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Mammuth

(Benoît Delépine et Gustave Kervern / France  / 2010)

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Mammuth.jpg

Je n'ai pas beaucoup aimé Mammuth, ma première expérience du cinéma de Delépine-Kervern.

Je n'ai pas beaucoup aimé le grain de cette image qui, s'il est inhabituel, enlaidit encore un peu plus les gens et les lieux.

Je n'ai pas beaucoup aimé que des réminiscences de The Wrestler m'assaillent (l'allure de Depardieu, la caméra portée cadrant sa nuque, les scènes de supermarchés, le portrait de marginal, le chemin vers la rédemption, les retrouvailles, la relation entre un homme âgé et une fille plus jeune de la même famille), car elles sont toutes très défavorables à Mammuth.

Je n'ai pas beaucoup aimé que la Charente soit filmée comme le Nord de la France et de l'Europe. Je n'y vois pas d'intérêt, à part celui qu'ont les cinéastes de rattacher à tout prix leur œuvre à d'autres, celles de la famille qu'ils se sont choisi (l'équipe de C'est arrivé près de chez vous, Aki Kaurismäki, Noël Godin...).

Je n'ai pas beaucoup aimé l'humour du film. Voir Depardieu bafouiller des banalités au téléphone, à moitié à poil, assis sur son lit, me fait très moyennement rire. Quant au trash, c'est une affaire de goût. En revanche, il est problématique de trouver des séquences comme celle de l'expédition punitive de Yolande Moreau et sa copine : celle-ci ne tient que par sa chute (les deux femmes réalisent tardivement qu'elles n'ont aucun moyen de localiser la voleuse de portable), chute qui se fait attendre et qui laisse le spectateur dans une position désagréable puisqu'il se demande si elle va vraiment venir ou si les auteurs n'ont tout simplement pas décidé de passer outre la vraisemblance (qui voudrait que l'absence totale de piste empêche les deux femmes de se "monter la tête" ainsi).

Je n'ai pas beaucoup aimé m'apercevoir que Delépine et Kervern ont pensé leur film uniquement en termes de saynètes. Cela peut marcher, comme, pour rester parmi les nordistes, dans le cinéma de Roy Andersson, mais il y a chez le Suédois un réel travail sur le temps, l'espace, la symbolique. Si ses séquences restent cloisonnées, elles n'en contiennent pas moins une dynamique interne et leur empilement provoque en bout de course un mouvement général, un déplacement qui ne tient pas uniquement au scénario (de plus, Andersson fait une toute autre chose de la médiocrité des figures qu'il met en scène). A l'opposé, Mammuth ne repose que sur une série d'idées (tel dialogue, tel cadrage). Les auteurs se sont demandés pour chaque séquence comment la rendre originale et ils en ont oublié toute notion de continuité. Cela nous vaut une succession d'apparitions de vedettes-amis du duo (de Poelvoorde à Siné) mais entrave constamment notre adhésion aux personnages principaux, contrairement à ce que les deux cinéastes semblaient souhaiter.

Je n'ai pas beaucoup aimé ce qu'ils font d'Adjani, c'est-à-dire rien. Au risque de ne pas être cinéphiliquement correct, je préfère amplement voir le couple star réuni, aussi brièvement qu'ici, dans le Bon voyage de Jean-Paul Rappeneau.

Je n'ai pas beaucoup aimé que l'on me force à passer tout ce temps avec des neus-neus. En ne plaçant devant la caméra que des personnages de cons, il y a de fortes probabilités d'obtenir un film qui le soit aussi. Dans Mammuth, la bêtise est unanimement partagée. De nombreux critiques et commentateurs ont loué la tendresse de Delépine et Kervern pour les petites gens. Je trouve pour ma part qu'ils ont une drôle de façon de les aimer.

En revanche, j'ai beaucoup aimé la scène où Depardieu est pris de panique, entraîné qu'il est par un groupe de vieux se pressant pour grimper dans leur autocar. C'est cruel et touchant. Cela dure peut-être vingt secondes. Ce n'est malheureusement relié à rien (il est impossible de se rappeler de ce qui précède et de ce qui suit).

J'aime aussi beaucoup Anna Mouglalis.

Commentaires

  • Pas vu le film mais pas mécontent de voir un avis un peu différent car il me semble que l'on nous forcerait un peu à aimer ce film sous peine d'inamitié,voire de mépris pour les petites gens.Une sorte de quasi unanimité me déplaisait.Ce n'est que mon avis.

  • Premier désaccord de l'année ! Je trouve le film de Delépine et Kervern plutôt réussi et souvent très drôle.
    Je suis d'accord avec une seule chose dans ta critique : le côté "saynètes" (flagrant lors de la scène de "punition expéditive" que tu cites et qui, à mon avis, est la plus ratée du film) qui peine, au bout du compte, à former un tout "organique".

    Néanmoins :
    - J'aime l'image granuleuse du film et sa mise en scène qui sait jouer du cadre (les gags dans la profondeur de champ) et de l'ellipse (la scène à la caisse de retraite)
    -J'aime l'humour noir et absurde du duo de cinéastes (la scène d'ouverture est quand même désopilante)
    -J'aime énormément Depardieu et je trouve que la présence fantomatique d'Adjani donne au film une dimension mélancolique bienvenue
    -J'aime cette galerie de seconds rôles où, contrairement à toi, je ne lis aucun mépris. Tu le disais toi même une fois, le problème n'est pas qu'un cinéaste "aime" ou "n'aime pas" ses personnages mais la distance à laquelle il place le spectateur d'eux. Certes, les cinéastes filment des beaufs (le boucher mais dont le discours n'est finalement pas idiot : qui va aimer son travail lorsqu'il y use sa santé pour un salaire de misère?) mais ils ne placent pas le spectateur dans une position surplombante (comme pourrait le faire un Altman, ça c'est pour la petite provoc habituelle :)). Comme chez Mocky, le spectateur est au même niveau que les personnages.
    -J'aime le côté "libertaire" du film, cette manière qu'il a de montrer ce que peut être l'horreur de nos sociétés dites civilisées (le cadavre dans le supermarché qui nous amène du côté de Romero) et comment on peut balancer tout ça (je sais, le côté "hippie love & peace" de l'oeuvre n'est peut-être pas le plus convaincant!)

    D'autre part, je n'ai pas vu "the wrestler" et je t'interdis de me piquer Anna Mouglalis ;)

  • Eeguab : On trouve tout de même sur les blogs d'autres avis, sinon discordants, du moins mitigés. Et parmi ceux qui aiment le film, nombreux sont ceux qui, comme le Dr ici présent, y reconnaissent quelques faiblesses. Mais effectivement, la presse, quant à elle, comme souvent, n'a pas eu cette mesure, à de rares exceptions près.

    Dr : Oui, nous avons sans doute là le plus grand fossé creusé entre nous depuis le début de l'année.
    - Cadrages et hors-champ : oui, bien sûr, certaines séquences sont travaillées dans ce sens. Ce sont de "bons sketchs". Mais il me semble que la mise en scène ne se focalise que sur ces morceaux et ne parvient pas à les assembler (je dirai que les plans de Depardieu en moto ne suffisent pas à en faire un road movie). Il est symptomatique, à mon sens, que la scène "ratée" du film (l'expédition punitive) soit montée en parallèle avec une autre, de manière totalement inefficace.
    - La scène du pot de départ est excellente, celle du décompte des voitures aussi. Cela dit, tout le monde cite les deux ou trois mêmes, ce qui prouve que les autres peinent à rester au même niveau.
    - Peu importe qu'un cinéaste aime ou pas ses personnages, mais je crois que le problème de Mammuth n'est pas là. Je trouve gênant que Delépine et Kervern nous disent à longueur de temps, "nous aimons ces gens-là", et qu'ils ne les fassent apparaître que comme des imbéciles. A la limite, je préférerai donc un véritable jeu de massacre, organisé par un auteur "surplombant" comme tu dis, qui ne serait pas dans ce double discours (peut-être involontaire, je leur accorde le bénéfice du doute).
    Et puis surplomber, c'est aussi prendre du recul et doser un peu mieux, ne pas loger tout le monde à la même enseigne, faire preuve de tendresse puis de mordant (d'où la grandeur d'Altman :))
    - Le côté libertaire est un peu dépressif, non ? (et le trajet quelque peu convenu : la scène affreuse sur le toit du château d'eau...)
    - P.S. : J'espère aller voir Life during wartime. Quelque chose me dit que notre débat sur la position du metteur en scène et du spectateur par rapport aux personnages va continuer longtemps...

  • Haha, peut-être pas parce que, ça va te surprendre, mais j'aime plutôt bien les films de Solondz...(qui n'est pas sorti chez moi, comme ne sont pas sortis le Noé, le Hong Sang-Soo et le Mendoza : je maudis la province !!!!)

  • Aujourd'hui, devant le cinéma, j'avais le choix entre mamuth et life during wartime... Mamuth avait une bonne critique et un bouche à oreilles favorable, tout comme d'ailleurs Louise Michel, que j'avais trouvé poussif et bien en dessous de ce qu'il promettait...
    Life during wartime, donc. Bon, film, sarcastique, pince sans rire, cruel, sans pitié. Brillant, et comme la très grande partie de la production "indépendante" américaine, manquant au final singulièrement de consistance. Pas sûr que ça vaille le coût de se déplacer, donc...

    http://ma.vie.a.nantes.over-blog.com/article-qui-est-louise-qui-est-michel-qu-est-ce-que-je-fous-la--34187479.html

  • Tiens, mon acolyte n'est pas convaincu non plus : http://desoncoeur.over-blog.com/article-mammuth-50039860.html

    Effectivement, il y a peu de mauvaises critiques sur le film mais vous et Ran viennent de calmer mon envie.

    Bon dimanche

  • Dr : Je pensais moins à un nouveau désaccord qu'à un prolongement de nos réflexions sur le thème récurrent "aimer ses personnages", car il me semblait bien que tu appréciais Solondz. (sinon, j'ai bien peur de ne pouvoir, moi non plus, profiter des films du quatuor que tu cites dans "mon" cinéma, et pour chacun, je le regrette).

    Yoye : Malgré cet avis en demi-teinte, si le film est programmé, je me déplacerai aussitôt. En effet, "Happiness" et "Palindromes" m'avaient, en leur temps, soufflé.

    Nolan : Merci pour le lien. Je vois ainsi qu'un connaisseur du cinéma du duo de Groland peut aussi éprouver de la déception devant ce Mammuth.

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