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L'horrible Docteur Orlof & Une vierge chez les morts vivants

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Il est assez amusant de découvrir L'horrible Docteur Orlof après La piel que habito, tant la parenté entre les deux semble évidente. L'idée de base, celle du "savant fou" travaillant en secret pour trouver une "nouvelle peau" à sa femme, est exactement la même (on pense également, bien sûr, aux Yeux sans visage de Franju). Toutefois, autant le film d'Almodovar est une variation glacée, insidieuse et tournoyante, autant celui de Franco est une tentative expressionniste, directe et syncopée.

Le recul vers un passé situé en 1912 et le choix du noir et blanc donnent un certain cachet esthétique à ce film, l'un des premiers signés par Jess Franco (puisqu'il semble être le 11ème d'une série, en cours, de 185 titres). Ambiances nocturnes et humides, orgues et percussions, cadrages déroutants à la Orson Welles... malaise, vertige et surprise sont recherchés. L'œuvre est construite autour de plusieurs fulgurances, au point que certains plans déboulent tout à coup, venus d'on ne sait où, comme celui qui nous donne à mater furtivement, sans préavis ni suite, une paire de seins gigotant sous des mains ennemies. Le montage est effectué à la hache. A l'intérieur même des séquences, nous avons l'impression de sauter d'un endroit à un autre, dans l'espace du film.

Le récit souffre d'une alternance entre l'enquête ennuyeuse d'un inspecteur de police et les méfaits du Docteur Orlof tenant sous sa coupe un ancien condamné à mort aveugle mais d'une redoutable efficacité lorsqu'il s'agit d'enlever les jeunes femmes esseulées. Jess Franco n'hésite pas à emprunter des tunnels explicatifs longs comme la mort et à laisser dérouler des dialogues au ras du pavé luisant, dialogues à travers lesquels absolument tout est exposé, passé ou présent.

Les femmes sont imprudentes, crient et meurent. Elles sont souvent portées à bout de bras, à la fois proies et déesses. Elles sont toujours belles. La fin est expédiée.

Plus raide encore est Une vierge chez les morts vivants. Là, des prétentions artistiques à la Marguerite Duras s'installent dans un cadre narratif et une économie de série Z. Le film "raconte" l'histoire de Christina, jeune femme venant à la rencontre de membres de sa famille qu'elle ne connaît pas, dans un château inhabité. Bien vite, nous nous aperçevons, sans trop savoir si l'héroïne en est elle-même consciente ou pas, que ceux-ci sont tous, non pas des morts vivants, mais des fantômes, malgré leur apparence très charnelle. Soumise à des visions d'horreur et d'érotisme, Christina va perdre la raison et la vie.

Jess Franco expérimente à tout va. Malheureusement, il le fait dans la répétition improductive. Chez lui, une séquence repose sur une idée de mise en scène (à partir de l'usage du zoom, souvent) reproduite jusqu'à son terme au fil des plans qui la compose, générant parfois un sentiment d'absurdité. Dès lors, le déroulement narratif, qui paraît totalement aléatoire, issu d'un scénario capricieux et informe, se voit entrecoupé par des moments de stagnation, des séquences figées ou tournant sur elles-mêmes selon l'effet qui y est répété. Comme dans L'horrible Docteur Orlof, nous est réservée une explication in extenso concernant un événement supposé s'être passé précédemment.

Il faut admettre que quelques divagations ou déplacements au cœur de la nature ont leur beauté propre, même si ces passages sont souvent gâchés, à un moment ou à un autre, par un zoom inconcevable, un recadrage impromptu (sur un nénuphar ?!?), un tremblé, un raccord dont le qualificatif "faux" sonne encore trop faiblement pour en rendre compte correctement. Plus que les délires érotico-fantastiques mis en images, pas bien méchants, c'est donc bien ce "style" qui rend le film si bizarre et qui retient par conséquent d'en parler comme d'un navet absolu. A moins que ce ne soit l'abondance de jolies filles dénudées pour un oui ou pour un non par leur metteur en scène tout puissant.

Je frémis tout de même à l'idée que ces deux DVD que l'on m'a gracieusement prêté renferment deux films parmi les plus réputés et donc probablement les meilleurs de Jess Franco (avec tous le respect que je dois, notamment, au descendant de l'Horrible Docteur)...

 

franco,erotisme,fantastique,france,espagne,belgique,60s,70sfranco,erotisme,fantastique,france,espagne,belgique,60s,70sL'HORRIBLE DOCTEUR ORLOF (Gritos en la noche)

UNE VIERGE CHEZ LES MORTS VIVANTS (ou CHRISTINA CHEZ LES MORTS VIVANTS ou CHRISTINA, PRINCESSE DE L'ÉROTISME)

de Jess Franco

(Espagne - France, Belgique - France - Italie - Liechtenstein / 90 min, 76 min / 1962, 1973)

Commentaires

  • N'empêche, il n'est que ce cinéma là pour inspirer des phrases telles que:

    "Les femmes sont imprudentes, crient et meurent. Elles sont souvent portées à bout de bras, à la fois proies et déesses. Elles sont toujours belles. La fin est expédiée."

    L'une de vos toutes meilleures pour cette année ! Quand le livre sortira, je l'achèterai !

    (plus sérieusement s'attaquer à ce cinéma, ces cinémas "moindres", avec la même rigueur que celle retenue pour aborder un Welles labellisé "masterpiece" et le faire encore sans condescendance ni coup-de-coudée nanardeuse aucune, voilà qui m'enchante et m'enchantera toujours !)

  • C'est que...
    d'une part, si une soirée Jess Franco est synonyme chez certains de gros délire entre potes, l'œuvre du gus est (a priori sincèrement) vénérée par d'autres (d'où mon intérêt).
    et d'autre part, vous savez bien qu'il est fort agréable et souvent "payant" en termes de retours du lectorat de s'autoriser de temps à autre à parler sérieusement des films série ... (complétez par la lettre de l'alphabet que vous voulez) et inversement à aborder de manière désinvolte quelques incontournables de nos Grands Auteurs.

  • Chouettes analyses de ces films que tu parviens assez invraisemblablement à donner envie de voir !

  • Tu mériterais d'être fouetté sur la place publique ou jeté dans une de ces prisons chères au réalisateur pour ce blasphème ;).
    Plus sérieusement, j'aime énormément le premier film que tu cites parce qu'à partir d'une trame de série B, Franco réalise une œuvre étonnante dynamitée par un montage qui lui confère son caractère expressionniste.
    J'aime bien ta phrase : "A l'intérieur même des séquences, nous avons l'impression de sauter d'un endroit à un autre, dans l'espace du film". C'est à mon avis toute l'originalité du cinéaste que de rompre avec la logique spatio-temporelle du récit par le montage. Dans son très beau livre sur le cinéaste, Stéphane du Mesnildot parle de "l'énergie du fantasme" pour qualifier cette manière (parfois aberrante, nous sommes d'accord) de raccorder les plans. Et c'est ce montage qui donne ce cachet onirique et bizarroïde aux films du maître que j'aime beaucoup.

    "Une vierge chez les morts-vivants" est sans doute moins abouti et flirte avec le nanar goûtu mais il y a quand même cette singularité qui fait que je préfère ce film a l'œuvre complète de Tavernier ;)

  • Rémi : Merci. Tu peux essayer de te faire ton opinion mais peut-être pas tout de suite car se serait rude de passer de Polanski à Franco...

    Doc : Si je méritais d'être fouetté ce serait plutôt pour avoir ignoré que S. du Mesnildot avait consacré un ouvrage au cinéaste... :)
    Ce montage inusité, il me frappe surtout dans "Orlof" (dans le second film en question ici, il est toujours aussi déroutant mais disons qu'il passe mieux parce que TOUT y est aberrant). J'ai vraiment eu l'impression, plusieurs fois, que les personnages n'habitaient pas le même espace, alors qu'ils sont supposés le faire. En un sens, nous avons là le contraire de ce qu'il se passe chez Welles qui tente d'harmoniser des plans tournés au quatre coins du monde (je reparle de Welles parce qu'il me semble vraiment que Franco cherche par moments, dans "Orlof", à "dialoguer" avec lui et si je ne me trompe pas, les deux noms se croisent au moins à propos de "Don Quichotte").
    Alors oui, c'est étrange, ça retient l'attention, ça "vit", si l'on veut, mais c'est aussi du grand n'importe quoi et ça s'intercale entre des plages assez ennuyeuses.
    Personnellement (et on a là, à mon avis, l'une des lignes de partage les plus claires entre cinéphiles), je n'aime pas l'expression de "grand film malade", alors tu penses bien que quand je me retrouve devant des films comme ça, des films plus que malades, disons très atteints (ou des films "de" malade :)), j'ai du mal à ne pas voir avant tout les aberrations qui s'y trouvent.
    PS : bien sûr, je garde toute l'œuvre de Tavernier, ou alors je ne la donne que contre une nuit avec Christina...

  • Moi aussi j'ai bien ces phrases relevées par nos amis, j'aurais bien aimé les avoir écrites sur quelques sujets qui me sont chers. Ceci posé, j'étais partit pour te faire la même réponse que le bon Docteur avec un seul "f"(je ne relève pas sa tavernierphobie héhéhé). Les incohérences de rythme ou de la sacro-sainte histoire, les aberrations, sont des classiques du cinéma de genre. Je ne crois pas qu'il faille y voir des films "malades ou "de malades", ne pas oublier qu'il s'agissait d'abord de films d'exploitation, fait qui plus est sous de rigides systèmes de censure. Franco (sic) comme les plus doués de ses camarades ont su y faire passer leur poésie, leur fantasmes, parfois de belles idées et c'est ce qui rend leurs œuvres précieuses aujourd'hui. Chez eux, aberration je la voit comme un acte artistique ou politique, comme le faux raccord pour Godard si tu veuc, avec un côté sale gosse en plus.
    C'est juste pour la relation Welles / Franco, le second admirait le premier.

  • "si tu veux" pardon...
    Oui, Franco a été assistant sur "Flastaff" de Welles (j'ai vérifié avant de m'avancer).
    Il a aussi réalisé "les prédateurs de la nuit" sur un thème proche et toujours inspiré de Franju. Avec Brigitte Lahaie :)

  • Excusez-moi, j'ai un peu embrouillé tout le monde avec mon histoire de "films malades", terme qui ne s'applique évidemment pas à Franco ni à ce cinéma de genre, mais au "cinéma d'auteur". Je voulais dire que derrière cette expression, on fait passer en force trop de ratages évidents de "grands metteurs en scène". Partant de là, de mes réticences à aimer absolument des œuvres ratées de grand auteurs, il m'est difficile, je le concède, d'adhérer à ce genre de films d'exploitation qui sont "encore plus" truffées d'aberrations.
    En fait, la question, c'est aussi : comment juger un film dans lequel on a une poignée d'îlots sublimes dans un océan (ou allez : un lac) de nullité ? :)

    (merci Vincent pour la confirmation par rapport à Welles)

  • Effectivement, le rapport Welles/Franco est réel (Franco a effectué le montage de Don Quichotte) et je ne peux pas m'empêcher de penser à la belle scène d'"Ed Wood" ou le cinéaste (un autre roi du "nanar") croise Orson Welles. Comme chez Welles, il y a chez Franco une totale liberté et une façon de régner en maître absolu sur son univers.
    Comme Vincent, je passe facilement outre les défauts évidents (jeu souvent calamiteux des comédiens -quoique Howard Vernon est toujours excellent-, plages d'ennui, conduite du récit aberrante...) pour me laisser séduire par les fulgurances de ce cinéma (comme chez Jean Rollin, d'ailleurs)Je précise que Franco a aussi réalisé d'infects navets sans intérêt et que je ne suis pas un grand fan des "Prédateurs de la nuit" (remake un peu plat de 'l'horrible dr orlof'). Mais Vampyros lesbos et la comtesse noire méritent le détour :)

  • Lac ? Tu veux dire comme "Le lac des morts vivants" commencé par Franco, fini par Rollin et avec Vernon ? C'est une synthèse...
    Sinon, si tu veux t'y risquer de nouveau, je te conseille de mon côté, plus classiques (pour ce que cela veut dire ici) : "De sade", son classique de film de prison "99 women" et "Le sadique baron von Klaus".

  • Humm... Dans "Une vierge", la première apparition d'Howard Vernon au piano et récitant de la poésie, c'est quand même quelque chose qui m'empêche de le trouver excellent... :)
    Vampyros lesbos, si j'ai l'occasion, je n'y manquerai pas car je me souvenais que tu étais un grand admirateur, Doc. Je note aussi La Comtesse noire et les trois autres titres cités par Vincent qui attisent la curiosité... En revanche, Le lac des morts vivants, pas trop... :)

  • J'aime bien la deuxième image qui illustre cet article!

  • Outre par son lien avec Welles, je ne le connais pas du tout Jesus Franco mais c'est aussi à lui qu'est revenu de clore la série des Mabuse. Quelqu'un a-t-il vu "La vengeance du Docteur Mabuse" ? Cela vaut-il quelque chose ? Ou cela a-t-il précipité la dégradation de l'état de santé de Fritz Lang ?

  • Nico : Je l'aime aussi mais il faut dire que le film regorge de ce type d'images et que j'avais le choix...

    Antoine : Pour ma part, c'était une première et je ne saurai donc pas te répondre. Un connaisseur pour nous éclairer ?

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