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allen - Page 2

  • C'était mieux avant... (Septembre 1983)

    Chez les bloggeurs cinéphiles, le calme de l'été fut propice à l'établissement de quelques questionnaires sympathiques et à la résurgence de souvenirs lointains. En ces jours de retour aux affaires, je n'hésite pas à surfer sur cette vague aimablement nostalgique et je vous propose un retour en arrière de 25 ans, pour voir ce qu'il se passait au niveau des sorties en salles à cette époque. Choix arbitraire, uniquement justifié par un chiffre qui sonne bien et par l'évocation de la période où je découvrais le cinéma. Si Allah me prête vie, j'espère bien faire de cette note une chronique mensuelle.

    Partons donc de ce mois de Septembre 1983. J'allais bientôt avoir 12 ans...

    outsiders.jpgSi je vous dis que La ballade de Narayamade Shohei Imamura est le film qui m'a le plus marqué à ce moment-là, vous ne me croirez pas et vous aurez bien raison. Car pour tout ado, la grande affaire de cette rentrée était le Outsidersde Francis Ford Coppola. Cette vision romantique de bandes qui s'affrontent dans une petite ville américaine ne pouvait que nous séduire, ma petite soeur et moi, jusqu'à nous faire apprendre les noms de tous les interprètes du film pour pouvoir suivre ensuite leurs carrières futures. Que vaut Outsiders, maintenant ? Je n'ose trop me pencher dessus. Nul doute qu'il doit être bien écrasé par les autres oeuvres du grand barbu.

    flashdance.jpgFlashdance(Adrian Lyne) est l'autre grosse machine hollywoodienne arrivée ce mois-là. Moins tourneboulé par Jennifer Beals que Nanni Moretti, je me rappelle cependant avoir suivi avec grand plaisir ses aventures transpirantes sur les dance floors et avoir acheté le 45 tours qui allait avec.

    Le seul autre film du mois vu à peu près à l'époque est Rue Cases Nègresd'Euzhan Palcy, petit succès totalement inattendu. Je n'en ai guère de souvenir, même après l'avoir revu une fois, quelques années plus tard.

    Le troisième gros film américain était Frances(Graeme Clifford) avec Jessica Lange, mélodrame biographique que je n'ai jamais vu. Même chose, et avec forcément plus de regrets, pour le premier Brisseau, Un jeu brutal.

    narayama.jpgSi je devais hiérarchiser aujourd'hui les sorties, en tenant compte des oeuvres découvertes bien plus tard, je placerai au plus haut La ballade de Narayama(qui arrivait auréolée de sa Palme d'or). N'en déplaise à Woody Allen et son cru 1983 : Zelig, aussi brillant soit-il.

    Parmi les autres films sortis en septembre : Liberty Belle(Pascal Kané), Benvenuta(André Delvaux), L'ami de Vincent(Pierre Granier Deferre), Hanna K.(Costa-Gravas) et quelques titres qui font peur, comme La fiancée qui venait du froid(Charles Nemes), Attention, une femme peut en cacher une autre(Georges Lautner), Les branchés à St-Tropez(Max Pécas), L'espionne s'envoie en l'air(José Bénazéraf) ou un mystérieux Colosse de Hong-Kong.

    starfix7.jpgDu côté des revues, Positif (n°271) et La Revue du Cinéma(n°386) choisissaient de mettre Imamura en vedette et les Cahiers du Cinéma(n°351) regardaient eux aussi vers l'Orient avec un dossier sur le cinéma chinois (en couverture : Boat peoplede Ann hui, qui allait sortir, avec succès, quelques semaines plus tard). Cinéma 83(n°297) s'entretenait avec Fanny Ardant et Premiere(n°78) avec Miou-Miou, quand Starfix (n°7) anticipait sur le troisième volet de La guerre des étoiles. Enfin, Cinématographe (n°92) rendait hommage à Luis Bunuel, qui venait de s'éteindre.

    Voilà pour ce premier voyage dans le temps. J'essaierai de vous parler d'octobre 83 le mois prochain, et ainsi de suite. Histoire de voir si, vraiment, c'était mieux avant...

     

    Note : N'ayant trouvé en aucun endroit de liste précise, ma recension des films s'est faîte principalement à partir des données de l'IMDB et il est possible que quelques oublis se fassent. Pour les revues, le site Calindex regroupe toutes les données sur les numéros de Positif, Cinéma et Cinématographe, et quelques autres parutions, anciennes ou non (1895, Cinéma, Midi Minuit Fantastique...). Pour les Cahiers, voir leur site, et pour les autres, c'est au petit bonheur de Google (ou des sites de vente d'occasions, type Priceminister ou e-bay).

  • Le rêve de Cassandre

    (Woody Allen / Grande-Bretagne - Etats-Unis / 2007)

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    906d7dfd78492e8f3ea7823c720d737b.jpgC'est (presque) la passe de trois pour Allen (ou le hat trick, puisque nous sommes à Londres).

    Sa trilogie anglaise se termine donc sur une nouvelle réussite qui, si elle n'est pas aussi éclatante que les deux précédentes, confirme que le new-yorkais a bien eu raison de venir voir du côté du vieux continent (le prochain serait situé à Barcelone, si je ne me trompe). Comme dans Match point, nulle trace de comique, sinon un rire jaune, dans Le rêve de Cassandre (Casandra's dream), histoire de deux frères à la recherche d'argent pour combler des dettes de jeu ou partir en Californie aux bras d'une superbe actrice. Woody Allen ne s'intéresse pas ici à la haute société anglaise mais à la classe moyenne. En posant le décor et les personnages pendant de longues minutes, avant l'élément déclencheur du drame, il nous épate là où l'on ne l'attendait absolument pas : le portrait réaliste de deux frangins et de leur famille, l'obsession de l'argent, l'importance du travail.

    Nous ne sommes bien sûr pas chez Ken Loach, mais il n'empêche que dès la première scène autour du bateau convoité (bientôt baptisé Casandra's dream, du nom du lévrier gagnant ayant permit à Terry de ramasser un peu de monnaie), la crédibilité est là. D'emblée l'évidence de la complémentarité et de la différence des deux frères éclate. Autant qu'à Allen, le mérite en revient évidemment à Ewan McGregor et de façon plus étonnante à Colin Farrell. Celui qui m'avait gâché une bonne partie du plaisir pris au Nouveau monde de Malick joue ici les loosers de manière très subtile et attachante, juste par ses regards en biais, sa coiffure et son blouson en cuir. Toute la première partie brille d'une mise en scène simple et souple, laissant quand il le faut s'étaler des dialogues d'une précision incroyable. A ce titre, l'entrevue entre les deux frères et leur oncle qui leur demande un service effrayant est un sommet. Comment faire passer un telle scène, à la vraisemblance limite ? Allen la traite toute en longueur, ciselant son écriture, détaillant les réactions de chacun, faisant le tour du problème posé sans oublier aucun aspect, intégrant des contrepoints comme l'arrivée de la pluie et le refuge sous le feuillage. Par la suite, les valses-hésitations pathétiques et dramatiques de Terry et Ian, entrecroisées avec leur vie amoureuse respective, sont l'occasion pour Allen de développer sa noire vision des choses. Le point de non-retour est atteint au final d'une partie de cache-cache dans un quartier charmant et deux petits coups de revolvers artisanaux suffisent à faire basculer l'âme humaine.

    Il faut cependant reconnaître que le rythme faiblit ensuite, lors de la dernière partie. Allen se répète quelque peu, par rapport à son oeuvre et à l'intérieur même du film, en appuyant sur la question du remord. L'évolution psychologique des personnages se fait prévisible, alors qu'elle faisait tout le sel de la mise en route de la machine infernale, et le dénouement n'a pas la force qu'il devrait avoir.

  • Scoop

    (Woody Allen / Grande-Bretagne - Etats-Unis / 2006)

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    0c95203c86ea9fb5af111a2c5214b7e0.jpgSuite des pérégrinations londonniennes de Woody Allen, après Match point et avant Le rêve de Cassandre. Match point, par la noirceur de son propos, sa violence et l'absence de tout bon mot dans le dialogue, ressemblait bien peu aux films précédents de l'auteur. L'oeuvre, remarquable, laissait le spectateur inquiet : si même Woody Allen se met à faire des films noirs, où va-t-on ? Si Scoop nous plonge à nouveau dans une histoire de meurtres, il signe un retour d'Allen à la franche comédie, dans la lignée des enquêtes criminelles légères de Meurtre mystérieux à Manhattan et du Sortilège du scorpion de jade, soit l'une des branches les plus savoureuses de sa filmographie.

    L'apprentie-journaliste Sondra Pransky (Scarlett Johansson) se voit révéler par le fantôme de Joe Strombel, fameux reporter décédé la veille, un scoop énorme : le tueur en série insaisissable, sévissant sur la ville depuis plusieurs mois, ne serait autre que le noble et richissime playboy Peter Lyman (Hugh Jackman). Aidé par Sid Waterman (Woody Allen), magicien rencontré fortuitement, elle se lance dans une enquête, jusqu'à se jeter dans les bras de son suspect.

    Dès l'introduction, fellinienne, qui nous montre ce bateau, mené par la Mort en personne, dont Strombel saute pour remonter le courant et ainsi faire passer son message à un vivant, on sent que c'est gagné et que Woody Allen saura dérouler tout son art comique. Et en effet, quel bonheur de suivre une comédie réellement drôle, à la mise en scène soignée (on sent le plaisir de filmer les rues de Londres), au scénario ménageant quelques rebondissements nullement tirés par les cheveux. Plus d'une fois, Allen trouve encore le moyen de nous faire rire sur le judaïsme ou sur la magie. Le voir filer dans la campagne anglaise cramponné au volant d'une Smart est un grand moment, prélude à un gag dramatique surprenant (puisque effectivement, "à part la barrière de la langue, le seul inconvénient de la vie anglaise est la conduite à gauche"). Ayant passé l'âge de jouer les amants, il se taille un rôle de compagnon de route amical, gaffeur et protecteur. Paternel, dirait-on si il ne balayait pas génialement tout épanchement facile en trois secondes :  "Vous êtes la fille que je n'ai jamais eu... Non, je plaisante. Je n'ai jamais voulu d'enfants. Vous les élevez, vous vous occupez d'eux, ils partent, puis ils reviennent vous accuser d'être atteint d'Alzheimer".

    Dans les deux fantaisies policières citées plus haut, Woody Allen avait trouvé deux partenaires adéquates pour le suivre dans ses délires et former deux duos percutants : la fidèle Diane Keaton, puis Helen Hunt. Il convoque ici, pour la seconde fois Scarlett Johansson. Après lui avoir offert son rôle le plus sensuel dans Match point, il l'entraîne dans un nouveau registre, où elle évolue comme un poisson dans l'eau. Se fondant parfaitement dans ce monde allenien, elle colle au rythme, aux gestes, au débit, de façon confondante, en accord parfait avec le caractère décomplexé de son personnage. Son avant-dernière et très brève apparition, complètement trempée, transforme une simple pirouette narrative en merveilleuse cerise sur le gâteau. Ce grand directeur d'acteurs qu'est Woody Allen aura donc permit, entre autres choses, dans ses deux premiers films anglais, à une actrice déjà très attachante et prometteuse de nous offrir deux performances parfaitement bluffantes.

  • Crimes et délits

    (Woody Allen / Etats-Unis / 1989)

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    b3612605106e5fabdf89b630af427fb4.jpgPetit évènement personnel : je connais enfin tous les longs-métrages de Woody Allen. Car mis à part Scoop, dont j'ai sous le coude un enregistrement et le tout récent Rêve de Cassandre, que je m'empresserai d'aller voir ces jours-ci, il ne me restait plus qu'à découvrir ce Crimes et délits (Crimes and misdemeanors), cru 89 de son auteur et l'un des plus vantés de la période. Si ce n'est finalement pas, pour moi, l'un des sommets de l'oeuvre allenienne, cet opus se révèle tout à fait passionnant et figure bien parmi ses belles réussites (réussites qui, depuis Annie Hall en 77 sont majoritaires dans cette filmographie imposante, aux côtés de travaux mineurs mais toujours agréables, et selon moi, d'un seul ratage, pourtant alléchant sur le papier, le Hollywood ending de 2002).

    Crimes et délits déroule parallèlement deux histoires : celle d'un riche ophtalmologue, Judah Rosenthal (Martin Landau), encombré d'une maîtresse de plus en plus vindicative et se laissant entraîner vers le pire pour régler ce problème et celle de Clifford Stern (Woody Allen), documentariste underground, obligé de réaliser un portrait filmé très conventionnel de son beau-frère, cinéaste star. Depuis toujours, Allen est un adepte du coq à l'âne. Rarement pourtant, jusqu'à ce film, aura-t-il laissé vagabonder sa narration, multipliant les personnages et les micro-intrigues au hasard des rencontres des principaux protagonistes (voir par exemple, le récit, illustré à l'image, dans lequel se lance tout à coup la soeur de Clifford). Plus tard, cette déconstruction ré-apparaîtra, encore plus maîtrisée sans doute (Harry dans tous ses états, Melinda et Melinda). Ici, elle donne une impression de trame un peu foutraque, mais très séduisante dans ses à-coups mêmes. Allen ne se contente d'ailleurs pas d'excroissances scénaristiques. Il place des extraits de vieux films qui sont vus au cinéma par Clifford et qui en même temps commentent savoureusement les événements dramatiques du récit. Il insert des plans remémorés ou fantasmés par Judah, en rapport à sa liaison extraconjugale. Il fait converser celui-ci avec sa famille, revenue de l'au-delà, au cours d'une séquence extraordinaire, qui débute dans l'émotion de la visite de sa maison d'enfance et qui se termine en débat familial irrésistible autour de l'identité et des croyances juives.

    Parallèles, les deux histoires principales donnent lieu à peu de croisements, sinon un mariage final où se rencontrent pour la première fois Judah et Clifford. Toute la partie consacrée à l'ophtalmologue, élevée au rang de tragédie, frappe par sa noirceur, que rien ne vient atténuer, et qui annonce, la sauvagerie du crime en moins, Match point. Celle qui se concentre sur Clifford est plus dans la lignée des (auto-)portraits habituels de Woody Allen. Elle parvient toutefois à surprendre régulièrement, tant dans le registre comique (les affrontements impayables entre Clifford et son beau-frère insupportable de suffisance, personnage interprété brillamment par Alan Alda et "sauvé" finalement en quelques phrases par sa nouvelle femme Halley, chipée à Clifford) que dans l'émotion (les jolies hésitations amoureuses entre Woody Allen et Mia Farrow).

    De ce film aux tons multiples, et parmi les nombreuses pistes ouvertes, insistons enfin sur ce mystérieux personnage de rabbin qui devient aveugle au fur et à mesure. Ben (Sam Waterston), autre beau-frère de Clifford, visite régulièrement Judah pour ses ennuis de santé visuelle, lui explique sa façon de voir les choses, ne se plaint jamais de ce médecin qui est manifestement incapable de le soigner, tellement il s'intéresse peu aux autres, et se voit offrir le dernier plan du film, quelques pas de danse aveugles, traces d'une de ces autres tragédies qui auront parcouru souterrainement l'oeuvre, masquées par le cauchemar de film noir qu'a vécu l'égoïste Judah.