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  • I'm Thinking of Ending Things (Charlie Kaufman, 2020)

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    Brillant et tordu, comme on peut s'y attendre, le film de Kaufman est surtout original et flippant. Il est structuré par deux très longues séquences de trajet automobile encadrant une autre, de visite et présentation aux parents. La lumière, les sons, les dialogues, les voix, les réactions et, par-dessus tout, le montage ne vont cesser, dans chacune, de créer des décalages et du mystère, jusqu'à l'angoisse. D'une part, cela crée une ambiance fantastique et d'autre part, en faisant dérailler régulièrement la réalité (a priori du point de vue de la jeune femme), cela amène à accepter peu à peu les changements de registre dans les dialogues, le recours aux citations, les références multiples, rien n'apparaissant dès lors gratuit ou désincarné (les personnages pourraient perdre leur épaisseur en même temps que leur identité/réalité mais ils nous touchent jusqu'au bout). Dès le début, par sa brusquerie, le montage déroute. Le point culminant est atteint lors de la rencontre chez les parents, ce montage accentuant la grande étrangeté des comportements par ses coupes sèches. L'ensemble est une plongée dans la dépression, semblant, via la liaison amoureuse, faire défiler toute la vie, de l'enfance à la mort, comme un film d'horreur (versant lynchien). Souvent soumis à des secousses temporelles rendant plusieurs moments plutôt indéterminés, l'œuvre parvient aussi à parler avec pertinence du monde d'aujourd'hui, dans le rapport à la culture et la création. Parmi plusieurs interprétations possibles, une en particulier paraît se détacher assez nettement au final, plutôt déceptive. L'important est qu'elle n'annule pas les autres, échafaudées au fil de ce récit stimulant, mis en scène avec une réelle audace. 

  • C'était mieux avant... (Avril 1984)

    Je commence à me plonger dans La guerre de sécession, la série documentaire de Ken Burns, récemment diffusée par Arte et les prochains jours me verront attaquer le deuxième coffret Ivens. Peu de films viendront s'intercaler entre les plats de ce copieux menu et mes notes s'espaceront certainement plus que d'accoutumée. Je profite donc de l'occasion pour vous livrer ma chronique mensuelle.

    Mars est derrière nous. Il est temps de se remémorer ce qui se tramait dans les salles de cinéma françaises en Avril 1984 :

    etoffeheros.jpgL'étoffe des héros de Philip Kaufman n'eut guère de mal à voler à cent coudées au-dessus du reste des sorties de ce mois-là. Il me semble l'avoir découvert en vhs plutôt qu'en salles et je ne pense pas l'avoir revu depuis mais son souvenir est resté assez vivace : celui d'une formidable épopée américaine, portée par une sacrée distribution (Sam Shepard, Scott Glenn, Dennis Quaid, Ed Harris, Fred Ward et Barbara Hershey).

    Qu'y avait-il en face ? Des films d'hommes aussi, mais d'un autre genre. Nous avons déjà remarqué maintes fois que les temps étaient aux duels musclés, à la description du monde de la délinquance en cuir et poing américain, aux histoires de gangs et de prison. Dans ce registre, l'affiche du mois opposait deux Richard, Berry et Bohringer. Le premier se retrouve injustement incarcéré dans un quartier de haute sécurité, sous la surveillance sadique du deuxième. C'est bien sûr L'addition de Denis Amar. Facilement impressionnable, je trouvais cela assez puissant. Je me rappelle encore du dénouement : Berry prend l'identité de Bohringer (ses vêtements, sa démarche) est sort sans problème du bâtiment. Ce souvenir est amplement suffisant, je n'ai nulle envie de revoir le film.

    ostermanweekend.jpgA peu près dans le même panier, on trouvait Les fauves, de Jean-Louis Daniel avec Daniel Auteuil et Philippe Léotard. Il me semble l'avoir vu lui aussi à l'époque, mais rien ne m'en est resté. Idem pour Osterman Weekend du grand Sam (Peckinpah), film d'espionnage confus et généralement peu aimé, y compris par les admirateurs du cinéaste, dans lequel Rutger Hauer se débattait sous les yeux de la CIA. Idem pour Retour vers l'enfer (celui du Vietnam évidemment) de Ted Kotcheff.

    Seul autre titre connu de mes services, bien que visionné plus tard : Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier. Pas désagréable de voir Sabine Azéma converser en costume du début du siècle dernier avec Louis Ducreux dans de beaux jardins, mais un peu trop pépère tout de même...

    Peut-être faut-il chercher ailleurs des choses plus consistantes : du côté d'un Altman théâtral (Streamers), d'un documentaire sur l'évolution du monde paysan trente-huit ans après un premier état des lieux (Biquefarre de Georges Rouquier, après son Farrebique de 1946), d'une rencontre au sommet entre deux acteurs mythiques du free cinema (Albert Finney et Tom Courtenay dans L'habilleur de Peter Yates), de la quatrième réalisation de Paul Newman (L'affrontement) ou d'un solide thriller politique argentin (Le temps de la revanche d'Adolfo Aristarain).

    ladiagonaledufou.jpgMoins réputés, parfois complètement oubliés, d'autres pourraient réserver, pourquoi pas, des surprises : Guerres froides (britannique de Richard Eyre), Peppermint frieden (film historique et personnel, signé par l'Allemande Marianne Rosenbaum), L'ange (un trip de Patrick Bokanowski), Un homme parmi les loups (une production Disney apparemment très regardable de Carroll Ballard), Clin d'oeil (un délire bunuelien de Jorge Amat), Le juge (de Philippe Lefebvre avec Jacques Perrin dans le rôle du juge Michel, assassiné à Marseille alors qui enquêtait sur un trafic de drogue), Panique (du fantastique à l'Espagnole par Anthony Richmond), Cent jours à Palerme (de Giuseppe Ferrara avec Lino Ventura menacé par la mafia, huit ans après Cadavres exquis, l'un des meilleurs Rosi), Vent de sable (de Mohammed Lakhdar-Amina, spécialiste des fresques historiques algériennes), Naïtou (du Guinéen Moussa Kémoko Diakité), La diagonale du fou (dans lequel Richard Dembo fait jouer Piccoli aux échecs), Forbidden Zone (collage absurde par Richard Elfman).

    En revanche, j'hésiterai enormément à me diriger vers Les voleurs de la nuit, film noir avec Véronique Jeannot, malgré la signature de Samuel Fuller, vers Faut pas en faire un drame, remake d'Unfaithfully yours de Preston Sturges par Howard Zieff (avec Nastassia Kinski et Dudley Moore), vers le mélo Tendres passions (James L. Brooks, avec Shirley McLaine, Jack Nicholson et Debra Winger), vers le Yentl de Barbara Streisand et vers Viva la vie ! (Lelouch tendance pensum).

    breakdance.jpgNotons encore trois documentaires-portraits : Ecoutez Bizeau et Ecoutez Mary Picqueray de Bernard Baissat (entretiens avec deux figures de l'anarchisme) et William Burroughs (de Howard Brookner). Et pour les plus courageux (ou les plus pervers) : Break dance and smurf ou comment concilier eau de rose et hip-hop naissant (Vittorio de Sisti), Aldo et Junior (Patrick Schulmann d'après Wolinski), New York nights (porno soft à sketches de Romano Vanderbes) et le croquignolet Sahara (d'Andrew McLaglen avec Brooke Shields et notre Lambert Wilson national). Enfin, ce tour d'horizon, pas très brillant, serait incomplet sans l'évocation des productions de Hong-Kong qui déboulaient en masse en ce temps-là : L'espionne qui venait du soleil levant (Ting Shan-hsi), La fureur des maîtres de Shaolin (Sammy Li), L'incroyable coup de tonnerre de Shaolin (Godfrey Ho), L'Aigle ne pardonne pas (Ho Chung Ty), Shao Lin contre Ninja (Robert Tai).

    cinematographe99.JPGDans les kiosques (mais pas encore dans les supermarchés), nous pouvions voir que Cinématographe (99) osait un drôle de télescopage sur sa une en annonçant un dossier sur Le cinéma adolescent : de Gérard Philipe au vidéo-clip. Cinéma 84 (304) poursuivait son étude du cinéma allemand entamé le mois précédent et mettait Ingrid Caven en couverture. Positif (278) choisissait Carmen de Rosi (voir le mois de mars), La Revue du Cinéma (393) le film de Tavernier et Première (85) s'entretenait avec Ventura. Pour le meilleur film du mois (celui de Kaufman donc), il restait les couves de Starfix (14) et des Cahiers du Cinéma (358).

    Voilà pour avril 1984. La suite le mois prochain...