(Roger Corman / Etats-Unis / 1960)
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Voici ma première rencontre, longtemps attendue, avec Roger Corman. Ses propres films étant peu diffusés, son nom semble aujourd'hui évoquer plus un type de production et un statut de "parrain" de jeunes talents qui débutèrent chez lui (Scorsese, Coppola, Hellman, Demme, Dante...) qu'une oeuvre de cinéaste. Celle-ci est pourtant pléthorique, comptant plus de cinquante longs-métrages de 1955 à 1971 (puis plus une seule mise en scène jusqu'à un Frankenstein, en 1990). Comme l'ensemble de ses productions, l'éclectisme caractérise ces films : westerns, policiers, musicals. Toutefois, sa réputation s'est faîte essentiellement sur le fantastique. Sur ce point, parmi bien d'autres, son aventure peut se comparer à celle des productions Hammer qui faisaient dans le même temps les beaux jours du cinéma britannique.
La chute de la Maison Usher (House of Usher) est la première d'une longue série d'adaptations d'Edgar Poe (suivront en particulier : Le puits et le pendule, L'enterrement prématuré, Le corbeau, Le masque de la mort rouge, La tombe de Ligeia... titres qui font rêver). La totalité du film se déroule dans la demeure des Usher. Le jeune Philip Winthrop vient y chercher Madeline, qu'il a connu à Boston et avec qui il doit se marier. Mais Madeline semble sous l'emprise de son frère Roderick. Tous deux se disent victimes d'une malédiction pesant sur tous les membres de la famille Usher et les contraignant à attendre la mort dans leur château. Philip, refusant toute idée de demeure ou de lignée maléfique, cherche donc à quitter l'endroit avec Madeline.
La première qualité du film est picturale. De très beaux mouvements d'appareil nous accompagnent dans la découverte de ce funeste endroit. Corman place dans son décor des tentures, costumes ou verres d'un rouge éclatant, comme autant de lacérations du cadre. L'apparition soudaine de Roderick avec sa veste écarlate en est la première manifestation et des ongles ensanglantés en sont l'une des dernières, en toute logique. La maison des Usher est vivante et nous le sentons parfaitement.
Avec le domestique, seuls quatre personnages prennent part au récit (si l'on excepte le cauchemar de Philip dans lequel une assemblée vampirique me fit penser à la fois aux morts-vivants de Romero et à la cérémonie de Rosemary's baby). Le jeune premier, Mark Damon, a un physique original mais son jeu l'est moins. Madeline est interprétée par Myrna Fahey, qui finit mal en point mais en nuisette bien sûr, ce qui est très bien. Vincent Price, impérial, n'a donc aucun mal à dominer l'ensemble, lui qui, dans toute la première partie, se retient magnifiquement, ne laissant que son sourcil se mettre de temps à autre en accent circonflexe.
Corman et son scénariste (Richard Matheson) ont eu l'intelligence de laisser la porte ouverte à plusieurs interprétations des faits : l'explication surnaturelle, la folie contagieuse ou la simple manipulation. Malheureusement, le dénouement, si satisfaisant par son pessimisme, ne convainc pas vraiment en terme de mise en scène. Ici, Corman, faute de moyens, n'arrive pas à trouver le moyen détourné de faire ressentir l'ampleur de la catastrophe, alors qu'il avait jusque là plutôt bien réussi à filmer les prémisses de la terreur.