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roskam

  • Bullhead

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    J'étais très curieux, après avoir lu et entendu tant d'éloges, de découvrir Bullhead mais au final, si je comprends que ce film puisse faire son effet et que l'on salue le belge Michael Roskam pour ce premier long métrage, je renâcle à suivre ses laudateurs.

    La plupart des critiques ont applaudi l'audace du cinéaste. Certes, des ralentis à la caméra renversée, des flash-backs à la musique quasi-sacrée, il ne se refuse pas grand chose. Pour autant, cet usage décomplexé des divers procédés cinématographiques s'accompagne tout de même d'une grande lourdeur, chaque effet de mise en scène étant destiné à forcer le regard et la pensée du spectateur, tout comme l'écriture du scénario. On peut toujours dire que le style s'accorde au sujet, une histoire criminelle dans un milieu agricole où la mafia a ses entrées grâce au trafic d'hormones, mais à ce moment-là, allons au bout de cette logique et admettons que Bullhead est bel et bien un film gonflé aux produits dopants, soit une œuvre rendue artificiellement productive, boursouflée dans sa construction, interminable (plus de deux heures) et avançant d'un pas de pachyderme.

    Le début du film promet une structure éclatée mais de cette dispersion ne découle aucune liberté pour le spectateur. Aucune image ni aucun dialogue ne se livre délesté d'intention voyante, aucun plan ne s'étire pour laisser cheminer autre chose que ce que veut absolument nous dire le cinéaste. Le récit progressant par révélations et éclaircissements successifs, nous nous rendons compte que finalement, il n'y a pas de séquence qui ne serve à fournir une explication. Il est assez étrange de constater à quel point ce film sur l'instinct et le désir repose sur des données psychologiques, étalées notamment à partir de l'illustration, longue et répétée, d'un traumatisme initial subi par le héros, alors enfant, et remuant toujours son entourage. Ce fondement narratif n'a rien de neuf et n'échappe pas plus qu'ailleurs à la balourdise. De plus, cette manière d'appréhender le personnage se retrouve avec tous les autres : le moindre caractère se doit d'être éclairé crûment, à un moment ou un autre, par un geste significatif, une situation ou une réminiscence. Le plus souvent, c'est une frustration sexuelle qui est dévoilée.

    Bien sûr, Michael Roskam sait filmer et sait ce qu'il veut. Avec ces corps qui remplissent le cadre jusqu'à ressembler effectivement à du bétail, le film en impose. La performance physique est la règle. L'animalité est la grande affaire. Mais je me suis demandé devant ce spectacle s'il était utile ou souhaitable de dépenser tant d'énergie à vouloir raconter avec beaucoup d'intelligence l'histoire de gens qui, manifestement, en manquent cruellement. Roskam a certainement pensé s'en sortir par la voie du symbolisme. Son naturalisme veut s'élever (voir la séquence, "brutalement convenue", de la naissance du veau) mais ne procure que du choc.

    Viscéral, Bullhead pèche aussi dans le rendu de la violence, omniprésente. On a déjà vu de plus grandes horreurs sur un écran. Mais elles passaient mieux quand elles étaient réellement cadrées, quand elles étaient intégrées à un système qui interrogeait l'idée de représentation (chez Thomas Clay, chez Ulrich Seidl ou chez Haneke parfois). Ici, c'est de la sensation brute, de l'effet qui ne vise qu'à une seule chose. Décrivant un univers en état de déliquescence intellectuelle et morale, installant une ambiance de fin du monde, Bullhead me semble faire du chantage à la noirceur et se transformer en véritable film dirigiste, ce qui, en soi, n'est pas forcément condamnable si le contrat passé avec le spectateur le stipule dès le départ. Ici, ce n'est pas le cas. L'œuvre se présente comme ouverte et nouvelle, alors qu'elle est en fait totalement refermée, rigide et contraignante.

    Bref, j'en suis désolé mais je ne vois pas en quoi Michael R. Roskam serait le fils de Martin Scorsese, le frère de Jacques Audiard ou le cousin de Nicolas Winding Refn. Selon moi, Bullhead est seulement, l'Incendies de 2012.

     

    ****

    bullhead00.jpgBULLHEAD (Rundskop)

    de Michael R. Roskam

    (Belgique / 125 min / 2011)