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Ceci n'est pas un film

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Sous le coup d'une double interdiction prononcée par le régime qui l'empêche de tourner et de quitter le territoire, Jafar Panahi fait les cent pas dans son appartement et demande à Mojtaba Mirtahmasb, ami documentariste, de lui rendre visite afin que celui-ci le filme en train de lire et mimer le scénario d'un projet non réalisé.

Ceci n'est pas un film : on ne pourrait trouver titre plus riche de sens par son antinomie. D'une part, montrer quelqu'un qui tourne en rond, désœuvré, chez lui, cela ne fait pas un "film". D'autre part, ce qui est montré est la réalité de la situation vécue par le cinéaste et non une fiction, un "film". Mais ces deux affirmations peuvent être également renversées. En effet, c'est un film puisque l'on y trouve un regard, un point de vue et un récit. Et c'est un film car s'immisce une interrogation sur la mise en scène du réel. Amenée par la parole de Panahi lui-même, qui évoque ses œuvres précédentes, cette interrogation contamine aussi ce projet original.

Au départ, il y a donc cette envie de jouer devant une caméra le scénario d'un film non réalisé pour cause de censure. Un scénario qui, en toute logique, raconte l'histoire d'une claustration. Ceci n'est pas un film est donc basé sur un dispositif, comme tout bon film iranien qui se respecte. Mais il arrive un moment où ce dispositif est démasqué, repoussé, contredit, dépassé, comme dans tout grand film iranien qui se respecte. Dans l'appartement, la représentation tourne court, Jafar Panahi cédant au découragement. De manière paradoxale, à nouveau, il pensait que le spectateur pouvait imaginer ce que lui ne faisait que décrire succinctement, puis finit par se demander quel peut être l'intérêt de réaliser un film pouvant être ainsi raconté.

Ce sont ces brusques arrêts et les nouveaux élans qui les suivent qui rendent ce film, a priori "petit", passionnant et lui évitent d'être ennuyeux (le cinéma de Panahi ne l'est jamais, d'ailleurs). Ici, pris dans le flot de sa conversation avec son ami, il a recours au DVD pour illustrer certaines des idées qu'il avance. A travers la représentation et l'explication de son scénario et ces interventions télécommande à la main et revenant sur quelques uns de ses précédents films, c'est le travail du cinéaste qui s'éclaire. Et comme souvent lorsqu'un artiste se retourne ainsi sur son œuvre, preuves à l'appui, la chose est d'un grand intérêt, cela d'autant plus que l'énergie dont fait preuve le cinéaste iranien, ajoutée à cette impression d'urgence et d'empêchement générée par ces conditions si particulières, éloigne le spectre du narcissisme.

Dans le film, revient la question de la justesse ou de la fausseté d'un geste, d'une interprétation, et par extension de l'ambiguïté que véhicule toute image. Et même au niveau où l'on se trouve là, au "ras du quotidien", des micro-événements se "fictionnalisent" devant la caméra portée, comme lors de l'intervention d'une voisine cherchant absolument à faire garder son chien, ou bien quand un suspense né d'une déscente en ascenseur et de l'approche d'une grille séparant la résidence de la rue agitée par la Fête du Feu. Ceci n'est pas un film se termine avec ce plan, ponctuant une œuvre qui aura, mine de rien, pourrait-on dire, constamment tournée autour problème du hors-champ et de la limite. Voilà une cohérence qui provoque une sensation assez vertigineuse : cet empêchement absurde, c'est celui que subit Jafar Panahi chaque jour, c'est aussi celui qu'il a décrit maintes fois dans ses films "d'avant" et c'est enfin celui que l'on ressent si fort dans la forme même de celui-ci.

 

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panahi,iran,documentaire,2010sCECI N'EST PAS UN FILM (In film nist)

de Mojtaba Mirtahmasb et Jafar Panahi

(Iran / 75 min / 2011)

Commentaires

  • Excellent critique. J'ai vue le film dans un petit salle pendant TIFF '11 rempli avec journalist est il avait le sens que c'etait un cris de coeur du cineaste iranien pour la comunoter cinephile. J'ai bien aimer le reflection cinematographique qui mas fait penser de Making Movies par Sidney Lumet, le minimalism des recreation qui mas fait penser de Dogville par von Trier, avec un mise en scene subvertive come le iquane qui marche dans l'appartement qui est le couleur vert (ie. du movement vert qui est contre le regime authoritaire en iran). C'est mauvais ce qui se passe la bas.

  • Merci David. Je ne connais pas "Making movies" de Lumet. Je vais me renseigner à son propos.
    Je pense que si "Ceci n'est pas un film" touche autant, c'est que la description de la situation incroyable dans laquelle se trouve Panahi est accompagnée ici d'une formidable réflexion sur son travail, concret, de cinéaste.
    D'accord avec le parallèle "Ceci n'est pas un film"/"Dogville" mais jusqu'à un certain point seulement car la démarche et les intentions de Panahi diffèrent beaucoup de celles de Von Trier (par exemple, l'un cherche à faire comprendre, l'autre à provoquer)

  • Génial ! Je crois que si Panahi est un si grand cinéaste, c'est parce qu'il ne cesse de douter du cinéma. En doutant, il le questionne et le pousse plus loin qu'il n'est imaginable de le pousser. C'est ce que tu dis sur la justesse du geste notamment.

  • Oui, bien dit.
    Et tout l'intérêt du film, c'est de nous montrer Panahi en train de douter (à propos de son cinéma et, bien sûr, de sa vie actuelle) et sa façon de combattre ce doute en essayant des choses.

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