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Valhalla rising - Le guerrier silencieux

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Ils ne sont tout de même pas légion les (relativement) jeunes cinéastes d'aujourd'hui à sortir des sentiers battus, à tenter l'expérience visuelle et sensorielle avant tout, à chercher à s'élever au-dessus de la mêlée dans laquelle pullulent les films de genre plus ou moins malins et les films auteuristes plus ou moins sensibles. Si Nicolas Winding Refn ne plante pas tout à fait son épée sur les sommets conquis jadis par quelques uns de ses glorieux modèles, de Kubrick à Herzog (*), nous serions bien cuistres de ne pas lui reconnaître le mérite d'avoir pris tous les risques pour réaliser cette épopée mystique puissante et singulière qu'est Valhalla rising, objet étrangement négligé par la critique depuis sa sortie en salles en mars dernier (**).

L'histoire est celle de la déroute d'une expédition de Vikings en l'an 1100. Parti à la reconquète de Jerusalem, ce groupe de croisés, auquel s'est joint un redoutable et mystérieux combattant, va se perdre, au-delà des mers, sur une terre inconnue peuplée d'Indiens.

Pour traiter ce sujet, plutôt que la voie du réalisme historique, celle du folklore nordique ou celle de la modernisation numérique grouillante, Winding Refn a choisi celle du trip au cours duquel s'effectue le passage du physique au métaphysique. Au début, nous dit-on, "il n'y avait que l'homme et la nature" et la relation entre les deux, le cinéaste n'a de cesse de la rendre sensible. Les rudes paysages se déploient dans la largeur de ses cadres tout en laissant les visages s'y installer en amorce. Les pierres, la brume, les herbes, l'eau et la boue imposent leur présence, de manière d'autant plus marquée que les figures humaines sont rares (les groupes sont restreints et sans femmes) ou peu visibles (les Indiens, dont les apparitions relèvent presque du magique). Souvent, ces figures s'y perdent, s'y embourbent, s'y enfoncent de gré ou de force.

Les corps se fondant à ce point dans la nature obéissent forcément à des pulsions animales. Au début était donc, aussi, la sauvagerie et la mise en scène ne triche pas avec cet état de fait, nous jetant au visage plusieurs plans résolument gores (la première partie du film donne à voir une série de corps à corps d'une violence stupéfiante). Pour épouser le mouvement général du film, ces explosions barbares se font toutefois de plus en plus rares au fil du périple, la dernière étant d'ailleurs renvoyée hors-champ. Le monde décrit est donc le monde du chaos. Certains, devenus Hommes de Dieu, tentent, pour la première fois peut-être, de l'ordonner et de lui donner un sens. Mais leur tort est d'en passer par la Conquête et One-Eye, leur guide, ce guerrier silencieux, va leur révéler violemment qu'ils ne courent là qu'à leur perte.

Ce personnage double, à la fois sauveur et ange de la mort, muet et borgne, garde, jusqu'au troublant retournement final, toute son ambiguïté. Harcelé de visions, il peut être perçu comme un médium reçevant d'énigmatiques images du futur - ou bien est-il tout simplement "le" futur ? Ces décrochages réguliers, Nicolas Winding Refn les met en scène par l'intermédiaire de procédés plutôt classiques, presque archaïques bien que non dénués de puissance : images submergées d'un rouge bouillonnant, renversement cauchemardesque du cadre, grondement inquiétant de la bande son. Mais l'étrangeté du film et sa force plastique ne naissent pas seulement de ces saillies. C'est le monde recréé en son entier qui paraît autre, intermédiaire. L'originalité des raccords, obéissant plus à une logique sensorielle qu'au respect de la réalité de l'espace, brouille notre perception. Accentuée par le hiératisme de certaines postures, la sensation de surplace pèse sur ce qui est pourtant un voyage, dans tous les sens du terme. Le récit est découpé en chapitres et leurs titres disent tout de ce qui s'y joue. Un thème est posé, puis à peine décliné. Ici, le temps ne semble avancer qu'entre les chapitres, comme le montre une audacieuse et (trop) longue traversée en pleine brume.

Voyage immobile, épopée minimaliste, Christ exterminateur, Vikings chrétiens, archaïsme moderne... Valhalla rising est un film-oxymore. Il est fatal qu'il déroute et compréhensible qu'il rebute, mais il est fort regrettable de le voir passer ainsi à la trappe en cette année, peu exceptionnelle de surcroît. Personnellement, si nous ne trouvons pas là, malgré ses nombreuses fulgurances, le très grand film espéré, nous maintenons notre confiance en Winding Refn, responsable, après les deux derniers Pusher (II & III) et Bronson, d'un quatrième ouvrage de haute tenue d'affilée.

 

(*) : Pour une liste quasi-exhaustive des influences revendiquées, je vous invite à lire cette note, un brin désapointée.

(**) : Il est vrai que Valhalla rising ne cède jamais au second degré, ce qui, pour la critique de cinéma actuelle, est déjà un handicap de taille.

 

Valhallarising00.jpgVALHALLA RISING - LE GUERRIER SILENCIEUX

de Nicolas Winding Refn

(Danemark, Grande-Bretagne / 90 mn / 2009)

Commentaires

  • Mon Dieu mais c'est quoi ce bouleversement graphique? Tous mes repères s'effondrent...

  • bravo pour cette nouvelle charte graphique, c'est plus sobre, c'est plus clair, le texte est mieux mis en valeur.

  • J'aimais bien l'ancienne charte graphique mais je ne suis pas contre le changement. Et puis à part la couleur (plus fraîche que la précédente), on est pas du tout perdu, les choses sont à leur place.

    Je ne suis pas allé voir Valhalla rising parce que je n'avais pas beaucoup apprécié

  • Ah oui, je suis bien au bon endroit :)
    C'est joli. Vraiment !

  • Ouark !! Tu pourrais prévenir tout de même. Très joli, très sobre, très pro.
    Et en plus tu aimes Valhalla ?
    DANS MES BRAS ! :D

  • Ah tiens mon message ne s'est pas complétement affiché.
    Je ne suis pas allé voir Valhalla rising parce que je n'avais pas beaucoup apprécié Bronson du même auteur (et que tu défends également).

  • Puisque tout le monde a été convié à visiter tes nouveaux appartements, j'apporte ma petite contribution en disant que je trouve ça plutôt très agréable :)

  • Merci pour ces premières réactions !

    Désolé pour les cardiaques (d'autant plus que la tête amochée de Mads Mikkelsen n'est pas des plus accueillantes) mais l'envie s'est faite aussi soudaine qu'irrépressible. Un besoin d'aération (j'avais des paroles du groupe Diabologum dans la tête : "Trop d'angles / On s'étrangle"). Après 3 ans et demi, tout de même, il était peut-être temps de changer. Christophe, et j'en suis heureux, a parfaitement résumé ce que je souhaitais faire.

    Ce ravalement de façade va certainement provoquer ou être accompagné de deux ou trois changements, plus ou moins importants : abandon de tout pseudo (qui n'était de toute façon guère "opaque"), aménagement de ma colonne de droite, prolongement sur un fesse-bouc spécifique, et, probablement, arrêt de ma rubrique nostalgico-mensuelle (victime d'un manque cruel de temps)... La réflexion est en cours.

  • Tu plaisantes au moins ?
    La tête de Mads aurait plutôt tendance à réveiller l'infirmière qui sommeille au tréfonds de moi ;)
    Bon... vais-je survivre à l'idée que nous n'aurons pas la suite de tes tops des années 80 ?

  • C'est que j'en connais que cette sauvegerie affichée rebute...
    Et puis je vais te décevoir encore, Fred, mais Mads n'a nul besoin d'une infirmière : c'est seulement du maquillage (tu sais, la magie du cinéma, tout ça, tout ça...)
    Pour les tops, je ne m'inquiète pas trop : ce n'est pas ça qui manque sur la blogosphère...

  • Ouaip t'as raison...
    En fait je veux être la boue dans laquelle Madsou se roule nu ^^

  • Ah, là, oui. Dans la boue, il ne fait pas semblant de s'y rouler !

  • ah oui, je regrette vraiment de ne pas l'avoir vu à sa sortie. Il faut dire que Bronson m'avait pas mal perturbée, j'ai eu un peu la frousse...

  • J'espère que vous m'en direz un jour des nouvelles...
    Cela dit, dans le genre perturbant, plus qu'à "Bronson", on peut repenser à "Pusher III".

  • Bonjour Ed, d'abord bravo pour le "new look" du blog. Et je suis contente que tu aies apprécié ce film qui est une expérience assez unique. En résumé: c'est du cinéma. Les paysages d'Ecosse sont grandioses. Bon samedi

  • Merci Dasola.
    C'est en effet "du cinéma" (que j'aurai préféré découvrir en salles plutôt qu'en dvd, d'ailleurs, mais bon...). Bon weekend à toi.

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