Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

80s

  • Le Cœur du tyran (Miklos Jancso, 1981)

    **

    Un jeune prince élevé en Italie est rappelé chez lui à la mort de son père. Sa mère, étrangement plus jeune que lui, semble atteinte de démence. Son oncle ambitieux ne cesse de mentir. Son ami italien (Ninetto Davoli) ne sait plus où donner de la tête au milieu des hongroises nues. Des acteurs multiplient les intermèdes. Les Turcs s'en mêlent. Sous-titré "Boccace en Hongrie", le film paye sa dette au théâtre. Même s'il recoupe toutes les préoccupations de Jancso, l'obscur scénario n'a pas grande importance, tant les revirements, les résurrections, les changements de ton sont nombreux, en un éclat de rire. L'artifice est assumé jusqu'au bout : chacun avoue finalement avoir tenu un rôle, avoir joué la comédie. L'intérêt du film est purement de mise en scène. L'imagination de Jancso paraît sans limite pour trouver d'étonnantes solutions visuelles rendant ce théâtre (tout est filmé en studio) parfaitement cinématographique. Limité par la réalité, le décor devient à l'écran mouvant, flottant, insaisissable, la caméra ne cessant de glisser latéralement tout en jouant de la profondeur grâce au zoom ou aux amorces. Les acteurs, aux réapparitions parfois stupéfiantes en bout de plan, glissent eux aussi pour achever de donner cette impression de rêve (avant un retour brutal à la réalité et à l'extérieur).

  • Christine (John Carpenter, 1983)

    ***
     
    Je ne l'avais jamais vu et c'est super. Comme avec "Halloween", il y a cette sensation d'être vraiment au cœur de l'Amérique, de ses obsessions, par les lieux filmés et par les thèmes entrecroisés, dont le principal, la virilité derrière le volant, est particulièrement bien modulé (d'ailleurs, Christine tue toute seule). La richesse thématique, la pertinence du regard parfois critique, l'énigme absolue de l'inanimé diabolique, tout cela est sans doute déjà chez King. Carpenter y ajoute sa précision dans la caractérisation (notamment à travers une non-héroïsation des corps, qui ne font que chuter, se blesser), son efficacité narrative (qui ne passe pas forcément par le spectaculaire, voir toute la première partie) et surtout la superbe horizontalité de sa mise en scène (les premiers plans, dévolus à la chaîne de montage, disent tout ce que sera le film). Le maintien du mystère fait que les séquences de reconstruction ne prêtent jamais à sourire, tandis que celles de destruction laissent affleurer juste ce qu'il faut les notions "humaines" de viol ou de meurtre. Cerise sur le gâteau, on peut qualifier le film de pré-lynchien (puisque, à ce moment-là, Lynch n'était pas encore arrivé dans la "petite ville ouvrant sur un gouffre"), cela avant même l'apparition, décisive pour ce rapprochement, d'Harry Dean Stanton. Certes, le travelling avant final sur le bloc automobile compressé fait avant tout figure de coda sur la persistance du Mal, mais je le relie aisément au phénomène d'aspiration vers l'oreille coupée de "Blue Velvet" ou vers la boîte bleue de "Mulholland Drive".

  • Les Griffes de la nuit (Wes Craven, 1984)

    **
     
    A 13 ans, pas moyen que je me mette devant le film d'où étaient tirées des images extrêmement flippantes. A 53 ans, ça va. Les séquences horrifiques sont à la fois marquantes et originales. Celles qui les entourent sont correctes. L'idée de départ et son développement font évidemment la force du film, d'autant plus qu'un lien habile est tissé avec cette histoire de virée punitive contre le tueur Freddy, entraînant donc vers une sorte de vengeance à tiroir. Importante aussi, la tranche d'âge des victimes : à l'époque de la sortie, les cauchemars pouvaient passer pour des châtiments contre la débauche, alors que, maintenant, il est difficile de ne pas penser à un fléau comme le sida, qui allait bientôt frapper toutes les consciences. A part ça, tout le monde sait que Johnny Depp faisait là ses débuts mais personne ne m'avait mentionné la présence de Ronee Blakley, en mère de famille pas plus équilibrée que, dix ans plus tôt, Barbara Jean, la chanteuse star de "Nashville"...

  • Brazil (Terry Gilliam, 1985)

    ****
     
    Pas revu depuis très longtemps, je ne me souvenais plus que c'était aussi un excellent film de Noël. Ça reste le sommet de Gilliam, qui ne combinera plus jamais à ce point inventivité et cohérence (allez, si on veut, ça pourrait être un poil plus court que ces deux heures et quart). Et comme disait Michael Palin, c'est quand même le premier film à avoir donné son titre à un pays.

  • Bona (Lino Brocka, 1980)

    ***
     
    Il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour y entrer totalement, pour me réhabituer au style de Brocka, qui expérimente encore autour d'une base de mélodrame populaire. Au bout d'un moment, la force du personnage de Bona devient celle du film, et inversement, totalement entremêlées. Par ailleurs, Brocka, tout en restant concentré sur l'héroïne et son "couple", parvient à dresser un tableau social d'une richesse incroyable en un film si court (et même ce salaud de petit acteur égoïste garde son humanité). Belle découverte, quelques années après celles de Manille et Insiang.

  • Femmes au bord de la crise de nerfs (Pedro Almodovar, 1988)

    **
     
    Comme c'est le film de la consécration internationale, j'étais resté sur l'idée d'un assagissement et d'un lissage, et c'est vrai qu'Almodovar arrondit les angles par rapport aux six premiers. Il n'en est pas moins audacieux, dans l'approche visuelle et dans la narration qui renvoie constamment à d'autres référents (jusqu'à ne faire par exemple de l'amant qu'une sorte de projection venue d'un roman feuilleton). J'avais oublié aussi la dimension très théâtrale de la chose, direction décidément très prisée par les cinéastes des années 80 et pas les plus mauvais. Tout ça m'a laissé un peu à distance et je pense toujours préférer les deux précédents. Mais Carmen Maura, qui apparemment s'est un peu fâchée avec Almodovar à ce moment-là, est assez géniale.

  • Le Pacte (Clive Barker, 1987)

    *
     
    Pas terrible ce film culte que, pas vraiment fan d'horreur, j'avais soigneusement évité à l'adolescence. L'aspect le plus intéressant est cette passion contre nature de la femme et du beau-frère revenant d'entre les morts et se reconstituant lambeau par lambeau. En revanche, dans cette narration décousue, ou dépecée, il m'a semblé que les portes infernales ouvraient sur des abominations ayant mal vieilli et que l'histoire de la fifille à papa était bien superflue, jusqu'à un dénouement particulièrement couillon.

  • Mortelle Randonnée (Claude Miller, 1983)

    ***
     
    Pas revu depuis trois décennies ce polar français parmi les plus insolites, parvenant à homogénéiser des éléments très disparates, des changements de registre et de décor. C'est d'ailleurs l'un des meilleurs exemples de transposition réussie d'un univers américain à notre environnement, le voyage à travers l'Europe remplaçant sans problème une déambulation états-unienne.
    Deux imaginaires croissent en parallèle, celui de L’œil et celui de Catherine, avec cette remarquable utilisation de la voix off, dont on n'est pas toujours sûr qu'elle le soit vraiment (certains personnages finissent par dire à L’œil : "Vous parlez tout seul ?").
    Bizarrement, j'ai parfois pensé au Gould du Privé devant Serrault, qui grille beaucoup de cigarettes et qui a tendance à quitter ses interlocuteurs en marmonnant, en se parlant à lui-même, comme le Marlowe d'Altman. Serrault qui était, même entre deux conneries, dans une sacrée période (Garde à vue, Les Fantômes du chapelier, et peut-être, à revoir, Malevil), qui parvenait à créer des personnages incroyables tout en lâchant des petites gestes, des petites expressions, des petits rires, n'appartenant qu'à lui. Ici, quand il "entre" enfin dans la photo, il sort du cadre, c'est très simple et émouvant.