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  • Le Dernier Duel (Ridley Scott, 2021)

    °
    L'ennui total, résultant de l'académisme de la mise en scène (de la photographie sombre à la violence immersive, en passant par la hiérarchisation entre le brouhaha français de la populace figurante et les dialogues anglais des personnages), est seulement évité, au deuxième segment, par la répétition du récit sous un autre angle. Or, cette question de la différence de point de vue est rendue caduque dans le troisième : d'une part, il est présenté comme "la vérité", annule donc les précédents, qui deviennent en conséquence inutiles, et empêche toute réflexion, d'autre part, il relaie moins la vision d'un personnage, celui de la femme violée, qu'il ne déroule un programme, en forçant la moindre scène, le moindre détail à servir le discours voulu, celui du féminisme dénonciateur de la toute puissance et de l'impunité masculines, à rapprocher le moyen-âge d'aujourd'hui. Tant qu'à tenir cette orientation-là, un récit unique aurait épargné du temps et sans doute gagné en finesse.

  • Showgirls (Paul Verhoeven, 1995)

    ***
    Bravo à ceux qui l'ont défendu dès le début. Pour ma part, comme beaucoup, je m'étais trompé en le trouvant mauvais. La mise en scène est fluide et dynamique, le regard honnête. Verhoeven ne triche ni avec le sexe, ni avec le reste, en racontant son histoire, assez classique à la base, d'ascension dans le monde impitoyable du spectacle. Le film doit beaucoup à Elizabeth Berkley. On voit rarement une actrice jouer ainsi, presque toujours un cran au-dessus dans l'intensité ("presque", parce qu'elle sait aussi redescendre), surenchère qui, étrangement, atteint une certaine vérité et même une émotion. D'ailleurs, les traces d'amitié, d'entraide et de bienveillance disséminées dans ce monde à la limite de la déshumanisation préparent logiquement au dénouement, Verhoeven faisant bien de ne pas condamner son personnage. La musique elle-même passe sans problème, allant jusqu'à proposer du Swell, du Bowie, du Siouxsie. Décidément, la carrière américaine de Verhoeven, ce n'est pas rien. Ce n'était pas évident pour moi à l'époque. Dans 20 ans, j'aimerai peut-être la période française. 

  • Charles mort ou vif (Alain Tanner, 1969)

    ***
    Au moment où son entreprise familiale de fabrication de ressorts de montres fête ses 100 ans et où la télévision vient l'interviewer, un petit patron suisse, la cinquantaine, décide de tout laisser tomber et de disparaître du tableau industriel et bourgeois pour vivre autrement. La rencontre avec le journaliste TV est l'occasion d'une première longue introspection. Ensuite, Tanner, et un extraordinaire François Simon, vont remarquablement intégrer au récit ces réflexions quasi-philosophiques sur la vie, les placer dans le nouveau quotidien du personnage et préserver leur naturel (d'autant plus qu'elles ne sont pas assénées mais produites généralement en reponse à des interlocuteurs, d'où un vrai film de rencontres et d'échanges). Ce pas de côté, se dit-on, est un peu plus facile à effectuer dans cette situation de départ socialement confortable. Tanner ne l'oublie pas et ne fait donc pas de son film un programme, montrant, dans une économie des plus modestes et dans une suite de saynètes réalistes, simples, fluides, musicales, honnêtes et émouvantes, une trajectoire possible dans un monde si difficile à réenchanter. 

  • Darling Lili (Blake Edwards, 1970)

    ***
    Un chant d'amour à Julie Andrews, amplement mérité, et un film ambitieux d'Edwards, qui connut un échec cuisant. Le sujet n'était peut-être pas à même de faire se déplacer les foules (durant la première guerre mondiale une chanteuse anglaise à succès espionne les Alliés pour le compte des Allemands) mais c'est le mélange des genres qui a dû braquer le public. C'est pourtant ce qui le rend assez passionnant, très agréable à suivre, d'autant que la mise en scène du cinéaste, malgré les tripatouillages de la production, fait mouche, par les recherches plastiques, la maîtrise du rythme (bien que chaque scène soit assez longue), le rendu de l'espace. Conformément aux règles du film d'espionnage, les surprises sont régulièrement au rendez-vous mais elles sont très diverses, loin d'être réduites à des idées de scénario. Les changements de ton, les révélations de présences inattendues, l'alternance entre instants érotiques et pauses fleur bleue, l'omniprésence des chansons (le film n'est pourtant pas tout à fait une comédie musicale), les débordements burlesques, rendent l'ensemble imprévisible et charmant, presque fou dans la dernière demi-heure. 

  • Romances et Confidences (Mario Monicelli, 1974)

    *
    Avec une peinture de la classe ouvrière milanaise en fond, l'histoire d'un couple à la différence d'âge marquée est racontée en comédie triste et en chronique terne. Tognazzi et Muti, et les autres en support, ont du mal à rendre leurs personnages émouvants et à les arracher à la superficialité malgré les variations d'humeur affichées. Ils ne sont pas aidés par une post-synchronisation simpliste, réduisant fortement la visée réaliste. Quelques procédés de distanciation, par voix off et arrêt sur image, réveillent à peine et sont d'ailleurs prolongés par l'interminable récit du cocufiage, aveu de la jeune femme à son mari qui ne touche absolument pas, à cause de cet étirement de la durée virant à la farce. 

  • Blue Steel (Kathryn Bigelow, 1990)

    **
    Jamie Lee Curtis, en femme-flic à la fois proie, appât et chasseuse, au regard toujours bleu mais aux traits se durcissant ou s'adoucissant selon les situations, est l'attraction principale du film, devant sa photographie, dont les jeux de lumière parviennent à ne pas apparaître gratuits ni clipesques, et ses cadrages, de nombreux et assez beaux plans rapprochés sur les visages s'intercalant entre ceux plus généraux pour rendre l'ambiance new-yorkaise. Dommage que les scènes d'action soient si chargées de ralentis, que les tirages de cheveux scénaristiques soient si évidents dans chaque rebondissement et que la figure du psychopathe tueur en série ne soit pas aussi renouvelée, malgré le fait d'en avoir fait un trader, que celle de l'héroïne.