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Deux films de Jean-Pierre Melville appartenant à deux périodes distinctes de sa carrière. Je viens de découvrir l'un et de revoir l'autre et j'ai du mal à leur trouver un air de famille. Le premier marqua les esprits à l'époque mais il est aujourd'hui bien peu vu et commenté. Le second fait encore référence au fil des rediffusions télévisées, gardant sa place dans la mémoire collective au milieu des grands polars melvilliens qui l'entourent. Pourtant si dissemblables, ils sont finalement, à mon sens, et contrairement à ce que je pensais au départ, de qualité comparable.
Les enfants terribles est vraiment un étrange film, qui peut dérouter aujourd'hui de la même façon qu'il le fit en 1950. Tout d'abord, faute de connaître (Quand tu liras cette lettre, 1953) ou d'avoir revu récemment (Le silence de la mer, 1947) les œuvres qui, avec celle-ci, constituent la première manière du cinéaste, il m'est difficile de faire la part des choses. Dans ce travail à deux, il est en effet plus aisé de repérer les éléments personnels venant du scénariste-adaptateur de son propre roman, Jean Cocteau, que ceux apportés par le réalisateur-producteur, Jean-Pierre Melville, et cela jusque dans le traitement de l'image.
Cette tragique histoire d'un couple frère-sœur dégage un romantisme adolescent vénéneux et fait preuve, à de nombreuses occasions, d'une étonnante cruauté. L'inceste y est absolu mais, bien que le film soit éminemment physique, il ne passe jamais par la sexualité. Il ne faut pas y voir ici de la pudibonderie mais une volonté délibérée des auteurs de se placer sur un autre plan. Il s'agit de tendre vers la folie, via la claustration, le repli.
Quittant peu leur chambre commune sous le toit de leur mère mourante, le frère et la sœur auront rapidement, après avoir changé de territoire, l'idée de la reconstituer à l'identique. Cet éternel retour du décor n'est que l'un des nombreux signes d'irréalité qui déstabilisent, avec bonheur, ce récit. Comme il est dit, Elisabeth accepte les "miracles" sans s'interroger (entre autres ceux d'ordre financier permettant au couple de maintenir leur train de vie), mais c'est tout le monde s'agitant autour de ces deux enfants terribles qui semble hors de la réalité (ou de la normalité des comportements). Tous ceux qui gravitent autour de ce couple sont comme hypnotisés.
Dans ce huis-clos quasi-permanent (les escapades à l'extérieur sont rares, bien qu'importantes), le décalage créé a bien sûr quelque chose à voir avec le théâtre et, de manière très stimulante, cette parenté est tantôt assumée (la scénographie, les entrées et sorties, le très net et très surprenant écho s'entendant lors des échanges dans la "dernière chambre" du château, qui donne une texture sonore directe totalement inattendue...), tantôt dépassée (le découpage vif, les cadrages audacieux, les échelles de plans variables...), de sorte que l'on a l'impression de tirer tous les bénéfices des deux arts. Voilà du théâtre intégrant de beaux morceaux de cinéma.
Certains doivent énormément à Cocteau, en particulier ceux en appelant à l'illusion fantastique (tel ralenti inversé, tel décor en mouvement). Et dans ce film si original en comparaison des productions de l'époque, un autre lien existe, me semble-t-il, avec Orson Welles. Melville a en effet cherché à dynamiser visuellement ce récit en intérieurs en ayant recours à des contre-plongées accentuées, en chargeant ses cadres et en choisissant des angles de prises de vues improbables. Par ailleurs, nous pouvons voir Les enfants terribles en pensant précisément à Citizen Kane : la neige est là, Rosebud aussi, démultiplié (les trèsors conservés dans le tiroir), ainsi que Xanadu (la grande demeure où s'installe, dans la deuxième partie, la sœur puis, bientôt, son frère).
Mais de manière plus étonnante encore, et pour se diriger dans l'autre sens, le film semble annoncer, par plusieurs détails, la Nouvelle Vague (dont les principaux artisans seront globalement bienveillants avec Cocteau et, au moins pour un temps, avec Melville) : la musique de Vivaldi n'est pas toujours utilisée de façon synchrone (elle semble dire autre chose que ce que montre les images), une voix off (celle de Cocteau lui-même) commente ou prolonge de façon détachée et littéraire ce qui se joue sur l'écran, les registres familiers et soutenus alternent dans les dialogues, les comportements de la jeunesse provoquent, et les regards, en deux ou trois occasions, visent le spectateur directement à travers la caméra...
Certes, l'œuvre n'est pas sans défaut. Le jeu saccadé d'Edouard Dermit, interprétant Paul, gêne de temps à autre (celui de sa partenaire, Nicole Stéphane, est bien plus assuré et fluide) tandis que le texte récité par Cocteau est parfois redondant. Mais cela ne fait finalement qu'ajouter à l'étrangeté de la chose, qui est particulièrement forte et expressive.
Revoir à la suite L'armée des ombres, film souvent admiré au cours de plus jeunes années, c'est abandonner toute idée de surprise et voir apparaître plus facilement quelques scories qui, en ces autres temps, ne me sautaient pas alors aux yeux.
Il est vrai, cependant que la séquence centrale londonienne m'avait toujours laissé une impression bizarre. Aujourd'hui, il me semble qu'elle a tendance à déteindre quelque peu sur tout le film. Quand Melville montre ce rendez-vous de Gerbier et de son chef avec le Général De Gaulle, on ne sait trop s'il filme (dans l'ombre) la légende, s'il peint une image d'Epinal, s'il s'agenouille devant le Grand Homme. Cette poignée de secondes constituent un point extrême mais force est de constater que L'armée des ombres ne dévie jamais de l'imagerie orthodoxe de la Résistance française à l'occupant allemand. Peut-être que la légère gêne que procure cette fidélité sans faille au dogme serait moins palpable si la vision portait de façon plus serrée encore sur ce petit groupe de quatre ou cinq personnes s'activant avec Gerbier (la séquence du barbier, joué par Serge Reggiani, est marquante mais n'apporte pas de contrepoids). Dans L'armée des ombres, la Résistance est une entité très homogène... Enfin, la rareté et la gravité des dialogues font que ceux-ci pèsent lourd, au risque de dériver vers la sentence ou le mot d'auteur (comme par exemple dans le dialogue entre Gerbier et "Le Masque" à la fin de la séquence de l'exécution, toujours aussi éprouvante, du traître).
Ainsi, oui, l'ensemble est un peu trop raide. Mais il garde tout de même de sa force. Frappe toujours la photographie de Pierre Lhomme, qui donne l'impression de regarder un film sans couleurs (seuls le gris, le bleu foncé, le brun...), un film nocturne, un film qui enserre. Image et son se rejoignent dans le même dessein : dire l'oppression. Silences et bruits infernaux alternent, aussi menaçants les uns que les autres. Le moteur de l'avion ou du camion, le tic-tac de l'horloge, agressent comme la mitrailleuse, la gestion particulière du temps long par Melville accentuant l'effet.
Les affreux hasards de la guerre sont prétextes à quelques trouvailles scénaristiques plus ou moins habiles. Glaçantes à la première vision, elles semblent plutôt, ensuite, participer à "l'alourdissement" général du film. Mais après tout, au milieu de toute cette gravité, une certaine malice peut être décelable : la rencontre avec De Gaulle est collée à la projection d'Autant en emporte le vent dans un cinéma de Londres, illustrée par une image au lyrisme appuyé, et plus loin, Gerbier, aux portes de la mort, croit-on, repense à quelques bribes de son existence, occasion pour le cinéaste d'insérer de brefs plans en flash-back et de faire passer pour tel un qui ne l'est nullement (des mains tenant un livre de Luc Jardie, le patron, une image qui n'est pas en retard mais en avance...).
Inutile de revenir sur la science de l'espace de Melville (l'espace qui, épuré, est aussi, chez le cinéaste, du temps qui s'écoule), sauf à dire que c'est cela, en grande partie, qui rend les morceaux de bravoure inoubliables. Mieux vaut terminer sur une dimension particulière du film, qui nous place un peu en-deça, émotionnellement parlant, mais qui est précieuse : l'idée que l'Histoire elle-même ne peut pas tout mettre à jour, qu'il existe aussi des sacrifices inutiles, que tant de choses restent pour toujours dans l'ombre, que tant d'actes sont à jamais inconnus.
LES ENFANTS TERRIBLES
L'ARMÉE DES OMBRES
de Jean-Pierre Melville
(France, France - Italie / 100 mn, 145 mn / 1950, 1969)
Commentaires
J'avais éprouvé peu ou prou le même sentiment, quoiqu'il soit très flou, devant Les Enfants terribles.
Quant à L'Armée des ombres, la vision de la résistance, même si elle est assez crue, gêne car elle participe de cet unanimisme et de cette glorification d'une certaine époque et le film est empreint d'une certaine lourdeur. Néanmoins, comme les autres opus melvilliens de la même époque, il me séduit par son côté glacé et métallique - même si je le trouve plus adapté pour les films policiers. Oui, ces couleurs, cela tranche avec le reste de la production de l'époque. Je crois que, si l'on excepte quelques films technicolor qui recèlent un charme particulier, c'est, chronologiquement (avec 2001, L'Odyssée de l'espace presque à la même date et, dans un autre registre, Pierrot le fou), la première fois que la couleur, que je n'ai jamais considéré comme une révolution, me semble apporter véritablement un plus esthétique.
Plus précisément, c'est, il me semble, l'alliance de ces "monochromes" et de cette nudité des décors qui donne cette impression si particulière. Bien sûr, c'est parfois en accord avec une certaine réalité (dans les geôles, dans le camp de prisonniers) mais cela se retrouve partout ailleurs et tend vers une stylisation froide (sauf dans la maison du "patron", vue lors de la visite de son jeune frère, mais bien sûr, là, c'est une "fausse piste" tracée délibérément par Melville).
Je suis d'accord avec toi : comme les polars ne sont pas concernés par l'Histoire avec un grand H (une certaine Histoire, d'ailleurs, plutôt unanimiste, comme tu dis), ils échappent mieux à la lourdeur que "L'armée des ombres".
Pour ce qui est de la couleur dans les films de l'époque, on peut peut-être placer aussi, aux côtés des titres cités, le "Playtime" de Tati...
Oui, tout à fait d'accord avec ce que tu dis. Pour l'histoire, le retournement, concernant la résistance, va intervenir un tout petit peu plus tard. Et L'Armée des ombres - même si Melville a des raisons personnelles dans l'affaire - est très représentatif, comme La Grande Vadrouille dans un tout autre genre, mais marque la fin d'un cycle de ce qu'a été le traitement de la résistance pendant un quart de siècle au cinéma. C'est également vrai pour l'histoire (en tant que discipline) qui va vraiment se pencher sur Vichy, montrer que la plupart des Français ont été, dans l'ensemble, passifs (soit ni collabos, ni résistants) à partir des années 1970. Que cela intervienne après le départ de de Gaulle, après mai 1968 et l'arrivée de nouvelles générations non issues de la résistance à maturité, et par des auteurs qui ne sont pas toujours Français, n'est pas un hasard.
Concernant Playtime, même si je ne suis pas un immense fan de Tati, c'est effectivement une pleine réussite esthétique - donc au niveau du traitement de la couleur.
j'ai quand même du mal à associer L'armée des ombres au "courant unanimiste" représenté par La grande vadrouille ou encore les films de René Clément.
Que je sache, L'armée des ombres ne dit pas que tous les Français étaient résistants. On a d'un côté un film d'auteur qui relate l'engagement du cinéaste dans les FFL et de l'autre des fictions SYMPATHIQUES et un brin démagogiques effectivement destinées à montrer que le Français de base était forcément résistant même s'il ne payait pas de mine (La bataille du rail, en voilà un film unanimiste...).
Melville ne généralise jamais dans son film, il se contente de filmer une poignée d'hommes et de femmes engagés dans un combat perdu d'avance. Ces hommes et ces femmes admirables ont existé, on peut quand même les célébrer dans notre cinéma! Le médiocre Lacombe Lucien est peut-être sorti après la mort de De Gaulle et la publication des travaux de Paxton mais ce n'est pas un film plus juste historiquement que L'armée des ombres...
Les films français héroïques sont quand même rares, ceux réussis le sont encore plus donc je trouve dommage de faire la fine bouche (oui, mettre 3/4 à L'armée des ombres j'appelle ça faire la fine bouche même si moi non plus je reconnais que la séquence londonienne arrive un peu comme un cheveu sur la soupe) alors qu'on avale sans sourciller leurs équivalents américains par quintaux.
Mais je le reconnais, je fais la fine bouche... Il existe des films qui éblouissent à l'adolescence et qui, revus bien plus tard avec ce souvenir, apparaissent un peu moins grands. C'est fut le cas pour moi avec L'armée des ombres, à qui j'ai donc retiré une "étoile", pour les raisons que j'ai tenté de développer dans ma note (et vous savez tous, d'ailleurs, que je ne sors pas le maximum de 4 facilement).
"Unanimiste", il est vrai que le mot ne colle pas si bien que cela (il va mieux à "La bataille du rail", mais : autre époque, autres buts etc... [après l'avoir découvert, il y a longtemps, je lui aurais mis 3, comme... Lacombe Lucien]). Melville, en effet ne dit pas que tous les Français étaient résistants. En revanche, tous les résistants qu'il filme le sont de la même façon et même si le nombre de personnages est assez restreint, le fait qu'il décrive cette organisation vers le haut, qu'il fasse apparaître De Gaulle ainsi, cela fait tendre vers la célébration. On pourrait alors dire, plutôt que "unanimiste", "commémoratif", avec les deux sentiments que cela procure : la nécessité de bâtir ce monument pour signaler la reconnaissance et la dette envers ces hommes et ces femmes (et la nécessité d'une certaine gravité) mais aussi la solennité un peu plombante, la rigidité de la forme...
on est d'accord.
Perso cette gravité me bouleverse au plus haut point mais bon, c'est clair que y a pas une once de légèreté dans ce film (mais ça vous choque plus que pour ses polars? c'est étrange...Le samouraï, Le cercle rouge, ce sont également des films très solennels).
Choqué, non, puisque c'est le style de Melville... Mais justement, c'est ce style, si particulier, qui fait la force et l'originalité des polars en question. Alors que dans L'armée des ombres, la solennité de la mise en scène redouble celle du "message". On va en quelque sorte dans deux directions opposées : dans Le samouraï ou Le cercle rouge, elle "élève" le film, dans L'armée, elle "l'alourdit" (cela dit en restant quand même dans les limites des réserves exposées ici : je ne veux pas faire de L'armée des ombres un mauvais film...). Bien sûr, on peut dire aussi que cette solennité est parfaitement adaptée...
et je dis!
Et je maintiens qu'historiquement, L'Armée des ombres constitue la fin du cycle cinématographique "unanimiste" sur la résistance avec les idées, justement, que la France aurait bien participé à la Seconde Guerre mondiale avec son importante "armée des ombres" - à qu'il s'agit de faire connaître la lumière - et appartiendrait donc, de facto et réellement, aux vainqueurs de celle-ci. Bien sûr, du point de vue de la qualité des films, il n'y a pas de comparaison entre un divertissement (que j'aime bien) comme La Grande Vadrouille, une effrayante catastrophe comme Le Père tranquille ou une grande oeuvre comme L'Armée des ombres (que je crois d'ailleurs, au-delà desdites qualités cinématographiques, pleinement honnête de la part de Melville).
Je pense même que la remise en cause historiographique est plus partielle qu'elle ne le semble. En traitant de la collaboration, on continue, même si on adopte la position de la mauvaise conscience, à se laisser croire que la France aurait joué un rôle important dans l'événement du siècle. En fait, à part quelques six semaines dans lesquels ses généraux ont montré tout leur savoir-faire stratégique, la France n'y participait pas et, d'un point de vue militaire et politique (quel que soit l'héroïsme de certains et l'horreur dont d'autres ont fait montre), tout ce que les Français ont pu faire n'a eu aucune influence sur le cours de l'histoire. Mais cela, en 2011 encore, n'est pas encore du domaine du pensable dans ce pays.
Je ne vais pas débattre d'histoire chez notre hôte donc je ne reviendrai pas sur votre dernier paragraphe mais permettez moi tout de même de dire que vous projetez vos fantasmes historiographiques dans un film d'auteur qui n'en demande pas tant.
La mythification opérée par Melville empêche justement justement la vision "unanimiste" d'une France majoritairement résistante. Les résistants de Melville sont des individualités fantômatiques, détachés de tout contexte social et donc de la France réelle. Ses personnages sont des êtres d'exception et ne représentent donc pas l'ensemble des Français, au contraire de Bourvil et Noël-Noël. Contrairement à ce que vous extrapolez, L'armée des ombres de Melville n'a rien "d'importante"; au contraire, son combat est présenté comme perdu d'avance, ce qui rend ses acteurs d'autant plus héroïques et leur sacrifice d'autant plus émouvant. Vous parlez de "vainqueurs de la Seconde guerre mondiale" mais on s'en fout puisque dans le film de Melville il n'y a pas d'autres vainqueurs que les Allemands.
Je dirais que le cycle unanimiste se poursuit au moins jusqu'à la série des "7e compagnie".
Sur le Melville, je suis globalement d'accord avec Christophe, sauf que j'aime aussi beaucoup le Malle. Il me semble quand même, j'ai revu le film il y a quelques mois, que si les personnages sont des êtres d'exception de part leurs choix et leur engagement, ils sont décrits précisément dans leur contexte social (métier, classe) mais en même temps, outre que cela correspond à une réalité historique, passe cette idée de ce qui les unit et transcende les différences.
Il me semble tout de même que Melville est gaulliste et qu'il partage la même vision de la résistance que de Gaulle, qui est celle d'une France résistante. Cette mythification de la résistance a eu son importance et il y a un cycle cinématographique qui va des films de Clément à celui de Melville ou à La Septième compagnie. Je pense que Melville a la volonté de sortir une "armée" (ce qui suppose qu'ils sont tout de même beaucoup) de l'ombre. Et je ne vois pas pourquoi un excellent film d'auteur (on est d'accord) ne supporterait pas une lecture historique, qui n'est pas forcément primordiale mais néanmoins intéressante.
Je en vous suivrai pas sur l'unanimisme du cinéma de la Résistance.je n'en ai pas la compétence,étant quand même moins "cinéphile".Je veux simplement dire que je n'ai vu L'armée des ombres que bien longtemps après sa sortie alors que le film étatit lui-même sorti 25 ans après la guerre.Bien du temps a donc passé depuis les faits mais ce qui reste,et c'est très rare pour les films que j'aime,je le trouve toujours aussi intéressant,en appréciant les silences et les nocturnes,les peurs et les modesties.
Beaucoup de choses dans vos derniers commentaires, en particulier ces réflexions "historiographiques", qu'il m'est difficile, personnellement de prolonger...
Je m'en tiens cette fois à un fil, parmi d'autres. Je rejoins plutôt Christophe à propos des individualités mises en avant par Melville. Je les vois, moi aussi, très détachées du contexte social. Sur le plan affectif, familial également (le seul détail qui éclaire ce dernier point participe uniquement de la dramaturgie : l'existence de la fille du personnage de Simone Signoret). Il n'y a quasiment aucune donnée biographique sur ces personnages (et, encore une fois, celles concernant Paul Meurisse font figure de "leurre") et nulle vie sociale autre que les activités clandestines. Ainsi, tous les personnages se retrouvent sous la même lumière. C'est l'une des façons d'unifier cette Résistance sous le regard gaulliste de Melville. Voilà une différence essentielle avec un film que nous n'avons pas évoqué jusque là : L'armée du crime, de Guédiguian.
Pour reprendre l'approche historiographique, je rejoins Antoine : je le suis sur la période et la représentation de la Résistance à laquelle appartient le film, sur le "tous les Français résistants" et donc sur la vision chère à de Gaulle.
Pour argumenter sur le "tous les Français résistants", il suffit de considérer la scène dans laquelle Jean-Pierre Cassel est recruté. On rentre dans un bar, on rencontre un bonhomme en cuir accoudé au bar, on lui demande si ça l'intéresse et ça l'intéresse... Il a certes une dégaine d'aviateur mais il a quand même l'air d'un gars lambda prêt quoi qu'il en soit à s’enrôler et œuvrer dans l'ombre.
Par ailleurs, j'avais trouvé intéressant ce que faisait Melville de l'Arc de Triomphe toujours refusé à "nos héros" (cf lien).
Oui Benjamin, bien vu cet Arc de Triomphe dont on détourne les Résistants !
Débat passionnant par ici ! Je n'en rajouterai pas, arrivant après la bataille (je suis un grand admirateur de Melville qui n'a réalisé quasiment que des chefs-d'oeuvre), mais Vincent, s'il-te-plait : inscris-toi sur twitter au moins pour annoncer tes notes, j'aurai plus de facilité à te suivre. J'y suis présent depuis un peu plus d'un an, c'est le média 2.0 par excellence, on y cause beaucoup de politique et d'actualité, mais il y a de la place pour le cinéma. Je t'y attends. Merci. :)
Julien : je suppose que ton clavier a fourché et m'a pris pour Vincent...
Twitter ça peut être tentant mais je suis déjà sur le gros réseau mondial d'à côté et je n'ai vraiment vraiment plus assez de temps pour m'engager ailleurs...