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La belle personne

(Christophe Honoré / France / 2008)

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bellepersonne.jpgSoyons honnête. Même aux yeux du moins cinéphile des spectateurs, les films ne viennent pas au monde égaux. Chacun a beau se dire le plus éclectique du monde ou invariablement bon public, le jugement porté lors de la découverte d'une oeuvre nouvelle est toujours soumis aux lois de la probabilité. Ainsi, la probabilité que ma première rencontre avec le cinéma de Christophe Honoré se passe bien était assez faible, compte tenu de mes affinités avec certains critiques (ceux de Positif) ou certains bloggeurs qui n'ont jamais été tendres avec le cinéaste.

Donc, point de douce surprise au final, après la diffusion ce vendredi soir sur Arte de La belle personne, quelques jours avant sa sortie en salles : je suis resté de marbre. Ne croyez pas que je m'en réjouisse. Au besoin, j'aurai volontiers ferraillé avec l'un ou l'autre des virulents détracteurs d'Honoré (au hasard, celui-là). De plus, je ne suis pas critique de cinéma. J'ai bien d'autres choses à faire que de perdre mon temps à voir des films médiocres. Quand je me cale devant un écran, que ce soit pour voir Le cinquième élément ou En avant jeunesse, j'espère sincèrement me relever convaincu...

Le bel indifférent. Voici le titre que j'aurai choisi aujourd'hui, si j'avais pris l'habitude d'en affubler mes notes. En effet, si La belle personne ne m'a pas horripilé, jamais je ne m'y suis senti happé. Ce qui frappe ici, c'est l'absence totale de vitalité et d'émotion. Il serait absurde de reprocher à Christophe Honoré de ne pas jouer sur le même terrain qu'Abdellatif Kechiche ou Laurent Cantet. On ne va pas sombrer dans le politiquement correct et ricaner devant le choix de ce milieu-là (un lycée parisien tranquille, dans lequel l'auteur a voulu transposer, en l'actualisant, La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette). Seulement, doit-on le filmer ainsi ? Aucune énergie ne soutient les scènes, même les plus potentiellement fortes (la bagarre dans la classe, totalement escamotée, ou l'étreinte volée au téléphone portable). Plus grave encore, rien n'affleure alors que l'argument devrait au contraire nous faire ressentir les fêlures sous les visages de ces beaux jeunes gens. L'événement central du récit, une méprise autour d'une lettre, et le stratagème mis en place à la suite, est resté pour moi totalement illisible (je n'ai rien compris aux inquiétudes, motivations et rôles de chacun dans l'histoire). La construction est lâche, le rythme mollasse, les personnages secondaires, sans épaisseur, apparaissent, disparaissent, sans raisons.

En bon petit soldat sûr de ses arrières (la Nouvelle Vague), Honoré essaie de ci de là quelques trucs, comme cette séquence autour d'un jukebox, qui ne donne absolument rien, et se laisse aller à d'énormes fautes de goût. Le suicide enchanté me fit soudain penser aux fins de films de Luc Besson, là où le héros meurt-mais-bon-pas-vraiment. Tout est adouci, tout est hors d'âge. Bien évidemment, il y a quelques audaces pour faire illusion : on se caresse entre mecs ou on offre en un éclair ses seins à l'amoureux transi en pleine rue (une séquence, pour le coup, vraiment dégueulasse). Mais de passion, nulle trace.

Le bel indifférent, oui. Le style d'Honoré est indifférent : il ne choisit pas, il n'accroche rien. L'adaptation d'un texte classique aurait dû poser la question du langage. Mais ces mots ne claquent jamais comme ils devraient dans la bouche des comédiens. La moitié des dialogues sont d'ailleurs inaudibles. Qu'on est loin de la rigueur et de la netteté d'un Rohmer, qui arrive à faire passer dans ses films les tournures les plus littéraires. Au milieu de cet engourdissement général, on trouve fort heureusement un véritable acteur. Louis Garrel est le seul à sortir la tête de l'eau par la précision de son jeu, verbal ou gestuel. Dans la première partie, signalons aussi que deux ou trois situations ou propos sont amusants.

Un mot pour finir sur la musique et plus précisément sur le leitmotiv choisi par le cinéaste. Louis Guichard, critique de Télérama, ébloui, nous dit qu'Honoré "a exhumé un chanson sublime du suicidé Nick Drake,Way to blue, imprégnant tout le film de son romantisme aérien". A ce compte-là, je suis moi aussi un grand chercheur d'or puisque me plongeant régulièrement dans l'oeuvre du chanteur britannique. L'intégralité de sa courte production est aisément trouvable car déjà ré-éditée plusieurs fois en CD. Les amateurs de rock et de folk la connaissent parfaitement. Christophe Honoré est déjà marqué du sceau du génie et placé au coeur de la modernité cinématographique. Il n'est peut-être pas utile d'en faire de surcroît un grand archéologue.

Commentaires

  • quel nullité ce truc...
    une accumulation des clichés du jeune cinéma d'auteur français nombriliste complètement inconsistante.
    j'ai tenu une heure hier soir avant de me mettre un concert du boss en DVD.

  • Bon, tu sais que nous sommes d'accord mais j'interviens ici pour enfoncer le clou : tu as raison de souligner le caractère inaudible des dialogues et, surtout, l'artificialité de certains rebondissements (la bagarre, la lettre...). Comme il n'y a pas de personnages (voir ma note), tout ce qui ressemble aux situations narratives de "la princesse de Clèves" semble plaqué et sans vie. Reste un "romantisme" de pacotille ultra-branchouille où comme le dit justement Christophe, on retrouve tous les tics d'un certain cinéma d'auteur français...

  • Christophe : j'imagine que le concert de Springsteen dégageait plus d'énergie et d'authenticité que le téléfilm d'Honoré...

    Doc : Au fait, j'ai écrit ma note et c'est lorsque j'ai pensé y insérer un petit clin d'oeil vers chez toi sous forme de lien que je me suis aperçu que tu venais de pondre la tienne sur La belle personne. A part ça, ce qu'il y a de terrible là-dedans, c'est qu'on se rend compte que l'on a encore oublié de parler d'autres défauts présents dans le film. J'aurai dû, moi aussi, insister sur le fait que malgré (ou à cause de) la volonté de faire "branché", on se retrouve avec une vision totalement conventionnelle du milieu. J'ai eu l'impression d'avoir vu ce lycée déjà cent fois depuis vingt ou trente ans. Comme je l'ai dit plus haut, c'est une actualisation, mais c'est finalement hors d'âge (dans le mauvais sens du terme).

  • N'importe quel concert du Boss dégage plus d'énergie et d'authenticité que n'importe quoi (ou presque). Ravi de voir que nous avons un autre point commun.
    Moi, ce soir là, je complétais enfin ma filmographie de Peckinpah avec "Killer Elite". J'ai une excellent alibi :)

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