Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les noces funèbres & Alice au pays des merveilles

burton,etats-unis,fantastique,animation,2000s,2010s

burton,etats-unis,fantastique,2010s

****/****

Ces deux titres valent pour moi confirmation : le cinéma de Tim Burton n'est plus. Le supplément d'âme qui l'habitait l'a quitté au moment de passer à l'an 2000, ne laissant qu'une enveloppe aussi belle qu'inutile. Cette disparition est d'autant plus spectaculaire qu'elle n'a, en dix ans, jamais été contredite malgré la relative variété des six longs-métrages réalisés sur la période. Blockbuster hollywoodien ou œuvre sombre et torturée, film d'animation retournant à la source ou vrai spectacle pour enfants, projet éminemment personnel ou adaptation sur-mesure, quelque soit le registre, rien n'aura fonctionné...

Les noces funèbres est un film de marionnettes. Encore faut-il voir quelques images du making of pour s'en convaincre car le progrès technique aidant, le lissage des mouvements et autres aspérités est tel que l'on se croit d'un bout à l'autre devant un film d'animation entièrement conçu à l'ordinateur. Envolée donc la magie qui animait les figurines de L'étrange Noël de Monsieur Jack, place à la pure efficacité visuelle chargée de véhiculer les thèmes chers au cinéaste. Les thèmes rabattus dirait-on, tant l'impression de redite est forte. Passage entre deux mondes supposés s'ignorer, inversion des valeurs qui leurs sont d'ordinaire associées (sinistre et monochrome monde des vivants versus enthousiasmant et coloré monde des morts), jeu entre le haut et le bas, marginalité de personnages doucement rêveurs, visions gothiques et clins d'œils cinéphiliques... L'emballage est là, les éléments constitutifs également, mais la machine tourne à vide. Les personnages sont oubliés aussitôt qu'ils ont quittés la scène, tout comme les notes de musique d'un Danny Elfman en roue aussi libre que celle de son camarade cinéaste (on bâille gentiment pendant les séquences musicales). Et ce n'est pas la conduite du récit qui peut nous tirer de notre torpeur, celui-ci se dirige exactement vers là où il doit aller.

Cinq ans plus tard, la matière est plus riche. L'idée était bonne de raconter le retour d'Alice au pays des merveilles (Burton s'inspire surtout de la suite écrite par Lewis Carroll, De l'autre côté du miroir). Un retour amnésique qui produit chez la jeune fille le même étonnement et les mêmes erreurs. Le problème est que, passé un prologue pourtant prometteur décrivant une société anglaise de spectres empoudrés et de petits tyrans ridicules, visualisant une sorte de cauchemar aux frontières poreuses (le lapin en costume apparaît déjà dans le jardin, Alice s'éloigne à peine avant de tomber dans le trou) et faisant d'emblée remonter son sous-texte (terreur de l'âge adulte, des fiançailles, de la tromperie), le voyage proprement dit prend la forme d'un grand Barnum numérique. Nul jeu temporel à chercher ici mais une simple ligne droite suivie en mode héroïque. Nous attendions la féérie, nous subissons le film d'action fantasy : Alice au pays du seigneur des anneaux (sans la cohérence esthétique ni l'assise scénaristique de la trilogie plutôt estimable de Jackson). De combats en poursuites, nous sommes, sans aucun répit, soumis à un flux d'images surchargées jusqu'à un générique de fin au cours duquel nous réalisons que c'est bien, à nouveau, Elfman qui a pondu cette musique ne se signalant que par sa lourdeur martiale et son volume assourdissant. Nous en prenons conscience alors qu'Avril Lavigne est en train de nous percer les tympans avec sa chanson de fin. Juste avant cela, ajoutons qu'il a fallu observer une danse débile de Johnny Depp et un retour à la réalité permettant la remise à sa place de la triste société décrite plus haut par Alice devenue une femme libre. Or, à ce moment-là, nous ne voyons pas en elle une aventurière partant vers la Chine mais un entrepreneur. Burton, lui, n'est plus qu'une marque, une étiquette.

 

burton,etats-unis,fantastique,animation,2000s,2010sburton,etats-unis,fantastique,2010sLES NOCES FUNÈBRES (Corpse bride)

de Tim Burton et Mike Johnson

(Etats-Unis / 74 min / 2005)

ALICE AU PAYS DES MERVEILLES (Alice in Wonderland)

de Tim Burton

(Etats-Unis / 104 min / 2010)

Commentaires

  • Complètement d'accord avec toi sur la mort psychique de Burton depuis des lustres. "Alice au pays des merveilles" m'avait complètement plombé avec sa surcharge pondérale d'effets spéciaux hideux et son brouhaha sans fin et sans finesse. En plus il m'avait donné une sale image de Mia Wasikowska, que Van Sant a réussi à réhabiliter à mes yeux par la suite.

  • Que dire de plus? C'est dommage, cela dit.

  • Totalement d'accord avec toi sur "Alice" : prologue prometteur et le grand n'importe quoi ensuite (sans parler de cette fin affreuse, apologie du libre-échange et de l'horreur capitaliste).
    Je suis néanmoins moins pessimiste que toi : Burton a fait au moins un excellent film dans les années 2000 ("Charlie et la chocolaterie") et des films intéressants quoique "malades" : "Big fish" ou ces "Noces funèbres" que j'avais goûté avec un vrai plaisir...

  • Rémi : A Mia, il faut que je donne une troisième chance, parce que moi, "Restless", tu sais...

    Cathedrale : Oui, c'est dommage.

    Doc : Ah, merci... Cette fin j'avais presque cru l'avoir rêvée (j'ai vu le film il y a deux mois et j'attendais de faire le raccord avec "Les noces funèbres" pour écrire ma note).
    Je pense que "Charlie" est le seul film que je pourrai à peu près sauver du lot. C'est un film pour enfants assez bizarre. Mais bon, c'est à mon sens du niveau de "Pee Wee", c'est à dire que le meilleur film de Burton dans les années 2000 est du niveau du moins bon parmi ceux de sa période précédente... J'ajoute que si je suis si pessimiste, au-delà de la raison avancée dans mon premier paragraphe (la variété des projets), c'est parce que la déception fut pour moi au rendez-vous quelles que soient les conditions des visionnages, sorties en salles (Big fish, Charlie, Sweeney Todd) ou bien rattrapages tardifs (La planète des singes, Les noces, Alice). Cela fait quand même dix ans que je ressens cela...

  • Après Big Fish que j'avais jugé exécrable (effectivement, Burton jouait de sa "marque" et donnait exactement ce qu'une partie du public aimant ses films désirait de lui), j'avais beaucoup aimé les trois films suivants (très noirs, à mon sens surtout Charlie et Sweeney Todd) et le pense donc loin d'être fini. Mais, bon, Alice, je crois que je le trouve encore plus mauvais que toi - et mon esprit avait fui avant une fin que je n'ai pas retenue. Bilan moyen, donc, sur une décennie. Je trouve toutefois une certaine cohérence dans l'évolution Edward/Sleepy Hollow/Sweeney Todd.

  • La balance noir/blanc m'inquiète de la même façon, Antoine : je n'ai trouvé mon compte ni dans le gentil Big Fish, ni dans le morbide Sweeney Todd.

  • Je ne sais pas si le fait qu'Alice soit une production Disney ait joué sur la mièvrerie de l'adaptation... Je ne peux pas croire que Burton soit devenu si léthargique qu'il sorte un produit aussi inutile, générique et creux sur un sujet qu'il souhaitait traité depuis longtemps. Et dire que c'est son plus gros succès commercial !

  • La production Disney (et la 3D) a sans doute joué son rôle dans ce succès commercial, mais je n'ai pas spécialement vu de mièvrerie dans ce film et je pense que Burton y échappe d'ailleurs à chaque fois. Il faut lui accorder cela : il reste chez lui de l'étrangeté, toujours, et de la méchanceté, parfois (Charlie et la chocolaterie). Le problème est que cela tourne totalement à vide.

  • Je n'ai pas revu "Alice..." depuis sa sortie en salles et j'avoue que c'est au-dessus de mes forces. Pire, le souvenir de ce film "teinte" maintenant ma vision des films précédents de Burton. Car non seulement "Alice..." ne fonctionne pas en tant que film, pour toutes les raisons que vous avez évoqué (et sans doute quelques autres), malgré tous les espoirs qu'on pouvait y mettre ; non seulement c'est une totale et méprisable trahison du texte de Lewis Carroll, ode aux pleins pouvoirs de l'imagination réduite à une Lutte-du-Bien-contre-le-Mal qui permet à l'héroïne de devenir-celle-qu'elle-était-déjà-au-fond-d'elle-même, et je passe sur le final déjà évoqué par vous et le bon Dr Orlof, que j'ai ressenti comme un coup de poing à l'estomac ; mais en plus, en plus de tout ça, il y a cette cour de faux freaks opportunistes autour d'Helena Bonham Carter, qui m'est apparue, elle, plutôt comme un coup de couteau dans le dos. Et là j'ai eu l'impression que le cinéaste abattait ses cartes et nous disait : vous avez aimé les bizarreries que je vous sers depuis vingt et quelques années ? Regardez, tout ça c'est du postiche, de la pose, des faux nez ridicules. Ou comme vous le disiez Edouard : une marque, une étiquette. Dur, dur, après ça, de revoir sans tiquer The Nightmare before Christmas (par exemple).

  • Ce que vous écrivez n'est pas réjouissant mais très juste, à mon avis, à ceci près, je l'espère, que les films antérieurs à "La planète des singes" tiennent encore le coup.
    En effet, nous avons avec cette version d'Alice, quelque chose de "productiviste". L'aventure dans l'imaginaire, qui a pris la tournure d'un combat, sert finalement à révéler à la petite fille ses capacités d'entreprise.
    Le constat est particulièrement triste à faire, l'insistance sur les postiche et les faux nez ajoutant à ce sentiment.

Les commentaires sont fermés.