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2020s - Page 5

  • Les Graines du figuier sauvage (Mohammad Rasoulof, 2024)

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    Sans doute la dénonciation du régime iranien impose de ne pas y aller par quatre chemins mais la première heure et demie du film m'a paru beaucoup trop longue et épuisante dans la contextualisation choc, dans l'accumulation immédiate de tous les dilemmes moraux possibles. C'est donc le basculement de la seconde partie qui le rend plus fort à mes yeux, quand tout vire au thriller jusqu'au symbolisme final, quand l'angle d'attaque est modifié, vraiment recentré sur la famille, quand la fiction prend tout à fait en charge la colère (au lieu d'imposer au regard ces violences insoutenables et bien réelles via les vidéos prises au portable).

  • Journal de Tûoa (Maureen Fazendeiro et Miguel Gomes, 2021)

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    Pour patienter jusqu'à la sortie de Grand Tour, rattrapage de cette pastille estivale en mode confinement. Récit à rebours des activités anodines d'un trio de personnages qui intrigue en obligeant à chercher une autre manière d'envisager les conséquences et les enchaînements, avant d'ennuyer un peu, puis d'intéresser à nouveau lorsqu'il devient l'histoire du tournage lui-même. C'est une expérience, un essai qui se fait et se défait, qui joue des qualités de ses défauts, du charme de ses limites.

  • Ma vie ma gueule (Sophie Fillières, 2024)

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    Chronique calée sur l'évolution cyclothymique d'une femme de 55 ans dont le petit grain de folie vire parfois dangereusement à la grosse boule noire. Drôle, déprimant, bouleversant, en alternance ou en même temps, le film ne lâche pas Agnés Jaoui, exceptionnelle (ou très ordinaire), et la propulse au milieu de gens de tous les jours qui pourraient aussi bien être des fantômes du passé, des messagers de la Mort ou des doubles d'elle-même. C'est le bel adieu de Sophie Fillières, réalisatrice décédée quelques jours après la fin du tournage.

  • A son image (Thierry de Peretti, 2024)

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    A nouveau sensible à la mise en scène de Thierry de Peretti, sa façon de faire durer les plans, de donner la sensation exacte des espaces, de mobiliser les groupes dans son cadre. Un peu moins convaincu par la construction, légèrement bancale je trouve (les transitions Corse-Yougoslavie), et la voix off, mi-romanesque mi-réflexive (les interrogations sur la "vérité photographique", il me semble que Peretti a suffisamment de talent pour les intégrer dans le récit lui-même et ne pas avoir à les plaquer par-dessus).

  • Septembre sans attendre (Jonas Trueba, 2024)

    ***
     
    Séduit par un film (mon premier Trueba) qui fait le pari de renouveler la représentation d'une situation convenue par sa mise en abyme, de broder sur les d'accord/pas d'accord inhérents à la vie de couple, de ressouder en séparant, de marier à l'envers et de laisser vivre des personnages tout en expliquant presque didactiquement comment on peut les filmer.

  • Love Lies Bleeding (Rose Glass, 2024)

    *
     
    Mince, je n'ai pas trouvé ça terrible du tout. Ni spécialement subversif, ni spécialement original. Toute la construction "policière" laisse vraiment à désirer et Kirsten Stewart joue la fragilité exactement comme d'habitude. En fait, le film m'a paru un peu couillon, à l'image de l'ensemble des personnages (qui, en plus, n'ont pas grand chose de sympathique). Ça m'a fait réévaluer à la hausse le Ethan Coen qui, dans le même genre, avait été beaucoup plus mal reçu.

  • Horizon, chapitre 1 (Kevin Costner, 2024)

    ***

    Un geste d'une telle ampleur mérite non seulement le respect mais la vision sur grand écran. Le western, Costner sait y faire, et ne comptez pas sur lui pour moderniser bêtement, pour céder aux effets spéciaux ou pour rigoler de la violence. Ici, l'espace, le vrai, est embrassé en majesté. Les personnages et les lieux sont nombreux, les lignes sont parallèles, croisées ou brisées. Les sentiments n'empêchent pas les pertes douloureuses. La figure héroïque met une heure avant d'apparaître. Trois heures de classicisme cinématographique, dans l'immensité de la Frontière et aux racines problématiques de l'Amérique. Et déjà plusieurs scènes marquantes. A suivre, forcément.

  • The Bikeriders (Jeff Nichols, 2024)

    **
     
    Jeff Nichols veut réaliser son "Equipée sauvage", comme son personnage Johnny veut ressembler à Marlon Brando. Mais 10 ans ont passé et les années 70 approchent, bien plus sombres. Le romantisme du rebelle sans cause est mis en péril, la bande vire au gang, la petite délinquance au crime, le noyau dur est éclaté. Nichols filme sereinement et classiquement, à la fois la violence des comportements et les rapports plus subtils. Construit du point de vue de la femme-témoin, c'est du solide.

  • In Water (Hong Sang-soo, 2023)

    ***
     
    Je craignais un peu la mauvaise idée de dispositif, à tort car c'est, à mon sens (sans avoir tout vu), paradoxalement, l'un des HSS les mieux tenus et l'un des plus stimulants esthétiquement. Notamment parce que le flou est utilisé avec de nombreuses variantes, et pas pour la totalité des plans (de plus, ça dure à peine une heure, pas le temps de se lasser). Surtout, l'idée a priori saugrenue "fait sens" (comme le dit l'actrice à propos d'une autre chose, mais pas si éloignée ; le côté "méta" du film est d'ailleurs agréablement simple et direct). Et elle fait sens à plusieurs niveaux : la concentration sur les sons et les paroles, l'humour des détails que seuls les personnages distinguent, le flottement des intentions, la difficulté à accéder au monde extérieur, la séparation sociale des espaces (les touristes et la femme qui nettoie), l'évocation de fantômes, la disparition finale, etc.