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Le poing point sur Honoré
J'en étais resté là, guère décidé à aller plus avant. Puisqu'il faut toujours se placer d'un côté ou de l'autre de la barrière lorsque l'on parle de ce réalisateur, j'ai accompagné le groupe des allergiques. Aujourd’hui, trois ans plus tard, la situation de Christophe Honoré est la même qu'alors, tout juste l'indifférence a succédé à la virulence chez la plupart de ses détracteurs. Les défenseurs, eux, continuent de trouver leur compte dans ce cinéma. Comme j’accorde du crédit à quelques uns parmi ces derniers, blogueurs, critiques ou spectateurs, l’idée de réactualiser ma position a fait son chemin peu à peu. La sortie en salles, au mois d’août dernier, d’un nouveau titre était l’occasion pour moi de faire le point, d’autant plus que je pouvais facilement profiter dans le même temps du prêt de deux DVD renfermant des films antérieurs.
Premier temps : Les chansons d’amour ou Le beurre et le cul de la crémière
Mon symptôme allergique semble se confirmer. La comédie musicale d’Honoré et Beaupain m’agace. "Le beurre, le cul de la crémière" est une expression que l’on entend dans l’une des chansons du film, peut-être la seule, d’ailleurs, à accrocher quelque peu l’oreille. Vouloir le beurre et le cul de la crémière, c’est quoi ?
C’est revendiquer, en disposant des signes de reconnaissance dans les moindres recoins, l’héritage de la Nouvelle Vague, mouvement qui se créa essentiellement contre le cinéma en place, alors que l'on propose soi-même une œuvre consensuelle, fédératrice, populaire.
C’est reprendre tous les tics du cinéma d’auteur parisien (la chanson française, les jeunes acteurs en vogue, les petits drames de chambres, la culture littéraire classique, le bon goût cinématographique, la classe sociale aisée) et jurer ses grands dieux que l’on est à cent lieues de ça, que l’on ne comprend pas pourquoi on passe aux yeux de beaucoup pour un réalisateur bobo.
C’est glisser des clins d’œil supposés nous assurer d’une certaine intelligence et d’une certaine culture, et enchaîner sur de sinistres pitreries (voir les gamineries consternantes du personnage de Louis Garrel).
C’est se lancer dans un plaidoyer pour l’hédonisme sexuel mais en rabotant tout ce qui dépasse, rendant le passage d’un partenaire à l’autre, quelque soit le genre, tellement souple et naturel qu’il en devient indifférent, inconséquent, qu’il n’engage aucunement.
C’est filmer des dialogues qui donnent l’impression d’être courageux et éloignés de toute correction, alors qu’ils servent au contraire à rassembler dans un même jugement, à rameuter, à véhiculer un double discours attrape-tout (engueulade dans la rue entre Louis Garrel et Chiara Mastroianni : - J’suis inconséquent, j’suis idiot, et puis, oh, j’suis pédé… - C’est pas c’que j’ai dit ! C’est dégueulasse de me faire passer pour la conne ! – Chut !).
C’est s’appuyer sur une musique de variété pop passe-partout qui puisse plaire à tout le monde et demander aux acteurs de chanter eux-mêmes pour faire naître une authenticité et une émotion particulière (le résultat étant surtout pénible pour les oreilles).
Ces Chansons d’amour m’indiffèrent et je suis à deux doigts de me décourager définitivement. Je donne tout de même à Honoré une dernière chance...
Deuxième temps : Les bien-aimés ou Comme la vie a passé vite, comme désormais tout est lent
Une fois encore, la chronique sentimentale se transforme à l’occasion en véritable comédie musicale. Par conséquent, les premières scènes font craindre la redite par rapport aux Chansons d’amour (l'affiche, déjà...) et l’on se dit que le cinéaste en est arrivé à se citer lui-même. Pourtant, malgré l’impression de faiblesse, de déjà vu et de facilité qui se dégage de cette partie années 60 d’une histoire qui se déroulera sur quatre décennies, l’énervement ne pointe pas. Tout d’abord, la part de cliché est assumée et comme le dit plus tard le personnage de Catherine Deneuve, "tout était plus facile à l’époque". Ensuite, Christophe Honoré a la bonne idée de ne pas entremêler artificiellement les époques et de garder, au-delà de deux ou trois interventions d’un autre temps, le fil chronologique. Au lieu d’avoir un film inégal, nous avons alors un film qui s’améliore progressivement.
Un film qui devient aussi plus profond. "Comme la vie a passé vite, comme désormais tout est lent" chante Deneuve. Au cours de la première partie, les enjambées sont grandes : de 1968 on passe à la fin des années 70 puis on effectue un grand saut par-dessus les années 80. Le regard est superficiel (et la reconstitution parfois très maladroite comme lorsqu’il faut évoquer la fin du printemps de Prague). Ensuite, parvenu à la fin des années 90, le récit se pose pour un bon moment et les bornes historiques se font plus rapprochées. On prend le temps de fouiller les caractères et de s’attacher aux personnages.
Finalement, tout cela n’est pas dénué de force romanesque. L’écriture paraît bien plus sérieuse qu’auparavant, bien qu’Honoré conserve bien sûr son goût pour les traits d’humour (ce n’est pas ce qu’il réussit le mieux) et les clins d’œil cinématographiques (assez bien intégrés cette fois-ci : la famille tchèque porte le nom de Passer, on cite un proverbe jadis illustré par Rohmer, etc.). Contrairement à ce qu’il se passait dans Les chansons d’amour où elle arrivait tôt et ne provoquait pas d’émotion (notamment parce qu’elle était filmée de manière trop décalée en termes esthétiques – arrêts sur images en noir et blanc de type reportage), la mort a ici un vrai poids et valeur de choc. Et si elle touche ainsi, c'est que les échanges font preuve d'une belle vitalité. Les personnages des Biens-aimés, toujours en mouvement, se retrouvent très fréquemment aux alentours de quelques gares. Leurs déplacements font bouger le film, leur circulation le rend fluide. Courant les uns après les autres, ils se livrent parfois à une sorte de harcèlement amoureux qui se révèle souvent payant. L'idée était en germe dans Les chansons d'amour avec la ronde qui s'organisait autour de Louis Garrel (l'attirance obsessive qu'éprouvaient, différemment, Chiara Mastroianni et Grégoire Leprince-Ringuet était l'une des rares choses chargées d'intensité).
Toujours inégales restent les chansons, comme les voix qui les portent. Elles sont toutefois plus espacées et sont donc reçues avec moins de fatalisme et par des oreilles plus attentives. Certaines, comme le duo franco-anglais (ou putôt américain), sont même (enfin) mémorables. L'aventure londonienne de Chiara Mastroianni, qui devient décisive pour toute une vie, est réussie et figure peut-être l'une des meilleures transpositions cinématographiques possibles d'une chanson des Smiths. L'effet est évidemment recherché par Honoré : ressemblance de Paul Schneider avec Morrissey, thème de l'amour impossible entre homo et hétéro, refrain claironnant "Heaven knows I'm miserable now" et T-shirt de Chiara siglé... The Smiths. Ces séquences libèrent une émotion qui ne retombera pas jusqu'au générique de fin, le cinéaste enchaînant alors en souplesse les sujets les plus casse-gueule (un discours sur le sida est rendu difficile à articuler car mis en français dans la bouche d'un Américain et l'évocation du 11 septembre 2001 se fait par un beau détour par Montréal).
Parsemé de beaux moments (la transition de Madeleine jeune - Ludivine Sagnier à Madeleine vieillissante - Catherine Deneuve, sous les yeux de sa fille Véra - Chiara) et de belles idées (le subtil changement de voix-off en cours de récit, la mère finissant par prendre en charge l'histoire de sa fille), Les bien-aimés est un film séduisant, au-delà de ses quelques défauts et de la faiblesse de sa première demi-heure. J'ai bien fait de persister.
Troisième temps : Non ma fille tu n'iras pas danser ou La recherche de l'équilibre
Chronologiquement placé entre les deux autres, Non ma fille tu n'iras pas danser l'est également sur une échelle qualitative. Scindé en deux, le récit joue aux montagnes russes pour véhiculer notre intérêt fluctuant. Le portrait de famille est peint en organisant autour d'une figure centrale, Léna (Chiara, toujours), divers affrontements. Malheureusement, regarder ceux-ci c'est, invariablement, porter un jugement sur les personnages, se placer d'un côté ou de l'autre, sentir qu'il y en a toujours un qui a plus raison que l'autre et, finalement, faire des choix en fonction de préférences (par rapport aussi aux acteurs qui les incarnent : aïe, Marina Foïs...). Il y a là un déséquilibre, accentué encore par cette manie agaçante qu'a le cinéaste de filmer des gens qui font les malins, que ce soit de manière perpétuelle (le frère s'exprimant toujours au second degré) ou occasionnelle (aucun n'échappe au plaisir du "bon mot"). Chez Honoré, le "léger" est le plus souvent futile, référentiel, ironique, jamais dupe. Non ma fille tu n'iras pas danser a aussi, fort heureusement, un côté plus "adulte" et plus "franc".
Une douleur secrète y serpente, comme le fait une musique plus lancinante et plus dramatique que d'ordinaire. Quelques plans légèrement troublants (des malaises, des frémissements) font passer des ombres et donnent de l'ampleur. On observe une dérive vers la névrose et cette instabilité est plutôt bien rendue par la mise en scène des déplacements imprévisibles, d'un foyer à l'autre, de Léna. Bien sûr, Non ma fille..., comme Les bien-aimés, doit énormément à Chiara Mastroianni, à son regard qui ouvre des failles mais qui, même dans l'affolement, ne nous inquiète jamais vraiment (à tort, ses personnages n'en revenant pas toujours) tant sa douce présence nous est familière.
Je n'oublie pas qu'en plein milieu du film, exactement, un passage fait inévitablement parler de lui. Un récit légendaire venu de la mémoire bretonne s'intercale tout à coup dans cette histoire de famille contemporaine. La séquence est longue, sans paroles mais gorgée de danses et de musique. Elle annonce aussi un souvenir qui sera raconté à la fin. Elle est peut-être ratée mais elle est gonflée. Cette audace-là ne manque pas de panache.
Situation actuelle
Ainsi, sans me muer en véritable défenseur d'Honoré, je note une amélioration de mon rapport à son cinéma et je quitte le camp des réfractaires pour rejoindre putôt, au milieu du gué, les rares observateurs qui, comme le voisin Mariaque (ici ou là), gardent calmement un œil sur cette affaire sans avoir ni la bave aux lèvres ni un genou à terre.
LES CHANSONS D'AMOUR
NON MA FILLE TU N'IRAS PAS DANSER
LES BIEN-AIMÉS
de Christophe Honoré
(France / 100 min, 105 min & 140 min / 2007, 2009 & 2011)
Commentaires
Christophe Honoré est l'un des réalisateurs les plus merdiques du cinéma français actuel!
Superbe article ! Et belle démonstration de courage de ta part... Redonner sa chance par trois fois à une telle enflure, voila qui prouve ta grandeur d'âme. Je fais partie du "camp des réfractaires", j'avoue. Faut dire que "Ma mère", "Dans Paris", "Les Chansons d'amour" (que tu détruis admirablement bien) et "Non ma fille tu n'iras pas danser" (avec lequel je te trouve quand même bien gentil), m'ont tous flingué et m'ont non seulement fait paumer un beau pacson d'heures, mais sans doute ont-ils en outre réduit mon espérance de vie en me démolissant plusieurs fois de l'intérieur. Je n'ai pas vu "Les bien-aimés" et le bien que tu en dis contribue sans doute à ce qu'un jour, quand il me passera sous les yeux, je le mate tout de même, mais jamais je ne ferai un geste pour me diriger vers ce film après tous les plaies que m'ont infligé les précédents Honoré. Seul "La belle personne" m'avait paru un peu moins misérable, et pourtant il était à chier :D
Réfractaire aussi, historique, légendaire déjà.
Sur "Non Ma Fille", on put lire:
http://eightdayzaweek.blogspot.com/2010/06/non-ma-fille-tu-niras-pas-danser.html
et sur "Les Chansons":
http://eightdayzaweek.blogspot.com/2010/03/quel-film-avons-nous-vu-ce-jour_7442.html
Je salue aussi, à l'instar de Rémi (lui offrant ainsi, le temps d'une note, la famille dont la littérature veut qu'il soit dépourvu) votre courage réévaluateur, enclin que j'ai moi aussi parfois pour certains honnis (Wachowski bros, par exemple, Snyder,...) mais dont le pauvre Honoré ne jouira cependant pas (je crains qu'il n'en attende légitimement rien toutefois), le courage me manquant là par trop. Faut pas déconner.
Je vois que mon discours centriste n'est pas très rassembleur...
Un seul film (et un peu à part, de surcroît : "La belle personne"), c'était trop peu pour que je continue avec assurance à me considérer comme un opposant farouche. Si la découverte des "Chansons d'amour" semblait conforter mon jugement négatif, j'avais tout de même cette petite curiosité pour "Les bien-aimés", appréciés par des gens dont l'avis n'est pour moi pas négligeable (FredMJG ou les gars de De son coeur le vampire) et mieux supporté que d'habitude par quelques réfractaires historiques comme Positif (Les Cahiers "nouvelle génération" se sont aussi fendus d'une note "en demi-teinte"). Et le fait est que j'y ai trouvé, pour la première fois, enfin, des choses qui fonctionnent bien. La présence de Chiara Mastroianni n'est pas non plus pour rien dans ma bienveillance et fait le lien avec Non ma fille, vu à la suite, film moins bon, plein de défauts mais pas repoussant à ce point.
D'Honoré, je ne connais pas les 3 premiers films (ni Homme au bain). Dans Paris n'a pas mauvaise réputation, même chez la plupart des réfractaires. Mais je m'arrête là, au milieu, donc (de peur de basculer de l'autre côté ? :)). Et puis répondre à la question "T'aimes Honoré, toi ?" ni par "C'est génial", ni par "C'est de la merde", mais par "Bof, je trouve ça moyen en fait", ça c'est vraiment être rebelle !!! :)
Cher Mariaque, en lisant vos notes globalement négatives mais honnêtement construites en soupesant "pour" et "contre", j'avais senti une inclinaison plus prononcée qu'elle ne l'est en réalité, d'après ce que vous dites, à la réception dépassionnée de l'œuvre de l'ancien cahiériste. Pas de quoi, cependant, modifier les mentions qui se trouvent dans le dernier paragraphe de mon texte. Si ?
Films branchouilles, parisiens, bourgeois, etc. Oui, sans doute, et très certainement même. Il n'empêche que j'ai aimé La Belle Personne (Léa Seydoux n'y est sans doute pas étrangère, elle qui n'a jamais été aussi belle que dans ce film) et suis donc parti avec un a priori positif sur Honoré. J'ai vu les mêmes films que toi et, finalement, mon niveau d'enthousiasme est égal au tien. Un peu plus, peut-être, grâce à La Belle Personne. Mais pas beaucoup plus. Pourtant, j'adhère à tout ce que tu analyses dans Les Chansons d'Amour. On peut même le généraliser à son cinéma. Mais, étant moins cérébral que toi et d'autres (Orlof) au cinéma, il m'arrive parfois de passer outre les imperfections et de m'attacher à certaines oeuvres (encore La Belle Personne). Donc oui, Honoré, y s'la pète, c'est un vrai petit-bourgeois dans sa vision du monde, et en plus il est limité dans son expression. Oui. Mais il a un petit côté romanesque qui arrive, parfois, à faire oublier ses manières.
Cher Ed,
Je confesse cette vile gourmandise à conspuer aujourd'hui (par "aujourd'hui" j'entends bien le "à froid" que vous avez compris) peut-être plus politiquement qu'intrinsèquement.
En même temps c'est aussi un acte politique que de faire du cinéma comme Honoré en fait, non ?
A ce titre nous n'aurions donc pas voté pour le même larron à la primaire socialiste mais j'aurais mieux envisagé ses arguments (avec leurs possibles faiblesses) au sortir de l'isoloir que maintenant (que tout est joué et vanté comme unanime)...
Julien : Le côté romanesque, c'est ce qui sauve, à mon sens, Non ma fille et Les biens aimés. Il y a là une ampleur, géographique, temporelle, émotionnelle, absente des précédents, où le romanesque ne semble qu'un emprunt parmi d'autres, où la mort n'a aucun poids. Honoré s'y découvre un peu plus et parvient en effet, par moments, à faire oublier ses petits trucs, ses manières agaçantes. Si notre hiérarchie n'est pas la même à l'intérieur du corpus et si tu parais plus bienveillant que moi (mais il m'arrive à moi aussi de m'attacher à des œuvres imparfaites), nos avis semblent effectivement assez proches sur la globalité.
Mariaque : A mon avis, Honoré ne vous aurait pas dit pour qui il a voté réellement et c'est bien là le problème avec lui. Il refuse l'évidence, s'offusque (récemment encore dans Télérama) qu'on le prenne pour le cinéaste bobo parisien typique. Ce n'est pas le premier à peindre uniquement des gens issus de ce milieu-là, mais comme il n'est ni dans la critique acerbe, ni dans l'observation méthodique et sincère, il donne l'impression de ne s'y attarder que parce qu'il s'y sent bien, confortablement installé (mais, encore une fois, il ne veut pas l'admettre). Il n'a qu'à l'accepter une fois pour toutes et mieux aiguiser son regard.
Edouard, tu sais, avec une position centriste, on croit qu'on réconcilie tout le monde et, en fait, tous sont contre soi...
Plus sérieusement, je m'étonne qu'Honoré soit l'un des cinéastes les plus controversés aujourd'hui. Je comprends parfaitement qu'on puisse ne pas apprécier ses films mais je n'arrive pas à admettre la pertinence de la remise en cause politique. Il reste certes attaché à un milieu mais ne prétend pas signer un cinéma produisant un véritable discours social (partiellement sociétal, oui). La lutte des classes n'est pas au cœur de ses préoccupations et ses héros sont toujours individualistes - ou romantiques. C'est d'ailleurs pour cela que la façon dont il intègre et évacue, dans un même mouvement, Printemps de Prague et 11 septembre 2001, dans Les Bien-aimés me semble à la fois assez fine et représentative de son geste. Par contre, dans le même film, il faudra m'expliquer pourquoi il tient à signaler que Chiara Mastroianni est professeur.
D'une certaine manière, c'est la même chose avec Woody Allen qui a presque toujours situé ses films dans le même milieu socio-culturel, sans vraiment le remettre en cause (bien qu'il lui arrive de s'en moquer - et de lui-même avec). En fait, j'ai l'impression qu'on reproche à Honoré de laisser penser à une certaine orientation politique (dois-je comprendre qu'il aurait voté la même chose que moi aux primaires PS ?) sans que celle-ci ne soit fondamentale dans ses oeuvres. Personnellement, cela ne me dérange pas et je ne trouve pas qu'il y ait tromperie sur la marchandise.
Personnellement, je ne dirai pas qu'il y a tromperie mais double discours, chez Honoré : il met en avant son côté rebelle mais ce que le public retient de ses films, c'est au contraire le confort (social, esthétique etc.). Et tu as raison, Antoine, de citer Woody Allen, mais au moins, lui, il assume entièrement le caractère "bourgeois" de son cinéma (et en y travaillant tranquillement peut à l'occasion apporter un peu de subversion ou d'auto-dérision)
(PS : L'évocation/évacuation du 11.09.01, ça marche, mais celle du Printemps de Prague, pas du tout : ce plan de trois secondes sur le soldat russe qui abat la fille, mon dieu...)
Je laisse de côté Les bien-aimés, pas vraiment aimé (séquence 60's-70's ratée, pour la première fois, Ludivine vautrée), et Les chansons, appréciées mais à revoir.
Non ma fille est le film que je préfère d'Honoré car il n'exerce pas sur le spectateur la séduction que vous reprochez parfois : rien de vraiment pop ou bobo, rien de confortable dans cette histoire. Sombre, audacieux, superbement amené par ses acteurs. La scène centrale est une rupture radicale et magnifique (pourquoi ratée selon toi Edouard ?). Magnifique car elle ouvre un gouffre fantastique où s'abîme tout ce que l'on a pu jusque-là pensé du récit. Magnifique parce qu'elle emporte ses personnages et nous avec.
Si, sur les pages de La Kinopithèque, la bave a coulé (Dans Paris peut-être ?), c'est qu'il s'agissait d'y diluer le venin ailleurs craché, mais je ne crois pas que l'on se soit montré immodérément élogieux comme en témoignent d'ailleurs nos réserves concernant La belle personne et nos réticences à voir L'homme au bain...
Hum... "Non ma fille" opère certes un déplacement mais géographique (ce qui, c'est vrai, déboboise un peu le propos) et non social. Il y a aussi un changement musical, effectivement, que j'ai apprécié, qui donne plus d'ampleur, qui colle mieux au sujet.
Pour la séquence centrale, j'ai (mal) écrit "peut-être ratée" en me faisant l'écho d'autres réactions que la mienne. Pas mal de gens l'ont trouvé déplacée. C'est vrai qu'elle détonne, qu'elle en appelle au pittoresque etc. Mais elle devient assez belle par sa durée excessive et inattendue, par son mutisme. Toutefois, je ne suis pas sûr qu'elle entraîne à ce point la deuxième partie vers des sommets. Je me répète mais j'ai plutôt trouvé le film inégal sur toute sa durée.