Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

2020s

  • La Voie du serpent (Kiyoshi Kurosawa, 2025)

    **

    Quelque chose se perd dans la translation, sans doute, mais l'opération de Kurosawa provoque aussi un dépaysement à domicile pas désagréable, ce qui n'était guère le cas avec Le Secret de la chambre noire, première expérience française dont j'ai tout oublié. Invraisemblable, la sombre histoire se suit bien parce que la qualité de la réalisation persiste (au-delà d'une baston un peu laborieuse et de quelques échanges manquant de justesse) et parce que le maintien des figures de style ici et avec "nos" acteurs donne des séquences insolites et plaisantes (malgré la noirceur et la violence, cela ne manque pas d'humour).

  • Valeur sentimentale (Joachim Trier, 2025)

    **

    Je l'ai regardé de manière détachée, extérieure, comme devant la façade de cette belle maison qui a tant d'importance. Comme ensemble, j'apprécie plutôt le film, ses interprètes, sa progression heurtée (les coupes très franches en fin de séquences, accentuées par le noir silencieux de quelques secondes), son point de vue intéressant sur l'art comme un travail, un effort, une autre dimension que l'on atteint difficilement, en opposition à d'autres, comme Altman, qui font tomber les obstacles pour en faire le prolongement très simple de la vie (mais, d'une part, peut-être est-ce dû au fait que Trier s'intéresse exclusivement au Grand Art, et d'autre part, soudain, la continuité caractérise au contraire la dernière séquence, si convenue, si attendue, comme si tout était résolu en même temps). Dans les détails, c'est une autre histoire et pas mal de choses ne m'ont pas convaincu, en particulier celles qui se rapportent au cinéma, avec une approche assez didactique. Trier filme le génie. Il le filme au travail, c'est bien. Mais montrer le résultat, c'est très risqué. Les deux passages en question, projection de l'un des anciens chefs d’œuvre de Borg et tournage du primordial plan-séquence, n'ont rien de probant. Et Trier choisit, au démarrage de ces deux séquences, de les faire siennes, de ne pas les signaler immédiatement comme "extérieures" à sa propre mise en scène, ce qui me semble relever moins du rapport ludique au spectateur que du manque d'humilité. Détail aussi, mais agaçant : l'insert onirique en forme de variation sur le plan-fusion de Persona, au cas où l'on n'aurait pas encore perçu l'ombre de Bergman sur son film.

  • Pris au piège (Darren Aronofsky, 2025)

    **

    Pas mal dans le sous-genre "nuit de galère", même si ça dure ici plusieurs jours pour le héros qui n'avait rien demandé (porteur cependant d'une culpabilité lointaine). C'est bien mené par Aronofsky et agréablement rythmé par Idles. En revanche, c'est un véritable jeu de massacre, parfois comique mais très brutal envers les personnages secondaires. Totalement inattendu pour moi, le caméo au moment du générique de fin, apparition surprise tant elle est retardée de la mère, m'a fait quitter la salle sur une bien belle note.

  • Miroirs N°3 (Christian Petzold, 2025)

    ***

    Très beau film sur le deuil et la réparation. Quelque chose de lourd est posé et on se demande comment ce poids va être soutenu. Mais c'est assumé, même le risque de la situation arbitraire, et tout consiste ensuite à jouer de petites touches et variations, à entrouvrir à peine quelques pistes, à modeler de manière subtile, calme, et jamais ennuyeuse. La concision (moins d'1h30) aide mais l'équilibre est surtout obtenu par la mise en scène qui, par les compositions, la lumière de fin d'été et la direction des quatres interprètes, fait naître une vibration à chaque séquence, pour mener finalement à un certain apaisement.

  • Islands (Jan-Ole Gerster, 2025)

    **

    Certains ressorts ont largement servi auparavant, comme ce personnage principal de quadra usé avant l'heure et tout désigné pour plonger à la fois dans les emmerdes et le doute. Mais l'un des doutes les plus prégnants, qui porte sur une paternité, est habilement distillé. Et globalement, le film, en drame psychologique menaçant de verser dans le thriller, possède un agréable côté "à l'ancienne" (chabrolien ? puisque c'est de saison) avec son montage calme, sa musique insidieuse, sa facture soignée et sa conduite assez lente, comme écrasée par le soleil, sans être ennuyeuse.

  • Beau is Afraid & Eddington (Ari Aster, 2023 & 2024)

    **/**
     
    Plutôt déçu par Eddington, que j'espérais supérieur au vilain petit canard Beau is Afraid, rattrapé la veille. Finalement, Beau me paraît plus attachant, même s'il génère son lot de malaises. Collant à un personnage qui traîne les pieds, il est trop long et trop lent mais chaque segment a son intérêt, avec une narration enroulée sur elle-même toujours de manière différente. L'étrangeté est là tout de suite, ce qui prive du plaisir du dérèglement progressif. Qui plus est, deux points de vue, ou deux forces, interne et externe, semblent coexister : on a du mal a savoir si nous sommes dans le cerveau de Beau ou s'il est victime d'un incroyable complot.
    Eddington est aussi trop long, et décousu, dispersé. Aster a voulu résumer, sur une échelle réduite, tous les maux de l'Amérique. Il a aussi recouvert le tout d'ambiguïté, jusqu'à la confusion. Ce qu'on ne peut pas lui enlever, cependant, c'est son sens de l'espace, qui lui permet notamment de filmer la distanciation sociale en temps de Covid.
    Il faut bien évoluer et le gars ne manque pas d'ambition, mais je regrette pour l'instant la force plus concentrée que possédait Midsommar (toujours pas vu Hérédité).

  • L'Accident de piano (Quentin Dupieux, 2025)

    **

    Pas très fan du segment central avec la longue interview : même si on sent Dupieux projeté dans le personnage de "l'artiste" sommée de s'expliquer, ce n'est pas plus intéressant que ça, et par ailleurs, les flashbacks insérés répètent cette comédie de l'insensibilité déjà vue chez lui. Mais j'ai apprécié la mise en place et surtout la noirceur désespérée de la dernière partie, jusque dans ses contradictions (le rapport à l'argent, qui revient dans l'ultime réplique).

  • The Phoenician Scheme (Wes Anderson, 2025)

    ***

    Miracle. Il m'aura fallu attendre la septième tentative pour aimer absolument un film live action de Wes Anderson (ses deux animés m'avaient bien/beaucoup plu), de l'explosive première séquence à la dernière, plus simple. La violence du monde s'est immiscée dans son univers protégé et même la musique s'est (favorablement) alourdie, sans sucre pop. Les épisodes de cette aventure exotique sont suffisamment variés, les apparitions des vedettes disséminées, les figures de style convoquées à bon escient (oubliée l'insupportable monotonie des travellings latéraux d'Asteroid City). Le segment presque final où Benedict Cumberbatch s'est fait la tête de Fantômas, c'est beau comme du Feuillade. Michael Cera est deux fois très bon en agent démasqué. Je découvre Mia Threapleton, toute de blancheur, face au bloc noir Benicio Del Toro, en Citizen Kane blessé, le point fort du film, l'élément le plus déterminant. Il apporte une épaisseur, une vibration remontant de loin, une présence directe sans second degré redondant. Ces personnages, qui n'ont pourtant au départ pas grand chose pour eux, m'ont paru pour une fois incarnés et sensibles, finalement très émouvants.

  • Le Répondeur (Fabienne Godet, 2025)

    **
     
    Bien aimé cette comédie sans prétention qui, à partir d'une situation invraisemblable, se développe assez finement, en évitant pas mal de pièges (évidemment quelques quiproquos mais sans avalanche). Le rythme peut paraître inégal mais c'est aussi parce que le temps est laissé à chaque scène (on aime ou pas les moments d'imitations en stand-up mais, au moins, la durée leur confère une certaine vérité). J'aime bien aussi l'approche des personnages : la satire du milieu parisien de la culture ne frappe pas aveuglément car chacun a sa chance, ne serait-ce qu'un court instant, et les seuls personnages entièrement désagréables sont laissés hors-champ, au bout du téléphone, ce qui m'a paru être un principe intéressant.