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2020s - Page 9

  • Days (Tsai Ming-liang, 2020)

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    En 1995, le très long plan final de Vive l'amour où Yang Kuei-mei se mettait à pleurer sur un banc venait en point d'orgue valider une découverte cinématographique sidérante. 25 ans après, le premier plan de Days où Lee Kang-sheng regarde immobile la pluie tomber sur son balcon pendant 5 minutes a, lui, valeur d'avertissement. On sait où l'on va : vers "l'expérience", ou plutôt l'épreuve. Dans des plans fixes longs de plusieurs minutes, s'amorce, se réalise et se termine la rencontre érotique et tarifée de deux hommes solitaires. Successivement, nous voyons ainsi, in extenso, comment préparer un repas, manger, dormir, se faire soigner, se faire masser, se faire astiquer... Radical, Tsai se teste. Et teste Lee Kang-sheng. Au point d'imposer un plan à trois, non pas avec le second comédien, mais avec le spectateur. Car l'émotion ne peut naître que du rapport au corps changé par les ans de Lee, à son regard comme vidé. Cela jusqu'au malaise. Cet acteur va bientôt mourir devant la caméra de Tsai, se dit-on. Or, si cette émotion ne tient qu'à cela, cela veut dire que le cinéaste ne souhaite plus dialoguer qu'avec ceux qui l'ont découvert et tant aimé au tournant du siècle dernier, ceux qui connaisse cette histoire d'acteur et de réalisateur, ceux qui ont tissé ce lien avec eux deux. Alors ces plans ont beau bruisser et paraître ouverts au hasard, ils n'en sont pas moins écrasants et ils semblent même exclure, se refermer. Ou alors c'est moi qui n'arrive plus à y entrer. 

  • Peninsula (Yeon Sang-ho, 2020)

    *
    Décevante "suite" du bon Dernier Train pour Busan. Si le travail sur le genre reste sérieux, à la coréenne, non abêtissant, l'écueil de la vaine surenchère n'est pas vraiment évité. Les prémices de l'apocalypse sont sans doute plus gratifiants à filmer qu'un monde atomisé pour de bon, où survit une poignée d'individus rendus violents. Difficile d'innover sur ce plan-là. Quelques séquences jouent efficacement sur les amoncellements de corps zombifiés (bloquant les véhicules par exemple), mais l'abus du numérique et le recul pris pour cadrer en nombre rendent l'horreur très peu viscérale, ce qui est handicapant pour un film de morts-vivants. Cela devient presque aussi anodin que les armées de squelettes de Ray Harryhausen. Par ailleurs, le final tire en longueur et s'avère cousu de fil blanc. 

  • Enola Holmes (Harry Bradbeer, 2020)

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    Un produit netflixien d'une vacuité étourdissante, ne semblant destiné qu'à une seule et unique cible : les jeunes adolescentes et celles qui rêvent de l'être encore. Pourquoi se donner un minimum de mal dans la reconstitution (numérique, of course) d'une époque lointaine si c'est pour parler exclusivement de la nôtre, en cochant toutes les cases nécessaires pour bien se placer dans le sens du vent ? Le discours féministe attendu est martelé du début à la fin, les formules visant à la leçon de vie tombent toutes les 10 minutes, l'acte révolutionnaire est évité par une miraculeuse réforme... Et si la jeune héroïne ne cesse de s'adresser en aparté à la caméra, cela ne donne pas l'occasion de faire dérailler la fiction (les fabricants de ce bidule n'ont aucune envie de réfléchir à ce genre de chose), cela la rapproche juste d'une quelconque youtubeuse en goguette dans le Londres victorien. 

  • Tenet (Christopher Nolan, 2020)

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    Des agents de la CIA (enfin je crois...) sauvent le monde en se bastonnant, tout en affichant de solides connaissances en physique nucléaire et en maniant avec dextérité les concepts philosophiques au fil de leurs dialogues quotidiens. On ne comprend rien, jamais, à l'histoire inventée par Nolan. Cette opacité est notamment due au montage, d'une rapidité volontairement excessive lors des échanges, ce qui rend ceux-ci totalement déconnectés du réalisme minimum (dans la vie, personne ne laisse si peu de temps entre la fin de la question et le début de la réponse). Quant à cette idée d'inversion, on se demande si elle n'est pas purement scénaristique, tant elle ne produit à l'écran que des séquences à l'action confuse, jamais gratifiante pour le spectateur totalement paumé. Dès lors, l'enjeu, si important soit-il tel qu'il est présenté, devient sans intérêt. Nolan a dû se dire que s'il était impossible de le suivre en une projection, ses fans iraient de toute façon voir son film à plusieurs reprises et les autres se contenteraient de la trame romanesque hyper-convenue en croyant en avoir pris plein les yeux et les oreilles. Ratage total. Ni le premier, ni le dernier, de son auteur.