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  • Dr. Jekyll et sister Hyde (Roy Ward Baker, 1971)

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    Le mythe est décidément à l'origine d'un tas de variations stimulantes. Le film de Baker tient absolument toutes les promesses de son étonnante idée de départ, jusque dans l'allusion la plus scabreuse (Jekyll, sous l'influence de sa "sœur", ou pas, effleurant la joue du frère de son amoureuse). La première scène de transformation (qui, comme les autres, est la plus simple possible) débouche sur un grand moment d'érotisme cinématographique, avec la naissance de sister Hyde face au miroir découvrant son corps splendide. Le miroir est d'ailleurs admirablement utilisé dans ce cadre, ouvrant toutes les pistes de réflexion (se voir, voir l'Autre, fantasmer...). De même, l'approche sexuelle se fait sans détour (le film est à la fois cru et raffiné), en allant au bout de chaque possibilité offerte par la présence, au-dessus de chez Jekyll/Hyde, d'un frère et de sa sœur, très vite emplis de désir pour celle/celui du dessous. Sur la différence et l'attirance des sexes, l'œuvre est d'une intensité peu commune. Les passages de Ralph Bates, excellent, à Martine Beswick, vénéneuse, et vice-versa, se font de façon fluide et parfaitement "crédible". Dans l'ambiance brumeuse attendue, fruit d'un sensationnel travail en studio, c'est le film entier qui se révèle l'un des plus cohérents esthétiquement et l'un des plus profonds thématiquement de toute la production Hammer. 

  • L'Emmurée vivante (Lucio Fulci, 1977)

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    Le fait que le film soit certes parfois sanglant mais assez retenu côté gore renforce l'impression d'un ensemble giallesque à la structure classique. Évidemment, dans les détails, l'oeuvre est plus expérimentale, plus coupante et heurtée, notamment à travers son montage. On ne s'ennuie donc pas. L'histoire etant basée sur des visions, que l'on pense d'abord liées au passé avant qu'elles ne se révèlent au contraire prémonitoires, Fulci use et abuse des zooms avant sur les yeux de Jennifer O'Neill, faisant du visage de celle-ci le point d'ancrage de sa mise en scène. L'effet est particulièrement répétitif. Mais on peut accepter cette insistance en estimant qu'elle concourt à l'entière appropriation du film par l'héroïne (tout pourrait effectivement se passer dans sa tête, depuis le premier surgissement des visions lors d'une belle séquence automobile de passages successifs de tunnels). 

  • Séjour dans les Monts Fuchun (Gu Xiaogang, 2019)

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    Premier film plus que prometteur, déjà accompli, d'un jeune cinéaste s'installant tout simplement au niveau d'un Jia Zangke ou, mieux encore, de la nouvelle vague taïwanaise de l'époque. Alternant des plans séquences très longs et très beaux avec d'autres plus courts, il déploie une esthétique admirable sans jamais laisser penser qu'il s'appuie sur un système. Pour raconter deux ans (durée du tournage également, épousant chaque saison) de la vie d'une famille chinoise, il avance par blocs bien découpés, elliptiques, surprenants. Ce n'est que sur la durée que ces bribes de temps nous assurent des repères et éclaircissent les rapports entre les personnages. Mais alors que s'effectue cette familiarisation progressive, ces derniers gardent leur mystère et le "documentaire" s'enrichit d'une dimension musicale, poétique, paysagère... Avec subtilité, le film traite de la présence du passé, familial ou culturel, des changements accélérés de l'époque, de la course au progrès, des problèmes d'argent conditionnant tout. Il le fait avec douceur et un brin de pessimisme (comment faire autrement ?) mais sans pleurnicher, en un délicat jeu autour des apparitions et disparitions rendu sensible par le style de découpage et l'inscription parfaite des personnages dans l'environnement, ancestral ou moderne.