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  • Les Duellistes (Ridley Scott, 1977)

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    L'une des choses dont je me rappelais le plus précisément et que je préfère encore aujourd'hui dans les "Duellistes" de Ridley Scott, ce sont les inventions gestuelles de Harvey Keitel, qui impose, comme souvent, une présence stupéfiante. En face de lui, Keith Carradine est très bien, très raide, bien qu'il soit le héros-victime de l'histoire, raideur d'ailleurs accentuée dans le dernier tiers par une jambe bloquée. Le film souffre d'une utilisation agaçante de la musique, qui vient tout appuyer (tambour militaire dès que l'on voit des soldats, notes stressantes dès que Keitel se révèle dans les parages, partition légère dès que Carradine peut se poser), et n'échappe pas toujours à la trop belle image, mais souvent, l'inspiration visuelle est là, dans les détails (les gestes, donc, ou cet oiseau dans la pièce où patiente Carradine) et dans l'ampleur, malgré les moyens limités pour représenter cette épopée napoléonienne, qui emprunte à Kubrick, Tarkovski, peut-être même Jancso (le long plan de la course à cheval dans le bois). "Duellistes", "Alien" et "Blade Runner", sacrés débuts tout de même, à un niveau jamais égalé par Scott par la suite.

  • Le Masque du démon (Mario Bava, 1960)

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    Sans doute est-elle présente dans de nombreux films du genre tournés en noir et blanc mais la lutte entre les ténèbres et la lumière est vraiment rendue dans "Le Masque du démon" avec une rare intensité. A l'exception d'une petite poignée de plans de jour extérieurs, tout semble mangé ici par l'obscurité, le noir encerclant le blanc (voutes, fenêtres, cheminées, feuillages) ou créant des trous pour aspirer (tombes, passages secrets, couloirs, trappes). Même le corps-à-corps déterminant entre Gorobec et Iavoutitch est filmé à distance dans la pénombre. Dans tous les cas, noir ou blanc au centre, l’œil est attiré, comme la caméra gracieusement mobile de Bava. Et la recherche plastique culmine avec les plans consacrés à Barbara Steele, chemise blanche sous robe noire, peau blanche peinte entourée de noir, visage blanc troué par le masque, rehaussé par les cils et sourcils, délimité par la chevelure, tout noir.

  • On achève bien les chevaux (Sydney Pollack, 1969)

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    Je crois que jusqu'au bout je resterai peu touché par le cinéma de Sydney Pollack. Nouvelle tentative (la septième pour tout vous dire) avec "On achève bien les chevaux" que je n'aurais peut-être pas dû enchaîner aussitôt avec la découverte du livre de McCoy tant la noirceur et la sècheresse de ce dernier m'y semble beaucoup trop atténuées et les modifications apportées par les adaptateurs discutables (par exemple, à l'absolu dégoût de la vie proféré par Gloria est substitué une sorte de dépit amoureux : c'est l'un des éléments rendant le dénouement tragique beaucoup moins "compréhensible" par rapport au roman, implacable et dans lequel, il est vrai, cette fin est annoncée d'entrée - Pollack ne le fait pas et se trouve obligé de filmer des flash-forwards parcellaires et peu convaincants sur son héros en train d'être jugé). Il y a toujours un moment chez Pollack où mon intérêt faiblit, où il me semble que ça patine. Trop sentimental peut-être, et trop d'effets de mise en scène pour souligner les moments forts, comme ici les gros plans grimaçants, le montage excité et le ralenti lors de la scène de la course. Le film manque à mon sens de tension interne et de naturel, et les rapports entre le fond (la foule) et le premier-plan (les personnages principaux) restent conventionnels. On pense beaucoup à Altman, qui aurait fait éclater tout ça, sans doute inspiré par la terrible ironie et la notion de fabrique du spectacle. Il était d'ailleurs, cette année-là, en train de trouver son style sur le plateau de "M*A*S*H". Et il avait tourné en 1961 un épisode du show TV "Roaring 20's" titré "Dance Marathon" où une intrigue policière se déroule dans ce même contexte et où l'on retrouve quantité de notations communes au livre et au film de Pollack (le décor, les règles, les pauses, les sous-intrigues, la dégradation physique...). Ce dernier, malgré des moyens incomparables, une plus grande liberté et huit ans de recul, n'apporte finalement par grand chose de plus.

  • Divers

    Films vus ces jours-ci, du décevant à l'inattendu :
    - "Le Règne animal" (*) m'a semblé bien en-dessous des "Combattants", qui se développait de manière beaucoup plus harmonieuse. Le nouveau Cailley est plus un film de "visions", parfois convaincantes, d'idées de plans, parfois réussis, mais son déroulement est trop heurté et trop troué pour pouvoir emporter.
    - "Les Feuilles mortes" et "L'Eté dernier" (***) sont tels que la plupart les décrivent et les analysent, deux beaux films.
    Kaurismäki parvient à nouveau à faire passer l'étincelle dans les regards malgré l'immobilisme, et à réactiver des figures de style cinématographiques oubliées. Dans cet univers décalé, on en vient à sursauter quand déboulent deux jeunes filles dans un supermarché ou des plans de "The Dead Don't Die" là où l'on attendait Bresson ou Chaplin. Et c'est toujours assez passionnant de voir comment le contemporain s'infiltre dans ce monde a priori si hermétique.
    Breillat ne déroule pas le tapis rouge à l'entrée de son film, qui demande du temps pour l'appréhender et l'apprécier. La bascule se fait peut-être au moment, magnifique, où "Dirty Boots" de Sonic Youth se fait entendre (mais c'est dommage qu'elle le reprenne en sourdine dans le bar quelques minutes plus tard). A partir de là, le film devient plus souple, jusque, bien sûr, aux tensions du dernier tiers. C'est très fort sur les cadrages (le premier baiser !), les positions des corps, les regards (l'insistance sur le regard par en-dessous du garçon, qui n'a plus la même signification dans la dernière partie).
    - Du "Consentement" (***), de Vanessa Filho, j'avais un peu peur et mes craintes se sont aussitôt envolées (pas lu le livre). JP Rouve m'a tout à fait étonné en Matzneff-Nosferatu. En partie grâce à lui, la réalisatrice a pu trouver la bonne distance pour filmer cette histoire d'emprise, pour styliser juste ce qu'il faut et empêcher que la contrainte soit aussi celle sordidement imposée au spectateur. La mise sous pression par la réputation, les mots, la voix, puis par le corps, la manipulation et le terrible renversement (l'abuseur se disant abusé), tout est très bien montré. Il y a même le recours très risqué à deux éléments (le fameux extrait d'"Apostrophes" et une chanson de Barbara) qui donne en fait deux scènes très réussies (avec Laetitia Casta, très bien dans le rôle de la mère).