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La journée de la jupe

(Jean-Paul Lilienfeld / France - Belgique / 2009)

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journeejupe.jpgUn peu désarmé devant ce téléfilm qui m'a tenu jusqu'au bout mais qui ne me parle absolument pas. Isabelle Adjani y joue une prof de français à bout de nerf prenant en otage sa classe de collégiens agités. L'invraisemblance du postulat semble tout d'abord bien assumée puisque l'on croit se diriger vers un huis-clos fortement théâtralisé et se détachant petit à petit du réel. Malheureusement nous ne sommes pas au théâtre, mais à la télévision et la machinerie de la fiction à la française prend vite le dessus, traitant également ce qui se passe à l'extérieur des murs : vignettes humoristiques consacrées au personnel enseignant, emballement médiatique et tractations avec le RAID, dirigé par un improbable Denis Podalydès. Le film se veut tragi-comique, bousculant le politiquement correct. Certes, deux ou trois répliques arrivent à faire sourire, mais toutes les autres tombent à l'eau : elles sentent trop le bon mot de scénariste, elles sont dîtes avec trop d'application (la télé a horreur de tout ce qui n'est pas parfaitement lisible ou audible, il n'est donc pas étonnant que tout cela semble manquer de vie). Sans être abominable, la mise en scène, répétitive, ne parvient jamais à faire monter une quelconque tension, la désamorçant par l'humour et repoussant la violence par écran interposé (celui d'un téléphone portable). Il ne peut rien arriver de bien terrible et si la fin est tout de même dramatique, elle n'est là que pour illustrer la morale de l'histoire, faire réfléchir le spectateur mis ainsi à la place des ados à qui l'on vient de donner une grande leçon et qui sauront in fine se retrouver fraternellement. Sans doute aurait-il fallu que ce récit se décolle du réel, propose véritablement une expérience singulière, au lieu de cataloguer tous les problèmes de notre société (même avec humour). Car tout y passe : le racisme, le sexisme, le manque de moyens dans l'éducation, la brutalité policière, les tensions communautaristes, les problèmes de couple, le fossé des générations, la pression médiatique, l'abrutissement par la télévision, les viols filmés au portable, la suffisance ministérielle... De la distanciation, de la cruauté, de l'invention plastique, voilà, entre autres choses, ce qui manque à La journée de la jupe, puisque, le thème de la réversibilité du statut de victime aidant, il semble que le vague modèle du film soit le Dogville de Lars von Trier. Enfin, disons que les comédiens ne sont pas vraiment en cause et qu'Adjani, une nouvelle fois (rappelez-vous La repentie), se rate, mais au moins, elle se rate corps et âme.

Commentaires

  • Vu qu'un quart d'heure de ce film qui m'a paru assez pénible (l'impression que le film me faisait la leçon, qu'il voulait administrer un traitement de choc "anti politiquement correct" au pauvre spectateur qui n'avait rien demandé). C'est étonnant parce que j'ai vu hier soir "la fille du RER" qui évoque aussi le racisme, les tensions communautaristes, le fossé des générations, la pression médiatique, l'abrutissement par la télévision... mais sans qu'on n'ait jamais l'impression que "tout y passe". C'est que le fait divers n'y est pas traité comme un évènement théâtral (pourtant une fausse agression c'est aussi surprenant qu'une classe prises en otage), mais pris au coeur d'un faisceau d'affects et de tensions incarnées... La différence entre le discours et la fiction, somme toute...

  • Oui, Joachim, c'est un discours que l'on nous assène. Et comme "l'audace" du dispositif se trouve fortement atténué par l'aération qu'amène le contrechamp sur l'extérieur de la salle, tout cela ne débouche sur rien de réellement méchant ou étouffant.
    Sinon, pas vu le Téchiné, mais tu fais bien de souligner le parallèle.

  • Bonjour Ed, moi aussi, j'ai vu le téléfilm jusqu'au bout mais je n'en retire pas grand-chose. Je ne sais pas quoi en penser et ce que le réalisateur a voulu dire. Ta remarque est très juste quant au fait que ce n'est pas du théâtre mais de la télévision. C'est là que le bât blesse, l'action aurait dû se concentrer sur la salle avec les élèves et la prof, le reste est en trop et désamorce toute tension. Bonne journée.

  • Tu as tout dit sur ce mauvais film sans audace.

  • Merci pour ces points de vue.
    C'est étrange que nous ayons tous été intrigués au point de le regarder l'autre soir (le sujet, le retour d'Adjani ou la critique de Télérama ? moi, je l'avoue, c'est la 3ème raison) et qu'au final nos jugements négatifs concordent.

  • Hello Ed
    Merci tout d'abord d'être venu me lire.
    Je te rends de suite la politesse et nous sommes bien d'accord (à part le fait que c'est la présence d'Adjani qui m'a poussé à nettoyer derechef les toiles d'araignée qui masquait ma télé)... et par la même occasion, OK aussi avec Dasola, il y avait suffisamment matière à tragédie sans besoin d'aller "s'aérer" et le scénario avec ces personnages secondaires... et c'est vraiment dommage parce qu'on sent de suite le manque de gros sous et peut-être aussi un poil de vrais talents... Et puis alors — opinion stricto perso - le Denis, quel ectoplasme, !!!!
    Par contre, je n'ai ressenti aucune "leçon", au contraire, je crois que Lilienfeld a été trop gourmand et a voulu poser autant de questions que faire ce peut...

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