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gilliam

  • Monty Python : Sacré Graal ! (Terry Jones et Terry Gilliam, 1975)

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    En France, à la même époque, on avait les Charlots qui faisaient les mousquetaires chez Hunebelle... Mais même avec le cinéma de tous les imitateurs des Monty Python, jusqu'à ceux d'aujourd'hui, on mesure l'immensité du gouffre. La première différence est celle de la hauteur de vue. Sans que jamais l'humour ne disparaisse derrière l'ambition ou une recherche trop intellectuelle (il peut souvent rester très "bas", scatologique par exemple), on voit bien que les gars cherchent à dialoguer avec Pasolini, Buñuel ou Ferreri, alors que leurs suiveurs, la plupart du temps, ne vont se rapprocher que des figures et des signes les plus faciles et les plus superficiels de leur époque (au pire : la publicité). Rien n'est fait, ici, pour "plaire à tout le monde", aucun dérapage absurde n'est créé pour citer un nom connu, l'anachronisme ne surgit que pour le plaisir du gag (la police qui enquête) et non pour rameuter les spectateurs avec du contemporain à la mode. La grande force des Monty Python, c'est leur nombre. A six, ils peuvent tout faire. Il peuvent donc créer un univers qui leur est propre, qui n'existe que par eux, qui ne se réfère à aucun autre (on parle là des chevaliers de la table ronde, c'est tout : aucune séquence ne renvoie à un film précis qui aurait précédé sur le sujet). Quand d'autres ont besoin du renfort de célébrités, ou de béquilles thématiques contemporaines, eux produisent une œuvre totalement autonome. De plus, ils savent tourner l'inconvénient du budget limité en avantage (gag initial puis recurrent des noix de coco pour faire le cheval) et ne se laissent jamais aller à négliger le style. Les idées originales de cadrage, de montage, de tempo, abondent. Cela donne une narration totalement libre, chamboulée encore par les géniales animations de Gilliam, qui déboulent sans crier gare, parfois pour couper dans les scènes elles-mêmes. Jamais, ainsi, le film n'apparaît comme une succession de sketchs. Il y a peut-être, sans doute, des moments plus drôles que d'autres mais l'unité obtenue, en même temps que la constante imprévisibilité du déroulement des séquences, nous empêche de nous limiter à élire tel ou tel gag, telle ou telle réplique. Le film est un tout, on le prend. 

  • L'imaginarium du Docteur Parnassus

    gilliam,grande-bretagne,fantastique,2000s

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    Bien sûr, on ne peut pas dire que L'imaginarium du Docteur Parnassus soit une éclatante réussite. C'est même, si l'on veut, un ratage. On grimace devant certains choix esthétiques, on entend plusieurs rouages couiner, on s'ennuie parfois, et surtout on observe Terry Gilliam qui bataille ferme, dans l'incapacité de se rapprocher des mémorables Brazil et Munchausen. Mais ce ratage a quelque chose de touchant. Le cinéaste, dès les années 80, n'eut de cesse d'avancer péniblement contre des vents contraires et ici, une nouvelle fois, il fut servi, avec la mort en plein tournage de son acteur principal. Sans doute Gilliam sait-il jouer, par ailleurs, de cette image d'artiste à l'imagination fabuleuse bridée par les financiers et les évènements malchanceux, mais il est intéressant de voir comment cette friction transparaît maintenant assez clairement dans son cinéma (si tant est que cet opus soit représentatif de l'œuvre récente de Gilliam, car je ne connais ni Tideland, ni Les Frères Grimm).

    Les scènes introductives montrent la mise en place laborieuse, décalée, incongrue, du petit cirque du Docteur Parnassus. Sa mini-troupe se déplace en roulotte, se pose et monte sa scène désuète et encombrée sur les parkings des night clubs londoniens, créant ainsi, par sa simple apparition dans le paysage, une trouée dans le présent, un saut en arrière dans le temps (et ce que ce spectacle propose est bien sûr plus étonnant encore : un saut dans les rêves de chacun). Cet écart donne tout son sel à la première partie.

    La construction de l'ensemble étant particulièrement chaotique, nous sommes menés par la suite vers un long tunnel central moins inspiré (la rencontre du groupe avec le personnage de Heath Ledger) puis vers un dernier segment pas beaucoup plus enthousiasmant. Pour les séquences fantastiques qu'il ne put tourner avec lui, Gilliam a eu l'excellente idée de remplacer Ledger successivement par trois acteurs différents. Il faut dire cependant que notre intérêt, au fil du récit, suit à peu près la même courbe descendante que celle dessinée par ce défilé : on tombe en effet de Johnny Depp à Jude Law puis à Colin Farrell... En revanche, pour rester du côté de l'interprétation, on apprécie sur toute la durée, dans un rôle diabolique, un Tom Waits pas forcément indigne de Walter Huston chez Dieterle, cabotinage effréné compris.

    A l'aise pour rendre l'agitation, réussissant plusieurs séquences de cohue, Gilliam fait toutefois, en quelques endroits, pencher dangereusement son véhicule à force de surcharge plastique. Il agglomère quantité d'éléments disparates : le numérique côtoie le trucage à la Méliès, l'imaginaire pur se déploie près des spectacles les plus basiques, archaïsme et modernité s'opposent constamment, le beau succède au laid. Cela ne fonctionne pas toujours, loin de là, et il ne reste parfois que l'imagerie. Ou le ressassement, comme avec ces variations autour d'anciens intermèdes monty-pythonesques à base de destructions soudaines, de policiers en bas résilles et de changements d'échelle. L'usage fréquent, au-delà du nécessaire et du raisonnable, de focales déformantes est plus intéressant. Un certain malaise naît de ces images, la surface, ailleurs un peu trop lisse, prend un étrange relief et la monstruosité n'est pas loin.

    Terry Gilliam semble à nouveau nous chanter les louanges des raconteurs d'histoires. Le Docteur Parnassus, comme lui fait remarquer sa charmante fille, ne finit jamais les siennes. Ne pas les finir (ou qu'elles n'aient ni queue ni tête) est une chose mais les commencer n'importe quand et n'importe comment en est une autre. Et Gilliam, sur ce plan-là, n'est guère regardant...

    Tout compte fait, la foi et la pugnacité du réalisateur de L'armée des douze singes me lui font pardonner bien des errements narratifs et des impasses esthétiques. Sans doute accentuée par le dédain exprimé depuis quelques années par nombre de commentateurs à son encontre, ma bienveillance, finalement, se rapproche de celle que j'ai pu assumer dans les premiers temps de ce blog à propos d'une autre gloire de la fin du siècle dernier, Emir Kusturica.

     

    imaginarium00.jpgL'IMAGINARIUM DU DOCTEUR PARNASSUS (The imaginarium of Doctor Parnassus)

    de Terry Gilliam

    (Grande-Bretagne - Canada - France / 123 mn / 2009)

  • C'était mieux avant... (Février 1985)

    Janvier est déjà passé depuis un moment, non ? Alors il faudrait peut-être penser à poursuivre notre odyssée temporelle et voir ce qui se tramait dans les salles obscures de notre doux pays en Février 1985 :

    bodydouble.jpgLe film du mois ? Certains, que l'on qualifiera de De Palmophiles, vous diront à coup sûr qu'il s'agit de Body double. Malgré la craquante Melanie Griffith, ce titre de l'inégal barbu n'a jamais provoqué chez moi autre chose qu'un léger soupir, que ce soit au moment de sa sortie ou à la revoyure, une dizaine d'années plus tard. Bizarrement (ou pas), j'ai fini par le confondre avec le clip de Frankie Goes To Hollywood, Relax. Non, le film du mois, qui l'est resté pour moi de 1985 à aujourd'hui, est bien le Brazil de Terry Gilliam, aventure plus orwellienne encore que le 1984 de Michael Radford (sorti peu de temps auparavant) et pierre angulaire de ma cinéphilie. Pour la première fois, l'ex-Monty Python semblait trouver les moyens de concrétiser ses incroyables visions et proposait un phénoménal ballet futuriste noir et hilarant, dont l'hallucinant final allait longtemps faire mon bonheur de possesseur de magnétoscope.

    Dune aurait dû créer le même choc. A l'époque, j'étais plutôt attiré par la présence de Sting sur l'écran (de David Lynch, il me semble que je ne connaissais même pas encore Elephant Man) et me trouvais vaguement déçu. Revu au début des années 2000, le film m'a paru une catastrophe à peu près totale. Quelques fulgurances, un baron volant, un son très travaillé et c'est tout. Le reste n'est que charabia, forces invisibles, laideur généralisée, narration à la ramasse, musique abominable (Toto !). Tant que je suis au rayon SF, je dois mentionner quelques titres, laissés passer sans regret : L'aventure des Ewoks de John Korty (production LucasFilm dérivée du Retour du Jedi, à destination des enfants et dont même les fans hardcore de Star Wars semblent vouloir oublier), C.H.U.D. (Cannibale. Humanoïde. Usurpateur. Dévastateur.) de Douglas Cheek (tout est dans le sous-titre) et Star Trek III : A la recherche de Spock, signé par Leonard Nimoy en personne.

    purplerain.jpgOn était aussi, en ce temps-là, A la recherche de Garbo. Sans que cela paraisse ajouter à sa gloire, Sidney Lumet filmait Anne Bancroft qui se mourait d'un cancer et rêvait de rencontrer la Divine. Des États-Unis parvenaient également quelques produits plus indépendants comme Alphabet City (Amos Poe) et Variety (Bette Gordon), une sorte de bêtisier hollywoodien titré Hollywood Graffiti (Ron Blackman et Bruce Goldstein) et un retour classique sur la grande dépression avec Les saisons du cœur (de Robert Benton, avec Sally Field et Ed Harris). Mais n'oublions pas Purple rain d'Albert Magnoli, film supposé lancer le chanteur Prince au cinéma. Le but ne fut pas atteint, seule la B.O. restant dans les mémoires.

    Deux dessins animés sortaient sur les écrans en ce mois de février. Le Suédois Peter le chat, de Stig Lasseby et Jan Gissberg, n'a guère laissé de traces. En revanche, il semble qu'avec Gwen, le livre de sable, Jean-François Laguionie ait offert une belle réussite dans le genre SF.

    perilenlademeure.jpgSur notre lancée, abordons les films français. Découvert pour ma part bien après sa sortie, Péril en la demeure, le polar voyeuriste de Michel Deville (avec Christophe Malavoy, Nicole Garcia, Michel Piccoli, Anémone et Richard Bohringer) me séduisit. Il en va de même pour La vie de famille de Jacques Doillon, probablement le premier film de cet auteur que j'ai pu voir et qui me surprit alors totalement devant ma télévision avec ce fragile récit d'une relation père-fille. L'événement national était cependant à chercher plutôt du côté de L'amour braque. Andrzej Zulawski y faisait tournoyer Sophie Marceau entre Francis Huster et Tcheky Karyo, apparemment de manière plus ou moins scandaleuse (je n'ai malheureusement jamais vérifié). Parmi les autres sorties du mois battant pavillon français, on notera L'amour en douce d'Edouard Molinaro (comédie assez bien reçue, avec Jean-Pierre Marielle et Daniel Auteuil, et révélant Emmanuelle Béart), Les Nanas d'Annick Lanoë (avec Marie-France Pisier, Anémone, Dominique Lavanant, Macha Méril, Juliette Binoche... et pas un seul mec), La part des choses de Bernard Dartigues (un documentaire sur une famille d'agriculteurs), Le thé à la menthe d'Abdelkrim Bahloul (comédie dramatique entre France et Algérie), Tranches de vie de François Leterrier (film à sketches d'après Gérard Lauzier, de bien mauvaise réputation). Enfin, une convergence semble se faire entre trois œuvres, trois films-jeu aux trames relâchées et ludiques : Signé Charlotte de Caroline Huppert, Rouge-gorge de Pierre Zucca, et, le plus allêchant du lot, Les favoris de la lune, premier film français du Géorgien Otar Iosseliani.

    heimat.jpgLe film de kung-fu mensuel se nommait La conspiration de Shaolin (de Roc Tien), du Brésil, débarquait O amuleto de Ogum, un thriller de 1974 signé par l'ancienne gloire Nelson Perreira dos Santos et deux propositions ouest-allemandes étaient faites : comme son nom l'indique, Out of order... En dérangement (de Carl Schenkel, un huis-clos dans un ascenseur) et, d'un tout autre intérêt, Heimat, la chronique fort réputée d'Edgar Reitz initialement concue pour la télévision (affichant une durée totale de 15h). Enfin, il reste dans cette liste un titre, et non des moindres, vu le succès qu'il obtint à l'époque : La déchirure du Britannique Roland Joffé. Bien qu'elle ne soit probablement pas dépourvue de quelques qualités, je n'ai guère envie de revoir aujourd'hui cette œuvre édifiante sur les atrocités des Khmers Rouges. Il faut dire que son final est susceptible de dégoûter à jamais de la musique de John Lennon, tout le contraire de Gilliam et son Braaaaziiiiil....

    ecranfantastique53.jpgEn ce qui concerne les couvertures des revues et autres magazines cinéma, les choix étaient variés. Dune apparut "monumental" à L'Ecran Fantastique (53), La vie de famille fut mis en avant par La Revue du Cinéma (402), Les favoris de la lune eurent les honneurs des Cahiers du Cinéma (368), après avoir profité de ceux de Positif un mois plus tôt, lesquels prenaient un peu d'avance en saluant Théo Angelopoulos et son Voyage à Cythère (288). Deux films de janvier se retrouvaient par ailleurs à la une : The element of crime de Lars Von Trier sur celle de Cinéma 85 (314), et le Razorback de Mulcahy sur celle de Starfix (23). Enfin, Cinématographe (107) publiait un dossier sur "Les écrivains et le cinéma" tandis que Première (94) mettait en couverture Isabelle Adjani (pour l'imminent Subway).

    Voilà pour février 1985. La suite le mois prochain...

     

    Pour en savoir plus : C.H.U.D., Dune et Star Trek III vus par Mariaque, Heimat vu par Eeguab.