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suède

  • Edvard Munch

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    Peter Watkins faisant un cinéma d'interpellation, souvent ardu, la possibilité de la rencontre nécessite une disponibilité et une attention sans faille de la part du spectateur. Ayant assisté fatigué à une projection des deux heures quarante cinq de la version cinéma d'Edvard Munch, je dois au film une revanche car je n'ai pu l'apprécier comme je l'aurai souhaité et comme, je le soupçonne, il le mérite. Voici tout de même ce que j’en retiens…

    Commençons par dire qu'avec ce si singulier biopic de Munch, Peter Watkins rend l'acte de peindre comme rarement cela a été (ou sera ultérieurement) fait au cinéma. Le contact entre la toile et le pinceau (mais aussi le couteau, puis entre le ciseau et le bois, entre l'instrument de gravure et la plaque...) est filmé au plus près pour que soit transmise la sensation de la matière travaillée, au point que la notion de couleur est ici moins importante que celle d'épaisseur. Munch est un peintre qui s'acharne à superposer et à effacer, qui ajoute des détails pour mieux les recouvrir, qui donne à voir des visages indéterminés.

    La mise en scène recherche une sorte d’équivalence à cet art. Les décors sont repoussés hors du cadre par la focalisation sur les visages et, dans les nombreuses scènes à deux personnages, les zooms permettent de faire le point sur l’un tout en laissant l’autre dans le vague. En ces occasions, les visages sont donc rendus aussi flous que dans les tableaux. Les couleurs dans l’image subissent elles aussi une désaturation comparable à celle qui est à l’œuvre chez le peintre. Elle touche jusqu’au rouge du soleil couchant, aux couleurs primaires des robes des danseuses du music hall.

    Munch est un artiste qui, pour chaque tableau, progresse à travers l’établissement de couches successives, techniquement mais également "psychologiquement", puisqu’il y fait remonter ses blessures familiales (une enfance dramatique où l’ombre de la mort aura été omniprésente) et amoureuses. Et Watkins va faire de même pour structurer son film. Le son, tout d’abord, est traité de manière particulière. Plusieurs pistes se succèdent ou se mêlent : le son de ce qui se déroule à l’écran, les données biographiques classiques d’un récitant, la lecture d’extraits d’un journal écrit par Munch lui-même… Déjà complexe de par ses sources multiples et ses différences de niveaux, cette bande son ne raccorde pas toujours avec l’image et des chevauchements se créent, parfois même des oppositions ou des dissociations. Le montage s’y met aussi. Des flashs-backs, presque subliminaux à certains endroits, comme autant de réminiscences, viennent constamment s’insérer et bouleverser la linéarité du récit. Le plus souvent, une friction se fait ainsi entre des images de la passion amoureuse et celles de l’enfance douloureuse. On ne compte plus les plans de la sœur de Munch mourante qui se voient accolés à ceux évoquant la relation du peintre avec sa maîtresse, prolongeant l’angoisse jusqu’à ces séquences pourtant lumineuses. Il n’est pas excessif de qualifier Edvard Munch de film morbide.

    Les traumatismes et les inquiétudes fondamentales font sans cesse retour. Cela s’accorde avec le travail de Munch qui aime revenir plusieurs fois sur les mêmes motifs et donner vie à des séries. Watkins s’y emploie aussi et cela confère à son film une certaine monotonie. Le récit est stoppé sans signaler de véritable point d’orgue, alors qu’il reste une quinzaine d’années d’activité à traiter. Toute la dernière partie est recouverte de la voix-off du récitant-pédagogue, à peu d’exceptions près, et le cinéaste, y abordant la réception de l’œuvre de Munch par le public et les institutions, insiste énormément sur les rejets qu’elle suscita. Nul doute, alors, que Watkins s’identifie pleinement au peintre.

    Reste encore une chose, à propos d’Edvard Munch, assez mystérieuse : le recours systématique, à l’intérieur des plans de la fiction, au regard caméra. Pas un seul plan sur l’acteur principal qui n’en contienne. Watkins a certes passé sa vie de cinéaste à brouiller les repères servant à distinguer documentaire et fiction mais ici, que veulent dire ces regards ? Ils nous provoquent ? Ils dénoncent l’imposture de la reconstitution ? Ils nous rappellent notre position ? Dans ces moments-là, c’est comme si Edvard Munch, pourtant sujet du film, s’extirpait de la représentation. C’est très étrange.

     

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    edvardmunch.jpgEDVARD MUNCH

    de Peter Watkins

    (Norvège - Suède / 165 min / 1974)

  • Sound of noise

    simonsson,stjarne nilsson,suède,comédie,2010s

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    (Chronique dvd parue sur Kinok)

    A l'origine, il y a ce court métrage de 2001, devenu fameux depuis, Music for one apartment and six drummers. Six individus s'introduisaient dans l'appartement d'un vieux couple pour y jouer quatre morceaux de musique à la seule aide des objets qu'ils trouvaient dans chaque pièce. Sound of noise en est un prolongement, une extension aux dimensions d'un long métrage. Les enjeux sont donc évidents : il s'agit d'étoffer sans étouffer, de grandir sans trahir.

    L'idée de la performance décalée est conservée, mais au lieu d'être étirée, elle est démultipliée, constituant ainsi un tempo en quatre temps forts pour autant de pièces musicales. Sur un plan narratif, tout le travail a donc consisté à faire tenir celles-ci ensemble. C'est une trame à tendance policière qui a été retenue, les six percussionnistes se voyant offrir ici un adversaire en la personne d'Amadeus Warnebring, un inspecteur d'inspecteur perturbé dans sa prime jeunesse par son apprentissage de la musique au sein d'une famille de chefs d'orchestre. Ce traumatisme ayant généré chez lui une véritable phobie musicale, les variations cocasses peuvent s'enchaîner et la pâte sonore peut être travaillée au-delà des séquences de concert ou de répétition.

    Le talent de nos six activistes est de moduler le bruit des outils et matériaux usuels pour en extraire tout le potentiel musical. Entre leurs mains, l'ustensile devient instrument. Ainsi, la frontière entre bruit et musique devient flottante. Pour autant, le but n'est pas de brouiller la perception ni de créer un chaos (si destruction il y a, elle est toujours accidentelle), mais d'aiguiser l'ouïe, de séparer et de classer attentivement. Là se niche la raison d'être du gag récurrent et progressivement amplifié de la perte d'audition sélective du policier. Celui-ci n'entend plus le moindre son émanant d'un objet ou d'une personne touchés ("joués") par l'un des musiciens qu'il traque. L'idée paraît absurde mais elle ne l'est pas plus, en définitive, que l'argument initial du récit.

    On trouve matière à rire, au moins à sourire, dans ce film signé par un duo assez doué pour croquer avec vitalité des saynètes-sketchs et assez imprégné de l'univers de la musique pour se mettre dans la poche les amateurs (au prix de quelques facilités, pas forcément désagréables, comme ces petits gags sur les batteurs). Le "terrorisme" musical décrit ici permet d'opérer un déplacement humoristique de toute la machinerie narrative soutenant habituellement les récits policiers et plusieurs effets plaisants découlent de ce décalage. Préservons-en les surprises et bornons-nous à évoquer l'un des plus évidents et des plus efficaces, à un stade avancé de l'histoire : se promener en ville avec un instrument de percussion devient plus répréhensible, aux yeux des gardiens de l'ordre, que porter une arme.

    Toutefois, au cinéma, l'excellence dans la vignette s'accompagne aussi, souvent, de difficultés à assurer le maintien d'une ligne narrative ferme. Et Sound of noise peine effectivement à intéresser de manière égale sur toute sa durée, en dehors des performances musicales. Celles-ci représentent les pics du film. L'éclatement sonore produit est bien répercuté par le montage, vif et précis. Pour éviter une éventuelle lassitude, ces séquences sont par ailleurs habilement entrecoupées par des astuces illustrant la théorie du "grain de sable enrayant la machine" chère au genre policier.

    L'importance des moyens convoqués par les six musiciens lors de leurs happenings marque une progression logique, le terrain de l'action passant d'un lieu très limité dans l'espace (une chambre d'hôpital) à la ville entière. Notre inclinaison personnelle pour le rock de chambre plutôt que de stade explique-t-elle que la jubilation ressentie diminue d'une étape à l'autre ? C'est aussi que l'ampleur technique s'accompagne d'un élargissement du propos et des thématiques. Du coup, les cibles visées par le groupe rebelle, devenant nombreuses et difficiles à discerner, finissent par être perdues de vue. L'utopie devient vague (la paix de l'âme par le silence ?), son accès, conventionnel (l'amour).

    La pensée n'est donc pas si subversive que cela, pas plus que la mise en scène n'est dévastatrice. Mais Sound of noise possède cette faculté, appréciable, de nous faire dodeliner de la tête par mimétisme, à la suite de Miss Sanna Persson, joli cerveau du commando, dès que celle-ci lance son métronome dans sa première scène. Et l'envie revient à chaque fois que l'on entend quelqu'un lancer : "1, 2, 3, 4 !" (en suédois).

     

    soundofnoise00.jpgSOUND OF NOISE

    de Johannes Stjarne Nilsson et Ola Simonsson

    (Suède - Danemark - France / 98 mn / 2010)

  • Morse

    (Tomas Alfredson / Suède / 2008)

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    morse.jpgLe renouvellement qu'apporte Morse (Lat den rätte komma in) à un genre déjà régénéré à de nombreuses reprises est dû, plus qu'à une esthétique ou des thématiques nouvelles, à un changement de point de vue : voici un film de vampires à hauteur d'enfants (mais pas un film de vampires "pour" enfants).

    Ce n'est pas évident tout de suite. Le cadre, celui d'une banlieue du Nord de l'Europe, est réaliste bien que tirant parfois vers l'abstraction (une mise en scène "ligne claire" ou "ligne froide"), ou du moins laissant percevoir un décalage qui, s'il s'amplifiait, pourrait nous mener jusque chez Roy Andersson. Nous déroute le fait qu'une saignée supposée se faire à l'abri des regards soit réalisée en forêt et de nuit, mais dans une trouée immaculée de blanc et de lumière. La justification, purement plastique, n'apparaît que progressivement, au fur et à mesure que l'on découvre quel regard épouse celui du cinéaste. Dans une utilisation judicieuse du format Scope, Alfredson enneige ses paysages, dépeuple ses décors urbains et vide l'espace autour de ses personnages. Il se rapproche d'eux aussi, souvent, jusqu'aux gros plans qui laissent les contours et l'arrière-plan flous. Comme il évide l'espace, il morcelle les corps par le cadrage et bien évidemment, ces choix de mise en scène nous préparent aux images sanglantes et tranchantes qui vont parsemer ce récit. Ainsi, c'est un univers singulier que nous pénétrons (le léger recul temporel qui situe l'histoire au début des années 80 contribue également à cette singularité), l'univers de Oskar et Eli, 12 ans tous les deux.

    Dans Morse, nous voyons les adultes comme eux peuvent les voir : larves portées sur la bouteille, policiers se croyant plus malins que des élèves de collège, mère maniérée et colérique... Seul le père apporte un peu de réconfort, mais il vit loin, à l'écart de cette société, et des zones d'ombre ont tôt fait de recouvrir sa saine existence. Sous la surface du conte, la vision politique est acerbe. Si un adulte se trouve contaminé, il se ridiculise (la femme agressée par les chats de son voisin) et se révèle incapable de supporter sa nouvelle condition. Seuls les enfants sont sérieux et lucides. On ne s'émeut pas de la mort de ces adultes médiocres mais on craint la violence des règlements de compte entre les plus jeunes et les séquences où Oskar joue avec son couteau sont autrement plus troublantes que les attaques du vampire.

    L'une des qualités du film d'Alfredson est, partant de son point vue, de ne pas tricher en édulcorant son propos ou ses images. Des tabous entravant habituellement la représentation de l'enfance prête à basculer dans l'adolescence, il ne se détourne pas, abordant sans complaisance mais sans fausse pudeur la violence, elliptique mais réelle, et les troubles de l'identité sexuelle (le plan très bref sur le sexe de "la" vampire). Autre décision, dont nous sommes reconnaissant au cinéaste : celle de ne pas se laisser aller à balancer un twist final qu'il aurait été relativement aisé de placer tant le point de vue de Oskar est fidèlement épousé. Il est plus agréable d'être mis en face d'une telle indécision que de voir avancer la preuve que le metteur en scène est un petit malin capable de mener en bateau son public.

    Si tout n'est pas parfait ni stupéfiant dans Morse (quelques défaillances d'acteurs, deux ou trois dialogues poétiques maladroits, des notes de musiques superflues), il est difficile de ne pas admirer la cohérence de l'objet. N'hésitez pas à plonger dans ce conte horrifique (*) s'ouvrant et se refermant sur quelques flocons de neige tombant d'un ciel noir.

     

    (*) : plutôt que dans son remake américain, Laisse-moi entrer, actuellement au cinéma, que l'on me dit (inévitablement ?) très inférieur.

  • Parade & Forza Bastia 78

    (Jacques Tati / Suède - France / 1974 & Jacques Tati et Sophie Tatischeff / France / 1978-2000)

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    Pour finir notre mini-cycle Tati, jetons un coup d'oeil sur les deux points de suspension qui clôturent l'oeuvre après Trafic (1971).

    parade.jpgBien que le dernier long-métrage de Jacques Tati ait été distribué dans les salles françaises à la fin de l'année 1974, Parade n'est pas un film de cinéma. Il s'agit d'une commande passée par la télévision publique suédoise, consistant à capter en vidéo un spectacle de cirque.

    Il y a deux façons de juger l'oeuvre. Si l'on opte pour la plus bienveillante, on insistera sur la singularité du projet. Tati, filmant avec quatre caméras pendant trois jours, rend hommage aux spectacles vivants (cirque, music-hall, concerts). A la représentation classique, il intègre pleinement le public, abolissant les frontières entre gradins, scène et coulisses et montrant que des spectateurs ou des ouvriers peuvent devenir tout naturellement des artistes, magiciens ou acrobates. Plusieurs plans sont d'ailleurs cadrés depuis le fond du décor, de manière à avoir le public à l'image. A côté de cette perméabilité des univers qui permet un spectacle total, on retrouve un autre thème récurrent : l'enfance. Une petit garçon et une petite fille dans le public sont deux des "héros" du film. Après le spectacle, une fois les gradins et la piste  désertés, Tati les laisse prendre possession des lieux, assurant ainsi le passage de témoin. Voilà pour la politique de l'auteur.

    Si l'on s'attache maintenant à ce qui se passe réellement sur l'écran pendant 1h25, le résultat n'est pas très captivant. Tati-acteur est dans la peau du Monsieur Loyal. Il n'est cependant au centre que d'une poignée de séquences, toutes de mime sportif (gardien de but, tennisman, boxeur...), exercice qui fit sa réputation à ses débuts au music-hall. La succession des numéros des autres artistes n'échappe pas à la règle du genre : l'inégalité. De jongles impressionnants, on passe à un pénible rodéo avec une mule et avant un savoureux concerto burlesque par trois vieux musiciens, on supporte un languissant intermède musical.

    Dans l'esprit du cinéaste, ce spectacle se veut démocratique, au sens où tout le monde peut en être l'un des acteurs. Louable intention, contredite cependant par plusieurs choses. D'une part c'est bien lui Tati, le metteur en scène, le Mr Loyal et la star du show, que l'on vient voir. D'autre part, les intervenants descendant des gradins sont de manière bien trop évidente des professionnels. Que l'on ne s'y trompe pas, même avec tous ces jeunes spectateurs suédois peace and love, Parade n'est pas un happening.

    Pressé par le temps et serré par son budget, Tati ne peut pas peaufiner tous les gags comme à son habitude et certains sont mal mis en valeur par le cadre et la photo. Le son, si important ailleurs, se réduit le plus souvent à quelques bruitages et au vacarme de l'audience. Le film n'est donc ni très rigoureux, ni très naturel.

    Parade était sans doute en 1974 une bonne émission de télévision. Mais même à l'époque, cela ne suffisait certainement pas à en faire un bon film.

    forzabastia.jpgPlus intéressant est le documentaire tourné en 1978, à la demande de Gilbert Trigano. Celui-ci proposa à Tati d'immortaliser la journée du 26 avril où Bastia affrontait les Hollandais du PSV Eindhoven, en match aller de la finale de coupe de l'UEFA. Oubliées dans une cave pendant des années, les bobines du film furent restaurées et montées par Sophie Tatischeff, fille du réalisateur, en 2000, pour aboutir à ce Forza Bastia de 26 minutes.

    On suit d'abord les préparatifs de la fête, les déambulations des supporters et la transformation de toute une ville en blanc et bleu. Les images d'une population en liesse sont des plus classiques mais elles sont rendues assez touchantes par le passage du temps et réhaussées par le regard légèrement décalé de Tati qui, de façon impressionniste, aime s'attarder sur une vieille dame, une petite fille ou un chien. Pour que le film décolle véritablement, il faut un coup de pouce du destin. Il arrive sous la forme d'un violent orage. Un déluge s'abat sur Bastia, douchant l'enthousiasme des supporters dans le stade et rendant le terrain impraticable.

    Tout le film semble alors suivre les hauts et les bas par lesquels passe le public : l'inquiétude, les encouragements et les silences. Armé de balais, de seaux ou de sacs de sable, on tente désespérément de redonner à la mare aux canards l'allure d'un terrain de foot. Après de longues discussions entre officiels, le coup d'envoi peut finalement être donné (la télévision, déjà en 1978, semble dicter ses impératifs), mais la fête commence à avoir un drôle de goût. Du match, nous ne voyons que des jambes pataugeant dans la boue. Tati préfère braquer ses caméras sur les supporters, filmer les réactions d'un public de plus en plus stressé. Au bout de 90 minutes dantesques, les locaux ne pourront faire mieux qu'un frustrant 0-0.

    De la matinée joyeuse et ensoleillée, nous sommes passé à la tristesse d'une nuit humide. Le film n'a pas besoin de dire la suite : quinze jours plus tard, Eindhoven gagnait le match retour 3-0 et brisait les espoirs français de sacre européen.

     

    P.S. 1 : Merci beaucoup à Michèle et à Joachim pour les prêts de dvd.

    P.S. 2 : Après avoir vu les quatre longs-métrages avec lui (j'ai volontairement évité, je le rappelle, Playtime et Trafic), voici les préférences de mon fiston de 6 ans, "du plus rigolo au moins drôle" : 1- Jour de fête, 2- Les vacances de Mr Hulot, 3- Parade, 4- Mon oncle. Si vous êtes parents, vous savez maintenant ce qu'il vous reste à faire...

  • Nous, les vivants

    (Roy Andersson / Suède / 2007)

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    52f6c819b791694cd7b315687b2983f8.jpgSept ans après Chansons du deuxième étage, Roy Andersson, revient avec Nous, les vivants (Du levande), en reprenant la même esthétique radicale. Ces scènes de la vie citadine se présentent en une succession de tableaux ironiques, indépendants les uns des autres mais baignés par la même lumière mortifère. La palette de couleurs ne se décline que du vert kaki à l'ocre, quand le brouillard n'envahit pas toute cette ville à l'ambiance sonore portuaire. Des personnages, presque toujours tristes, presque toujours vieux (joués par des non professionnels, pour la majorité d'entre eux) se succèdent. Les teints sont ostensiblement blafards, les costumes sont uniformément gris, les postures immobiles. Avec ses plans séquences et sa caméra fixe, Andersson joue sur l'ennui et s'arrange toujours pour déclencher à un moment donné un micro-événement dans le cadre. L'humour se fait décalé, inattendu, après plusieurs secondes où le cinéaste laisse à l'oeil du spectateur le soin de scruter le décor (Andersson serait de ce point de vue une sorte de Tati triste).

    Ce choix d'un rire qui surgirait d'une morne réalité et ce dispositif rigide pourraient geler toute émotion. Elle passe cependant. Les personnages pleurent régulièrement, éconduits ou incompris. Pour s'évader, ils jouent de la musique. Cet exercice artistique est l'une des seules choses qui permette à ces hommes d'échapper à leur condition. Autre effet source d'émotion, ces regards se tournant soudainement, soit vers la caméra lorsque quelqu'un entame un récit à notre attention, soit vers un tiers ou le hors-champ, élucidé ou non. Ces regards intriguent ou apitoient. Souvent, la question taraude le spectateur : quel est ce monde ? Un décalque du nôtre ? Celui vers lequel nous nous dirigeons ? Un autre espace-temps (des insignes nazis apparaissent ça et là) ? Je penche personnellement pour un monde de morts-vivants. Comme les zombies de Romero, le but de leurs déplacements n'est pas tout de suite explicite, leur visage est blanchâtre, leurs mouvements sont lents et les gestes du quotidien semblent effectués sous l'influence d'une mémoire enfouie datant de la vie d'avant. A part la musique, ils ont leurs rêves et l'un de ces rêves fournit le seul épisode qui ressemble à du bonheur : un mariage avec une rock star, se clôturant de façon fellinienne.

    Ceux qui ont vu et apprécié Chansons du deuxième étage noteront peu d'évolution ici et l'impression de redite, avec une petite baisse de régime au milieu de ce film pourtant court (90 minutes), peut se faire sentir. Plus basé sur le quotidien et moins symbolique, le film est aussi plus éclaté que le précédent, peu de personnages revenant d'un tableau à l'autre. On peut toutefois recommander la visite à ceux qui ne connaissent pas l'esthétique singulière de ce suédois.