Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Un baiser s'il vous plaît

(Emmanuel Mouret / France / 2007)

■■□□

Unbaisersvp.jpgA Nantes, Gabriel rencontre Emilie, parisienne de passage, mariée et repartant le lendemain. Le courant passe si bien entre les deux, qu'après le dîner, il lui demande un baiser "sans conséquence", ce qu'elle lui refuse poliment. Elle se justifiera en lui racontant jusqu'au milieu de la nuit, l'aventure vécue par deux de ses amis : Judith et Nicolas. C'est cette histoire qui, sous forme de flash-back, est au centre du film.

Dans Un baiser s'il vous plaît, un récit en cache un autre (ou deux), le comique cache une réflexion sur l'amour, l'amitié et le désir, une couette cache deux corps nus. L'humour naît ici du décalage entre ce que ressentent réellement les personnages et ce qu'ils veulent bien admettre (Judith et Nicolas sont attirés l'un par l'autre mais refusent de reconnaître qu'ils sont emportés par la passion même au plus fort de l'étreinte, cherchant à analyser sans cesse leur comportement, à leurs yeux inadéquat, comme si leur corps était détaché de leur esprit). Ce refus de se voir tel que l'on est ne contamine pas, heureusement, le regard d'Emmanuel Mouret cinéaste. On sent son plaisir à filmer cet argument. De plus, un jeu permanent avec ce milieu bourgeois, engoncé, cultivé et parisien se dégage du film. Sans aller jusqu'au second degré ou l'ironie féroce, l'insistance à placer les personnages en pleine discussion devant des bibliothèques ou des tableaux et l'étalement des séquences de bavardages font sourire.

L'aberrante logique des réactions des personnages provoque quelques passages assez irrésistibles (dont une mémorable séquence de rupture empreinte de calme et de compréhension mutuelle parfaitement inattendue), le seul problème étant que le comique est strictement limité à ce registre. Le film n'avance donc pas beaucoup et au bout d'une heure, Mouret se décide à changer de cap en lançant Judith, Nicolas et Caline, l'ex de ce dernier, dans un fumeux stratagème. La mise en place de celui-ci est assez savoureuse mais ses conséquences sont décevantes, destinées qu'elles sont à ramener tout le monde sur terre, à tirer vers la morale de l'histoire. Le quatrième protagoniste, qui n'était jusqu'alors qu'une silhouette, prend de l'importance et offre au spectateur les premières réactions censées et réalistes dans ce microcosme si étrange, créant ainsi un déséquilibre malvenu.

On finit par se détacher des personnages et le retour de bâton ne suffit pas à les rendre plus proches (après tout, comme aurait dit ma grand-mère, "ils sont bien bêtes et c'est bien fait pour eux"). Ce relatif désintérêt s'étend même au couple de départ (celui de Gabriel et Emilie), pourtant porteur de plus de réalité. Mais terminons sur une bonne note : le film est souvent drôle et remarquablement interprété (par Mouret lui-même, Virginie Ledoyen, Julie Gayet, Michael Cohen et l'épatante Frédérique Bel, dans le rôle de Caline, tête-à-claque très émouvante).

Commentaires

  • Même si je suis un tout petit peu plus enthousiaste que toi (le film m'avait bien plu et j'aime surtout la manière dont Mouret parvient à rendre vivant ce qu'il peut y avoir de mécanique dans la construction de ses films), je suis assez d'accord avec cette note.
    Je te conseille néanmoins, si tu ne les connais pas, de découvrir les autres films du cinéaste que je trouve supérieur : le trop méconnu "Vénus et Fleur" et le délicieux "Changement d'adresse"...

  • Je ne connais malheureusement pas les autres films de Mouret mais ce film-là et ton commentaire me donne bien sûr envie d'y remédier.
    A mon avis, il n'arrive pas toujours à dépasser l'aspect mécanique dont tu parles. En revanche, il y a une chose sur laquelle j'aurai dû insister, c'est la capacité, par le détour du comique, à dire des choses très pertinentes sur le désir.

  • Pour "Changement d'adresse" et Frédérique Bel, j'approuve sans hésiter. Il me reste donc à découvrir ce film puisque pour les salles, c'est devenu bien compliqué.

  • Vu l'an dernier au cinéma, m'avait bien plu. J'aurais bien aimé que soit davantage approfondi le personnage de la "péripatétitienne en chambre" qui apparaît seulement "par raccroc" (jeune femme qui semble par ailleurs étudiante voire préparant des concours de la fonction publique, et sans doute pas boursière!).

  • En même temps, le fait que ce personnage ne soit pas développé montre bien la démarche de Mouret et la qualité de son travail : en s'attachant pour quelques secondes seulement à cette silhouette, il laisse passer, comme en glissant et sans se départir du registre comique de l'ensemble, un petit fait de société. Cette finesse dans l'évocation fait que la scène m'a, moi aussi, beaucoup marqué.
    Merci de la visite.

Les commentaires sont fermés.