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  • Diamantino (Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, 2018)

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    Fable politique des plus improbables et d'une liberté narrative toute portugaise. Le duo de cinéastes raconte l'histoire d'une star du foot aux traits de Cristiano Ronaldo qui se retrouve le jouet d'un parti de fachos et des services de renseignement, au moment où il décide d'arrêter sa carrière et d'adopter un jeune réfugié. On baigne dans l'insolite par convocation des extrêmes (bonté d'âme et méchanceté, pauvreté et richesse, modernité et mythologie...) et mélange des genres et des esthétiques sans complexe, jusqu'au comble du kitsch. C'est donc inégal, tantôt ennuyeux, tantôt inspiré, toujours bizarre et barré. Le problème est l'incapacité à déterminer le degré choisi, premier ou deuxième, innocence ou parodie. Si on tient jusqu'au bout, on est récompensé par vingt dernières minutes belles et attachantes. 

  • Peggy Sue s'est mariée (Francis Ford Coppola, 1986)

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    Évidemment pas le meilleur Coppola, Peggy Sue souffre d'une mise en scène étonnamment peu affirmée (à l'image des premiers et derniers plans qui reposent sur un trucage de traversée de miroir par la caméra avec doublures réalisé très imparfaitement et sans grande conviction), de l'une des plus mauvaises prestations de Nicolas Cage (pas aidé, il est vrai, par son personnage ni par le maquillage) et, après sa longue pirouette temporelle, d'une retombée sur ses pieds absolument conventionnelle. Cependant, une fois l'héroïne plongée dans son propre passé, toutes les scènes sont intéressantes et "disent" quelque chose. Ce qui tient donc d'abord du scénario. Deux dimensions importantes sont bien abordées : le désir de transgression, surtout sexuel, que la situation permet, et l'émotion des retrouvailles avec les personnes disparues. Dans cette émotion, et partout ailleurs, Kathleen Turner est magnifique.

  • Courrier du cœur / Le Sheik blanc (Federico Fellini, 1952)

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    Le deuxième Fellini, premier en solo, est déjà remarquable. Après la mise en place, l'arrivée du couple de jeunes mariés à Rome pour leur voyage de noces, on dépasse aussitôt l'aimable chronique néo-réaliste et on part ailleurs, sur les chemins de traverse. Scindé en deux temps, le film commence par faire l'éloge de la fiction et de la vie rêvée (à travers les romans photos exotiques) avant de montrer une désillusion (la jeune admiratrice à failli perdre son honneur, son mari et sa vie en fricotant avec la vedette, cette sauvegarde de la morale faisant la petite limite du film). Mais même après avoir goûté aux plaisirs de la (fabrique de la) fiction (étourdissante séquence des prises de vue sur la plage), le spectateur, lui, continue à en profiter. Grâce à la partition géniale de Nino Rota (avec multiples variations et surprises de placement), à la prestation d'Albert Sordi (d'abord presque inquiétant sous le maquillage du "Sheik blanc" puis pathétique), à l'apparition de Giulieta Masina (prénommée Cabiria !), à la manière unique de raconter, Fellini changeant constamment de rythme et donnant à voir de belles ramifications en tournant brièvement sa caméra, de temps à autre, vers les à-côtés, les silhouettes de passage. La scène de la fontaine par exemple nous marque parce que l'on se tourne, pendant quelques secondes à peine, vers un passant que Masina connaît et qu'elle va voir cracher du feu, s'eloignant alors de sa copine et du mari en pleurs. Ce sont ces détails, cette façon d'attraper le monde autour, qui donnent un surcroît de vie et d'énergie. 

  • Leto (Kirill Serebrennikov, 2018)

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    Grande déception alors que le sujet était attirant et l'accueil critique proche de l'extase. Le film, dès le début, m'a paru poseur et artificiel. Bien qu'il ne se présente pas d'office comme un biopic (et je ne savais pas que c'en était un) et qu'il fuit la sur-dramatisation, il ne peut se débarrasser des aspects didactiques et simplificateurs qui accompagnent généralement les fictions sur le monde de la musique. Le plus intéressant tient dans le tiraillement auquel est soumise à l'époque cette jeunesse de l'Est éprise du rock, mais cette dimension n'est qu'evoquée de ci de là. On aurait mieux fait de suivre les responsables encadrant idéologiquement ce "club de rock" de Leningrad que de rester avec ce gentil trio ne semblant parler que par slogans underground. La monotonie de la mise en scène (avec une caméra qui ne cesse de tourner autour des acteurs et ne se fixe jamais) n'est brisée que lors de trois clips imaginaires très gênants dans lesquels les personnages et des figurants massacrent littéralement, en mode karaoke, les pourtant impeccables Psychokiller, Passenger et Perfect Day.

  • Victoria (Justine Triet, 2016)

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    Comédie sur les mœurs d'une mère trentenaire célibataire en crise, comédie à la fois crue et romantique, sur les corps et sur les mots (certains sont bien envoyés, notamment par Vincent Lacoste, mais dépassent un peu trop). On colle aux basques de Virginie Efira, qui s'en sort plutôt bien, surtout dans les moments de déphasage. Le meilleur est sans doute là, grâce également au montage qui se met à cogner les séquences entre elles, comme dans la tête du personnage, pour traduire son trouble et son agitation. D'autres éléments accrochent moins (les deux petites filles n'existent pas à l'écran) et le film peine à trouver un véritable enjeu jusqu'à un procès final assez peu palpitant, mais ce n'est pas désagréable. 

  • Les Garçons sauvages (Bertrand Mandico, 2018)

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    Envoûtante expérimentation menée à l'échelle d'un long métrage. Le parti pris anti-naturaliste, évident dès les premiers plans, facilite le plongeon dans toutes ces visions hallucinées et aux mille inspirations (la majorité nous renvoie vers le cinéma des années 20/30, avec force et beauté, notamment grâce au noir et blanc). Souvent dans ce type d'entreprise la distanciation naît de l'épuration, ici elle passe par la profusion, la surcharge. Aucun plan ne paraît "vide". Mais comme il parvient étonnamment à donner forme à un monde cohérent à partir de bribes et d'influences multiples, Mandico réussit à ne pas nous lâcher dans cette distance grâce au recours au conte, qui englobe tout le récit (cet attachement est moins fort dans son court Ultra Pulpe). S'il peut sembler ainsi intemporel voire même daté dans ses effets, le film retrouve le contemporain par sa dimension sexuelle, son mouvement transgenre vers le féminin. Faire interpréter dès le début les personnages de garçons par les actrices est d'ailleurs une idée lumineuse, nous délestant d'un éventuel malaise en rajoutant un "jeu" supplémentaire avec le réel. Pas seulement une série de "visions" donc (ce n'est pas le Jean Rollin d'aujourd'hui) mais un tout, inégal et provocant, troublant et accueillant. 

  • Le Petit Frère (Ted Wilde, 1927)

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    On craint d'abord la redite et les gags convenus dans cette chronique de village où Harold Lloyd campe un jeune homme réduit aux tâches ménagères par son père sheriff et ses deux costauds grands frères, trois légendes de la région. Mais le calme relatif permet l'approfondissement du thème connu du garçon manquant de confiance, notamment en passant par la naissance de la relation amoureuse, beaucoup plus basée sur la sincérité que dans d'autres Lloyd et par là assez émouvante. Cet amour est traduit dans deux très belles séquences qui se répondent, quand le héros ne peut se résigner à quitter sa belle des yeux, d'abord verticalement, en grimpant le long d'un arbre par palliers successifs (la caméra accompagnant ce mouvement ascendant pour rattraper à chaque fois dans le cadre l'héroïne descendant dans la vallée) puis, plus tard, horizontalement, en courant après la calèche qui l'emmène (et, subtile variation, ici pour échapper à ses deux frères furieux). Cette inspiration se retrouve dans le clou du film, un affrontement sur un bateau entre le gentil garçon et le méchant voleur. La mise en scène, à propos de laquelle il est difficile d'imaginer que Lloyd n'en soit pas responsable pour une grande part, en explore, au fil du combat burlesque, tous les recoins, avec un sens de l'espace digne de Keaton.

  • Hibernatus (Édouard Molinaro, 1969)

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    La dernière fois que je l'ai vu en entier, je crois bien que j'étais gamin (et que l'ultime plan sur de Funès congelé m'avait foutu les jetons). C'est un court (1h20) et bon moment, meilleur que l'hystérique Oscar de 67. Cette fois, le rythme est bien plus varié et ce n'est pas une seule note qui est tenue. Face à de Funès égal à lui-même et Claude Gensac qui brille dans plusieurs scènes, on apprécie beaucoup les prestations de Lonsdale et de Piéplu, qui apportent un grain de folie différent. Des séquences plus faibles ou plus attendues (l'enlèvement de l'hiberné) ne gâchent pas vraiment le film, qui tient aussi par son scénario, l'idée du revenant de la Belle Époque qu'il faut préserver du choc historique autorisant "logiquement" les quiproquos familiaux. 

  • Monte là-dessus ! (Fred C. Newmeyer & Sam Taylor, 1923)

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    Les plans iconiques d'Harold Lloyd suspendu au-dessus du vide et tenant seulement à une horloge prennent leur place dans la longue séquence d'ascension à mains nues du building dans lequel son personnage est employé. Extraordinaire passage dont la crédibilité est assurée par l'agilité de l'acteur et par la constante rigueur de la mise en scène, gardant le plus souvent possible dans le même cadre le héros grimpant avec difficulté et la rue animée en contrebas. En plus de l'évidente métaphore sociale, la séquence bénéficie d'une remarquable scénarisation (notamment grâce au running gag du comparse qui ne parvient jamais à prendre le relais étage après étage) et offre une variation très originale de l'effort burlesque, habituellement horizontal. C'est pourtant un morceau de bravoure qui n'est pas présenté comme tel. Tout ce qui précède tend à montrer la normalité du personnage (qui cherche à réussir socialement pour garder l'amour de sa fiancée, jusqu'à se faire passer pour directeur du magasin). Cette simplicité assumée de l'argument peut d'ailleurs décevoir le spectateur n'attendant que le clou du spectacle mais elle s'appuie sur plusieurs gags porteurs et surtout, elle assure la cohérence de l'ensemble en montrant l'originalité, paradoxale, du comique de Lloyd, un "monsieur tout le monde" seulement désireux de s'intégrer et de réussir. 

  • Une affaire de famille (Hirokazu Kore-eda, 2018)

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    Joli, comme d'habitude avec Kore-eda. C'est un film de bienveillance, attaché à des gens mis à la marge et s'en accommodant comme ils peuvent. Mise en scène sensible et attentionnée, réussissant bien à poser la situation de départ, notamment en rendant le confinement, moins affirmée ensuite, lorsqu'il faut saisir les enjeux. Kore-eda, qui donne d'abord à voir l'évolution d'une étrange famille pour ensuite la défaire en éclaircissant tous les liens la constituant, reste toujours entre-deux, entre observation et dramatisation.