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breillat

  • Divers

    Films vus ces jours-ci, du décevant à l'inattendu :
    - "Le Règne animal" (*) m'a semblé bien en-dessous des "Combattants", qui se développait de manière beaucoup plus harmonieuse. Le nouveau Cailley est plus un film de "visions", parfois convaincantes, d'idées de plans, parfois réussis, mais son déroulement est trop heurté et trop troué pour pouvoir emporter.
    - "Les Feuilles mortes" et "L'Eté dernier" (***) sont tels que la plupart les décrivent et les analysent, deux beaux films.
    Kaurismäki parvient à nouveau à faire passer l'étincelle dans les regards malgré l'immobilisme, et à réactiver des figures de style cinématographiques oubliées. Dans cet univers décalé, on en vient à sursauter quand déboulent deux jeunes filles dans un supermarché ou des plans de "The Dead Don't Die" là où l'on attendait Bresson ou Chaplin. Et c'est toujours assez passionnant de voir comment le contemporain s'infiltre dans ce monde a priori si hermétique.
    Breillat ne déroule pas le tapis rouge à l'entrée de son film, qui demande du temps pour l'appréhender et l'apprécier. La bascule se fait peut-être au moment, magnifique, où "Dirty Boots" de Sonic Youth se fait entendre (mais c'est dommage qu'elle le reprenne en sourdine dans le bar quelques minutes plus tard). A partir de là, le film devient plus souple, jusque, bien sûr, aux tensions du dernier tiers. C'est très fort sur les cadrages (le premier baiser !), les positions des corps, les regards (l'insistance sur le regard par en-dessous du garçon, qui n'a plus la même signification dans la dernière partie).
    - Du "Consentement" (***), de Vanessa Filho, j'avais un peu peur et mes craintes se sont aussitôt envolées (pas lu le livre). JP Rouve m'a tout à fait étonné en Matzneff-Nosferatu. En partie grâce à lui, la réalisatrice a pu trouver la bonne distance pour filmer cette histoire d'emprise, pour styliser juste ce qu'il faut et empêcher que la contrainte soit aussi celle sordidement imposée au spectateur. La mise sous pression par la réputation, les mots, la voix, puis par le corps, la manipulation et le terrible renversement (l'abuseur se disant abusé), tout est très bien montré. Il y a même le recours très risqué à deux éléments (le fameux extrait d'"Apostrophes" et une chanson de Barbara) qui donne en fait deux scènes très réussies (avec Laetitia Casta, très bien dans le rôle de la mère).

  • Barbe Bleue

    (Catherine Breillat / France / 2009)

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    barbebleue.jpgLa réussite d'Une vieille maîtresse (2007) nous laissait confiant pour la suite du virage imposé par Catherine Breillat à son cinéma. Ce Barbe Bleue, film (téléfilm ?) produit par Arte, est une confirmation. Tout d'abord, cette adaptation du conte de Perrault est d'une grande beauté plastique. Sans délaisser son style direct et frontal, Breillat peaufine des cadrages (et des recadrages) magnifiques : les plans ayant pour objet la mise en rapport de deux, voire de trois, personnages sont tous admirablement composés. A l'occasion, plongées et contre-plongées sont utilisées, de manière particulièrement intelligente, comme lors de la première rencontre entre Marie-Catherine et Barbe Bleue où sont inversées les proportions, l'axe de la caméra grandissant la jeune fille et écrasant "l'ogre", l'effet indiquant le caractère inhabituel de l'histoire qui se noue (il est ainsi "écrit" que, cette fois-ci, Barbe Bleue ne parviendra pas à ses sinistres fins). Très belle, très pure, la mise en scène s'organise en tableaux et ne cherche pas à alléger le poids des décors "réels", à y fondre à tout prix les personnages, à combler artificiellement le fossé entre ce temps et le nôtre, par la musique, l'éclairage ou la mobilité du cadre. La langue parlée ici semble parfois d'hier, parfois d'aujourd'hui. L'équilibre est donc précaire mais sans doute cette fragilité insuffle-t-elle la vie nécessaire à chaque plan.

    Un autre des plaisirs du film est à chercher dans le montage, de l'intérieur des séquences jusqu'à la construction d'ensemble, qui prend appui sur deux temps différents, celui du conte et celui d'un passé proche (l'enfance de Breillat ?) dans lequel deux fillettes fouillent le grenier familial, s'emparent d'un livre et lisent Barbe Bleue. Les retours sur ces deux gamines au jeu pour le moins inégal peuvent rebuter et ce n'est bien évidemment pas là que l'on trouvera les plus grandes beautés du film, mais force est de constater que les articulations entre les deux niveaux sont fort bien agencées par Breillat, cela sur toute la longueur. Ces retours ont une utilité et une signification variables, ce qui ménage bien des surprises. La première occurrence n'étant pas située en introduction mais dans un récit déjà entamé, le statut de ces images est d'abord incertain. Puis, une fois la chose rendue claire, ces apartés, alternativement, prennent la valeur d'un commentaire contemporain sur le conte, propulsent son illustration ou la remplace, créant une ellipse fulgurante. Et au moment où l'on s'y attend le moins s'opère une fusion des deux mondes, Breillat détournant la mise en scène du "clou" de l'histoire, la rendant à la fois plus distanciée et plus intense. Car ce qui intéresse avant tout la cinéaste, c'est d'interroger l'imaginaire, de voir comment le conte peut "travailler" son lecteur, a fortiori si celui-ci est une toute jeune fille confrontée à ses désirs et à ses peurs. Thématiquement, Barbe Bleue reste donc parfaitement dans la lignée des œuvres précédentes, mais l'on peut se demander si du point de vue esthétique, il n'est pas plus beau que les autres (les gros plans des visages, le retour vers la maison en calèche avec les deux sœurs en larmes et la lumière qui perce, la tension, augmentée par la présence du vent, que génère le "noircissement" des robes des filles par la mère, l'abrupt montage des plans lors du départ de Barbe Bleue...).

     

    Un autre point de vue sur Balloonatic.