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  • A brighter summer day (Edward Yang, 1991)

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    Il faudrait comparer avec la version de 3 heures distribuée à l'époque car dans celle-ci qui monte à 4, la dernière provoque une baisse de l'attention, alors que le récit se fait plus tragique, faisant que l'on est moins sensible aux belles vibrations produites par la mise en scène. Mais c'est très probablement le chef-d'œuvre d'Edward Yang. Il impressionne par son ampleur émotionnelle, historique, sociale et cinématographique alors qu'il est justement concentré sur quelques lieux et quelques mois. S'il est difficile tout d'abord, de se repérer, on admire vite, par la suite, la complexité de la toile et la limpidité de sa présentation. L'une des choses qui frappent est la capacité de Yang à intégrer des éléments de cinéma de genre (notamment à travers la violence qui fait irruption régulièrement alors que tout a l'air si calme) sans faire dévier d'un pouce sa conception de la mise en scène, basée sur le temps, l'observation, l'ellipse, la ramification. La partie centrale du film est ainsi magnifique, donnant à voir des plans superbement composés, discrètement animés (ils sont le plus souvent fixes mais jamais contraignants) et intimement reliés par un découpage des scènes tout sauf classique. Très long mais très beau film. 

  • La Caméra de Claire (Hong Sang-soo, 2017)

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    C'est peut-être un mal pour un bien de devoir laisser passer quelques années entre deux découvertes de films de Hong Sang-soo. Cela évite probablement la sensation de monotonie et certainement la pesée perpétuelle des uns et des autres. On profite alors pleinement du charme de son cinéma. Même lorsqu'il se présente sous forme de miniature comme avec ce conte moral aussi limpide que profond, aussi cruel qu'attachant. La "nudité" de la mise en scène n'empêche pas l'impression de mise en abîme, au contraire, elle semble même l'impliquer. En tout cas, Hong Sang-soo, avec trois fois rien et en à peine plus d'une heure, développe une narration étrange (on se demande par moment si la chronologie est respectée) et donne une vraie densité à ses personnages et ses décors (un simple coin de terrasse de bar filmée deux fois devient un endroit presque fascinant). 

  • Carrie au bal du diable (Brian De Palma, 1976)

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    Véritable redécouverte d'un film que j'avais initialement sous-estimé. Il se trouve que les procédés chers à De Palma ne sont ici absolument pas gratuits car ils collent parfaitement au personnage de Carrie, la mise en scène prolongeant avec une grande efficacité son espace mental (par les mouvements de caméra, la mise en relation des personnes dans le cadre, l'accompagnement sonore ou encore l'éclatement "démiurgique" des points de vue dans la scène de "vengeance" au bal). De Palma nous place dans la tête de Carrie et nous la fait comprendre, avec beaucoup d'émotion (Sissy Spacek est épatante, fragile et inquiétante), alternant magistralement observation de détails de la dure vie de jeune fille en classe et débordements surnaturels provoqués par un caractère singulier. 

  • La Mule (Clint Eastwood, 2018)

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    Petit Eastwood sympathique et simple, un peu trop même, avec un scénario assez prévisible (la malheureuse coïncidence entre la "dernière course" et l'hospitalisation de la femme du héros) et quelques facilités dans le jeu autour du choc des générations (l'usage contraint du téléphone portable). Ce n'est pas bouleversant, mais ce n'est heureusement jamais ennuyeux. L'un des mérites est, compte tenu du sujet, un certain refus du spectaculaire (notamment en créant plusieurs ellipses), auquel est préférée l'attention aux petites choses et aux proches. Par ailleurs, avec les années, il est amusant de voir ainsi changé le rapport du personnage eastwoodien aux autres, aux antagonistes qu'il affronte. Il y a 40 ans, il les balayait souvent. Aujourd'hui, il les ré-humanise (et les désarme presque).

  • La Nuit des traquées (Jean Rollin, 1980)

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    Approximatif dans la narration et l'interprétation, comme souvent, ce Jean Rollin ne pèse pas bien lourd et ennuie assez. C'est dû aussi, en grande partie, au fait que les séquences paraissent toutes beaucoup trop lentes et trop longues. L'enjeu peine à se dévoiler, à l'intérieur de celles-ci comme dans l'ensemble du film (l'explication au mystérieux mal frappant les protagonistes, une perte immédiate de toute mémoire, est balancée à la fin, en deux lignes de dialogues). Deux choses permettent cependant d'aller au bout. Premièrement, Rollin délaisse pour un temps cimetières et châteaux en ruines pour les tours de la Défense. L'univers glacé qu'il dépeint évoque alors celui de Romero ou du Cronenberg des débuts, sans faire preuve du même talent bien sûr. Et deuxièmement, on peut longuement admirer Brigitte Lahaie.

  • Paris n'existe pas (Robert Benayoun, 1969)

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    Contemporain et apparenté à des films comme Je t'aime, je t'aime ou Un soir, un train, voire Belle de jour, Paris n'existe pas fait un peu craindre au départ une dure comparaison mais il se fait petit à petit prenant et émouvant. Il tarde certes à démarrer et le débutant Benayoun laisse un peu trop transparaître ses intentions en accumulant les saynètes sur le temps décalé ou en faisant durer quelques conversations sur l'art. Introduire le doute temporel et spatial à travers le rapport d'un homme aux objets quotidiens qui l'entourent est audacieux mais prend le risque du détachement (Benayoun s'adosse là à sa passion pour l'animation). Pourtant, on en vient à être touché (Richard Leduc fait preuve d'une belle sensibilité dans son rôle de peintre en crise) par la résurgence du passé par flashs, d'abord dans le seul environnement de l'appartement, puis dans Paris tout entier. La mise en scène est alors très astucieuse pour faire advenir ces retours et bégaiements (collages, surimpressions, stop motion, images d'archives... mais tout en douceur) et la musique de Gainsbourg (qui joue aussi un personnage, proche de lui-même) devient, comme l'ensemble, d'un beau romantisme.