(Bertrand Tavernier / France / 2010)
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Le dernier Tavernier m'a ennuyé d'un bout à l'autre. Quand ce manque d'intérêt vous pèse dès le début de la projection et quand vous pressentez que cela ne va guère s'arranger sur la durée, vous commencez, en laissant votre regard vagabonder sans but sur la surface de l'écran, à ne voir que des défauts. Ainsi, indifférent à ce que le cinéaste tentait de me raconter, je me suis mis à regarder ces figurants bien placés au bord du cadre et qui s'activaient très consciencieusement en mimant les gestes des hommes et des femmes du XVIe siècle dans l'espoir de donner vie au tableau ; j'ai pu comprendre pourquoi les maîtres d'armes et les cascadeurs aimaient tant travailler avec Tavernier, lui qui orchestre toujours ses batailles à l'ancienne, filmant dans la longueur des corps-à-corps qui sentent l'entraînement intensif au gymnase du coin ; j'ai eu tout le loisir de suivre ces mouvements de caméra balayant des décors si authentiques mais me paraissant, à chaque occasion, s'étirer dans le mauvais tempo, à la mauvaise vitesse, à la mauvaise distance ; j'ai pu remarquer que cette lumière naturelle éclairait très mal les visages, parfois rejetés sans raison dans l'ombre ou le contre-jour ; j'ai pu oublier, aussitôt entendus, ces dialogues ronflants, arrivant d'on ne sait où lorsqu'ils se veulent déterminants (quand Wilson dit "Je vous aime", rien dans ce qui précède ne nous fait sentir la naissance de cet amour) et tombant à plat lorsqu'ils souhaitent faire sourire ; j'ai pu avoir la confirmation que non, décidément, je n'étais pas du tout sensible au charme de Mélanie Thierry, en charge pourtant d'un personnage désiré par tous les autres ; j'ai eu le temps de déplorer une interprétation d'ensemble particulièrement médiocre, de Wilson à Vuillermoz, de Leprince-Ringuet à Ulliel, le moins connu de tous, Raphaël Personnaz, étant le seul à s'en sortir ; j'ai pensé avec nostalgie à Breillat, à Rivette mais aussi à Rappeneau et à d'autres Tavernier ; j'ai pu réfléchir tranquillement à ce que j'allais bien pouvoir écrire sur mon blog à propos de ce ratage.
Oui, La Princesse de Montpensier, film dépourvu de vigueur et de ligne esthétique, est très ennuyeux. C'est ennuyeux pour moi aussi, étant plutôt Tavernophile habituellement, de devoir donner raison, pour une fois, aux détracteurs acharnés du cinéaste.
Commentaires
C'est pas pour remuer le couteau dans la plaie, mais entre Tavernier et Fincher, tu as pu lire le dernier numéro de Positif ?
Oui - Peut-être - non :)
Ouh la ! c'est très mauvais ça quand on pense à ses chroniques bloguesques alors qu'on est censé être fasciné par l'écran :/
Malheureusement, en lisant ton post et en ayant subi plus d'une fois la bande annonce il me semblait bien itou que seul le petit Raphaêl semblait brûler d'un feu intérieur, c'est ennuyeux quand on cause passion amoureuse (sans compter que moi, les blondes, euh...)
Vincent : Oui
Fred : Et bien, si même la bande annonce (que je n'ai pas vu) n'arrive pas à dynamiser la chose, c'est qu'il y a vraiment un problème...
Au fait j'ai rêvé où y a un hommage au dernier plan de The searchers à la fin ? signé, la fille qui essaie de sauver un truc de l'aventure, fut-ce un bon souvenir ;p
Ah bon, il y a un dernier plan ?
:D
Ta prose a été savoureuse à lire et je me suis souvenu alors de ces scènes de batailles où je voyais aussi avec ennui des figurants tomber avant que le coup ne soit porté, ou d'autres encore se bousculer par mégarde avant de décider à se battre parce qu'il ne savaient pas quoi faire d'autre ou avaient oublié leur partition. Le pic est en effet atteint quand Wilson déclare sa flamme en toute indolence sans trop y croire. Un film qui nous distrait de sa trame.
Sébastien Chapuys sur Critikat parle même d'un figurant faisant l'imbécile dans un coin de l'écran lors de la première scène... Dans mon souvenir, la guerre était mieux représentée, en posant pourtant les mêmes principes de mise en scène, dans Capitaine Conan.
Et bien moi, ne vous déplaise, je l'ai trouvé savoureux comme les pages qui l'inspire !
Mais la plupart des critiques lues sur le net, des blogs essentiellement, sont, il faut bien l'avouer, de vos avis. Le pire c'est ceci cueilli sur Chronicart : "Que le duc d'Anjou ait l'air d'un membre de Tokio Hotel fera sourire tout le monde à l'exception des profs d'histoire, auxquels le film est dédié. Pas un personnage ici qui ne se plie à la lourde contrainte de la vraisemblance..."
Je défaille, je me meurs...
Oui Benjamin, j'ai lu ta note sur la Kinopithèque et j'ai vu que tu faisais partie des quelques défenseurs du film...
Vache et un peu facile le commentaire de Chronicart...
des hommes et des films par:
http://etasoeurvousdittout.wordpress.com/2010/11/10/des-hommes-et-des-films/
Ah ! Merci étasoeur de conforter nos positions !
et pour à nouveau évoquer Jérôme Momcilovic (Chronicart, le même qui méprise Les amours imaginaires, décidément je l'aime pas çuilà !), je viens de revoir La reine Margot et le look de Pascal Gregory / Anjou / futur Henri III n'a rien à envier à celui de Raphaël Personnaz qui joue le même personnage efféminé, raffiné, boucle à l'oreille. Enfin bon...
Bon, j'hésite toujours, quoique son entretien dans Positif m'a plutôt convaincu et puis quand tu écris "filmant dans la longueur des corps-à-corps", ça me tenterait assez.
Ornelune : Chronicart, en fait, je ne fréquente pas beaucoup. Enfin, maintenant, un peu, sur leur site, mais avant, pas du tout... Et sinon, La Reine Margot, ça m'était légèrement tombé des yeux à l'époque...
Vincent : Tavernier est presque toujours convaincant lorsqu'il parle de ses films et ses intentions, par rapport à celui-ci, sont une nouvelle fois louables (la façon de filmer la guerre, le réalisme de la reconstitution etc...) mais je trouve qu'elles ne prennent jamais forme sur l'écran, en tout cas, pas avec suffisamment de vigueur.
A vous lire, on a là le parfait exemple du syndrome de celui qui est resté cloué sure le seuil de la salle de projection (placement au dernier strapontin tout près de la sortie de secours).