer à l'action terroriste. A cette poursuite s'ajoute une autre : Vincent, violoniste et arnaqueur de bourgeois(es), court après le chef de la bande, qui n'est autre que son jeune frère, Virgile, dans le but de limiter les dégats et le protéger. Le sentiment d'urgence est donc redoublé. Régulièrement, le montage se fait parallèle et montre deux actions en cours simultanément, entrelaçant ainsi les trajectoires et préparant une fin douloureusement ironique, au cours de laquelle les retrouvailles ne pourront se faire malgré la proximité. D'une séquence à l'autre ou d'un plan à l'autre, nous sautons souvent par ellipses et ces accélérations libèrent presque un parfum d'irréalité. Les personnages, qui ne cessent d'utiliser des moyens de locomotion (voiture, bateau, train, camion...), sont élevés par moments au rang de figures, comme lors des affrontements entre les deux frères séparés et les deux policiers en charge de l'enquête, en retard mais finalement toujours là où les choses se passent. L'ambiance nocturne (l'histoire se déroule en une seule nuit) accentue l'étrangeté.

Le film est double à bien des égards. Il est par exemple à la fois décalé et en plein dans son époque. Il évoque, à travers ses seconds rôles notamment, le cinéma français des années trente et aborde pourtant un sujet alors brûlant d'actualité (68 et après ?). Un leitmotiv musical de Moustaki l'enveloppe de manière nostalgique, pesante (au bon sens du terme), laissant peu d'espoir. Solo est une course à perdre haleine dans laquelle ce sont les cadavres qui égrènent le compte à rebours. Les protagonistes vont à leur perte en toute conscience mais ne peuvent s'empêcher de rester en mouvement, pour se sentir vivre. Un duel entre deux hommes du même groupe provoque un double effondrement, de part et d'autre d'un revolver tombé au sol. La mise en scène de Mocky est inspirée, expressive mais aussi, parfois et de manière assez inattendue, subtile (pour ce qui est des touches humoristiques, entre autres).

Comme la musique calme le jeu, apporte une épaisseur, une ombre et une émotion, les personnages ont le temps de discourir. Et ces discours, le cinéaste les désamorce parfois mais les écoute toujours. Si des aberrations et des sottises sont proférées par ces gens, ceux-ci sont sauvés par leurs convictions et leur énergie. On sait pertinemment à qui va sa sympathie mais il ne tape pas aveuglément : dans Solo, Mocky ne se moque pas. Cette attitude se vérifie jusque dans la description du travail des flics, jamais montrés comme étant des imbéciles. Quant aux bourgeois, ils ne font de toute façon que (tré)passer. S'il fait sourire parfois, Mocky ne rabaisse pas.

A l'écran, il joue lui-même Vincent, séduisant, de noir vêtu, s'exprimant d'une voix faussement neutre qui va à merveille avec le personnage, solo... ce qui ne veut pas dire sans morale, ni sans fidélité, ni sans cœur.

 

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de Jean-Pierre Mocky

 (France - Belgique / 83 min / 1970)

Commentaires

  • Voici donc la nouvelle peau attendue de ce blog. Jolie, donc. Bon, par contre, tu attaques sur un Mocky que je ne connais malheureusement pas. J'aime pourtant bien le réalisateur en lui reconnaissant tous les défauts que l'on peut lui retrouver. Je crois que Solo fait partie des quelques trop rares films, avec La Cité de l'indicible peur ou Agent trouble, qu'il a complètement bossé dans sa carrière. Il faudrait donc que je le découvre.
    En attendant heureux de te retrouver.

  • Ravi de te revoir parmi nous, qui plus est avec un texte très juste sur l'un de mes films préférés de Mocky.

  • Merci messieurs.
    J'aime bien La cité de l'indicible peur, dont j'ai brièvement parlé ici même, en même temps que La grande lessive. La carrière de Mocky, je ne l'ai vraiment suivie qu'au milieu des années 80. C'est donc assez vague comme souvenir. J'aimerai bien m'y replonger à l'occasion.

  • Bravo pour les Ré-ré-re : je trouve cette nouvelle version très réussie, claire et agréable. Pour chipoter, je suis perso pas fan d'une taille de caractère si élevée pour les billets, mais bon, je verrai avec le temps. Pas vu le Mocky, ni le Jolivet (et ça, ça a l'air moins grave :-) )

  • Merci D&D. Pour la taille des caractères, c'est effectivement un peu surprenant au début mais on s'y fait. Et comme ça, je vais garder mes lecteurs les plus âgés... :D

  • Mutation de la comédie sociale grinçante (et castinguement pléthorique) en film noir (and dry) à l'américaine permettant à son franc-tireur d'auteur d'établir (outre une certaine et tragique prémonition à l'égard de la colère mal éteinte (et du désespoir grandissant) de la jeunesse post-68) une nette distinction entre son enclin pour les cyniques diatribes aphorisantes et désenchantées (son côté "vieux con" ?) opposée à la verdeur intacte (jamais anar mais pas plus subtile pour autant) de son goût pour la mise en boîte des élites et la rébellion (frontale ou par la bande) à l'encontre d'ic elles.

  • D'accord mais "dry" au sens "asséché", "allégé" (là ok, car il y a effectivement un léger "décalage" dans la mise en scène de Mocky) ou bien au sens plus péjoratif de "Canada Dry" (par rapport au noir à l'américaine) ?

  • the first one, i guess.

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