Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

varda

  • C'était mieux avant... (Décembre 1985)

    Novembre s'étant éloigné à une vitesse faramineuse, il est grand temps de reprendre le cours de notre chronique (faussement) nostalgique. Voyons donc ce qui se tramait dans les salles obscures françaises pendant le mois de Décembre 1985 :

    santaclaus.jpgFêtes de fin d'année obligent, honneur aux enfants. Deux dessins animés leur étaient destinés : La dernière licorne d'Arthur Rankin Jr. et Jules Bass, et une nouvelle adaptation des BD d'Uderzo et Goscinny, Astérix et la surprise de César, réalisée par Paul et Gaëtan Brizzi. L'arroseuse orange, chronique du Hongrois Zsolt Kezdi-Kovacs datant de 1973 (comme nous le verrons, cette fin d'année fut propice aux rattrapages), pouvait également séduire les plus (ou moins) jeunes, tout comme le conte de Noël de Jeannot Szwarc Santa Claus (avec Dudley Moore et John Lithgow).

    Les grands frères (et les grandes sœurs) friands de SF et d'heroic fantasy pouvaient, eux, profiter du savoir faire US grâce aux sorties conjointes des Goonies, aventure spielbergienne signée par Richard Donner, d'Explorers de Joe Dante, gérant l'après Gremlins, et de Kalidor de Richard Fleischer, capitalisant sur Conan le Barbare.

    Les ados trouvèrent-ils leur bonheur dans le branché Moi vouloir toi de Patrick Dewolf (avec Gérard Lanvin en animateur de NRJ), dans le fantastico-musical Night magic de Lewis Furey (avec Carole Laure), dans le James-bondien Adieu canaille de Lindsay Shonteff (vieillerie anglaise de 79), dans la farce Maccionesque Pizzaiolo et Mozzarel de Christian Gion (sur un scénario de Wolinski), dans la série B philippine Vendicator de Willie Milan ? Il est permis d'en douter.

    Billy-Ze-Kick, la comédie de Gérard Mordillat, Les Féroces, polar transalpin de 76 réalisé par Romolo Guerrieri et Les loups entre eux de José Giovanni (film d'action sur fond de terrorisme international, d'après son propre roman), sans doute destinés à un public plus adulte, ne semblent guère plus enthousiasmants. Baton Rouge, premier long métrage de Rachid Bouchareb, chronique sociale entre la France et les Etats-Unis, doit receler de plus évidentes qualités.

    Enfin, pour clore cette première recension par tranches d'âges, n'oublions pas le film pour les vieux : La partie de chasse d'Alan Bridges, un drame britannique à l'allure bien académique  mais bénéficiant tout de même de la présence de James Mason dans ce qui restera son dernier rôle.

    silverado.jpgDans cette livraison de décembre, je ne peux cocher que trois titres. En 88, je fus plus que séduit par La petite voleuse de Claude Miller, que je vis alors au moins deux ou trois fois d'affilée. Ensuite seulement je découvris L'effrontée, première collaboration entre le cinéaste et la jeune Charlotte Gainsbourg, qu'il révéla à cette occasion. Cette sensible variation sur les affres de adolescence me paru plaisante sans pour autant me contenter entièrement. Le second événement du mois, du point de vue du cinéma français, était alors l'arrivée sur les écrans du Lion d'or vénitien Sans toit ni loi. Agnès Varda y décrivait de manière elliptique la dérive de Mona, jeune femme sans domicile fixe, incarnée par Sandrine Bonnaire. Beau succès public, le film me laissa personnellement quelque peu insatisfait et distant lorsque je le vis à l'occasion d'une diffusion télévisée, lui préférant d'autres Varda plus "chaleureux". Plus lointain mais plus agréable est le souvenir laissé par Silverado, tentative de revitalisation d'un genre, le western, alors maintenu presque uniquement sous une lumière crépusculaire (celle de Clint Eastwood). Son réalisateur, Lawrence Kasdan, faisait en ce temps figure d'outsider prometteur. La distribution qu'il réunit à cette occasion pourrait presque suffire à évoquer, à elle seule, les petits plaisirs distillés par le cinéma (anglo-)américain de l'époque : Kevin Kline, Scott Glenn, Kevin Costner, Danny Glover, Brian Dennehy, Linda Hunt, Jeff Goldblum, Rosanna Arquette, John Cleese...

    nightdreams.jpgIl me reste à lister les titres éveillant en moi quelque curiosité, à commencer par deux italiens, Cuore, nouvelle projection, historique, dans le monde de l'enfance par Luigi Comencini (et version cinéma d'une série télé), et Une saison italienne, de Pupi Avati, relatant un épisode de la vie du jeune Mozart. Tonnerres lointains est généralement reconnu comme l'une des œuvres majeures de Satyajit Ray. Le fait que ce film social et historique de 1973 ait mis douze ans à être distribué en France n'en est que plus surprenant. The way it is or Eurydice in the avenues d'Eric Mitchell est un film indépendant américain entre théâtre et réalité dont l'intérêt ne doit sûrement pas se limiter aux premières apparitions de Vincent Gallo et Steve Buscemi dans des seconds rôles. Drôle de missionnaire de Richard Loncraine est une comédie écrite et interprétée par Michael Palin, ce qui suffit à nous attirer.

    Notons pour terminer ce panorama que parmi les produits pornographiques diffusés alors, nous trouvons deux classiques américains du genre (millésimés 1981) qui doivent se distinguer aisément du tout-venant : d'une part, Nightdreams, baptisé ici Journal intime d'une nymphomane, hard expérimental inspiré notamment du Eraserhead de David Lynch et signé par F. X. Pope (auteur de Café Flesh, autre fameux X), et d'autre part, Pandora's mirror, aventure fantastique filmée par Warren Evans et affublée, en guise de titre français, d'un subtil Sodomise-moi jusqu'à la garde.

    jeunecinema171.jpgNous ne savons si Nightdreams ou Pandora's mirror fit en décembre 85 la couverture de l'un de ces magazines spécialisés qui, placés sur la rangée du haut de notre marchand de journaux, nous étaient alors encore interdits, mais nous sommes certains que Sans toit ni loi et son actrice principale étaient à l'honneur sur bien des supports, à en juger par les couvertures des Cahiers du Cinéma (378), de Cinématographe (114), de Premiere (105) et de Jeune Cinéma (171). Bernard Giraudeau faisait, lui, la une de Starfix (31), alors que Silverado plaisait à La Revue du Cinéma (411), que L'Ecran Fantastique (63) effectuait un tir groupé avec Explorers, Santa Claus et Les Goonies et que Positif (298) anticipait sur la sortie de L'honneur des Prizzi de John Huston.

    Voilà pour décembre 1985. La suite le mois prochain...

     

    Pour en savoir plus : Silverado, Les Goonies, Kalidor, Pizzaiolo et Mozzarel et Explorers vus par le consciencieux (et courageux) Mariaque.

  • Êtes-vous Vardaphile ?

    cleode5a7.jpgDepuis la fin de l'année dernière, que ce soit au cinéma ou dans les lecteurs dvd, le couple Varda-Demy est à la fête. Saisissons donc l'occasion pour faire un bref survol de leur carrière respective, en commençant par Madame.

    Agnès Varda a le goût du coq-à-l'âne. Cela se ressent à l'intérieur de chaque film mais aussi d'une oeuvre à l'autre, avec les déceptions que cela peut induire. J'étais ainsi complètement passé à côté du Bonheur, incapable de comprendre les choix esthétiques de la cinéaste. Mais le premier que j'ai vu d'elle doit être Sans toit ni loi. J'ai le souvenir, peut-être faussé, d'un film froid et sec, à l'image du climat qui enserre ses dernières séquences.

    Ses fictions commémoratives (Les cent et une nuits), ses portraits (Jane B par Agnès V) et ses hommages à Demy (à l'exception du très beau et plus "reserré" Jacquot de Nantes) ont le charme et les limites du bricolage amusé. Mes réticences face aux récentes Plages d'Agnès viennent de là, accentuées par l'impression de redîte (il faut dire aussi qu'Agnès Varda est devenue, passé l'échec des Cent et une nuits, intouchable, le moindre de ses travaux prenant inévitablement, dans la presse, des allures de chef-d'oeuvre de sensibilité et d'invention).

    Les documentaires où elle part à la rencontre des autres, ne laissant passer sa propre biographie que par les interstices, sont en revanche bouleversants et donnent de passionnantes photographies de la société (Daguerréotypes, les deux Glaneurs, Noirmoutier).

    Reste Cléo, celle qui fait oublier tous les autres. Je pourrai refaire le trajet indéfiniment aux côtés de Corinne Marchand dans ce film à la musicalité extraordinaire, dans ce Paris si vivant, capté sur le vif ou balayé de merveilleux travellings. Oeuvre à la fois inquiète et joyeuse, Cléo de 5 à 7 est la plus belle ode à la déambulation et à la rencontre amoureuse que je connaisse.

    Mes préférences, donc :

    **** : Cléo de 5 à 7 (1961)

    *** : Daguerréotypes (1975), L'une chante l'autre pas (1977), Jacquot de Nantes (1991), Les glaneurs et la glaneuse (2000), Deux ans après (2002), Quelques veuves de Noirmoutier (2006)

    ** : Murs murs (1981), Sans toit ni loi (1985), Jane B par Agnès V (1987), Les demoiselles ont eu 25 ans (1993), Les cent et une nuits (1994), L'univers de Jacques Demy (1995) et quelques courts-métrages (Oncle Yanco, 1967, Lesdites Cariatides, 1984)

    * : Le bonheur (1964), Les plages d'Agnès (2008)

    o :

    Pas vu : La pointe courte (1956), Les créatures (1966), Lion's love (1970), Documenteur (1981), Kung-fu master (1987)

    N'hésitez-pas à faire partager les vôtres...

  • Les plages d'Agnès

    (Agnès Varda / France / 2008)

    ■□□□

    plagesdagnes.jpgCertainement dans un mauvais jour, je n'ai guère goûté ce voyage au pays des merveilles d'Agnès et me suis ainsi retrouvé à nager à contre-courant, croisant l'ensemble des critiques et blogueurs. Cette autobiographie en images de Varda démarre assez joliment : nous voyons le film en train de se faire, la cinéaste et ses techniciens mettant en place tout un dispositif scénographique à base de miroirs sur une plage. A partir de là, les souvenirs affleurent, qui iront de l'enfance en Belgique à la mort de Jacques Demy et aux récentes invitations à exposer dans de grands musées d'art contemporain. Mêlant photographies, extraits de films, reconstitutions et balades, le récit d'une vie se déroule, passant souvent du coq à l'âne, bien que la chronologie soit, dans l'ensemble, préservée.

    Mis à part son enfance, bien évidemment, et ses années de formation de photographe (la partie la plus intéressante), le parcours d'Agnès Varda est très bien connu et il n'y a malheureusement, de ce côté-là aucune surprise. Cela d'autant moins, que cette sacrée bonne femme a toujours lesté ses oeuvres d'une grande part autobiographique. Nous n'apprenons donc rien de bien nouveau (certaines séquences, comme celle avec Harrison Ford, sont mises en avant par beaucoup de commentateurs qui ne précisent pas qu'elles sont tirées de films précédents de la cinéaste) et Les plages d'Agnèsprennent parfois l'allure d'un best of dispensable. A chaque période, ses films ont parlé pour elle : Cléo de 5 à 7 est tellement dans la Nouvelle Vague, L'une chante l'autre pasest tellement dans le féminisme, qu'il est inutile de les survoler ainsi, aussi superficiellement, malgré le plaisir que l'on peut prendre à en grappiller quelques plans.

    Pour articuler dans le présent ces souvenirs, Varda, cherche des trucs improbables, bricole avec plus ou moins de bonheur, déploie une série de dispositifs tirant vers le surréalisme. J'avoue ne pas avoir saisi l'intérêt d'installer des trapézistes au bord de la mer, ne pas avoir souri à la vision de cette plage-bureau créée en pleine rue parisienne. Toutes ces installations ont fini par me lasser.

    Bien sûr, pour parler d'elle, Agnès Varda a voulu parler des autres. De Jacques Demy, en premier lieu. L'évocation des derniers jours, pendant le tournage de Jacquot de Nantes est émouvante, mais cette oeuvre de 1990 me semble justement plus forte et mieux équilibrée. Parmi les nombreux amis de passage, le génial et mystérieux Chris Marker a droit à un traitement bien pataud. D'autres ne sont que des silhouettes, dont on se demande un peu pourquoi elles apparaissent, sinon pour le plaisir que prend la réalisatrice à les nommer. La brièveté des séquences (mais le film est déjà de toute façon trop long) font que certains portraits tombent dans le pittoresque (l'amateur de trains) ou l'anecdotique (le couple marié depuis 45 ans). Agnès Varda sût pourtant si bien faire parler les anonymes ailleurs que dans ce film monotone (voir les merveilleux Daguerréotypes, Les glaneurs et la glaneuse et son bonus Deux ans après, Quelques veuves de Noirmoutier).

    Je termine là cette note qui peut paraître sévère. C'est que l'on m'avait promis monts et merveilles et je me suis ennuyé. Un mauvais jour, vous dis-je...

  • L'une chante l'autre pas

    (Agnès Varda / France / 1977)

    ■■■□

    bd053362cb02d58f718f97c9e32343cb.gifLe style des documentaires d'Agnès Varda est très particulier et reconnaissable, donnant presqu'à chaque fois un résultat ludique et émouvant. Celui de ses films de fiction est beaucoup plus difficile à cerner, même si des éléments thématiques reviennent régulièrement (les portraits de femmes, la mort). Au hasard de visions désordonnées, je m'étais agacé à une mélo stylisé (Le bonheur), intéressé sans enthousiasme à un constat social (Sans toit ni loi) ou laissé séduire entièrement par un portrait intime (Jacquot de Nantes). L'une chante l'autre pas, diffusé sur Arte cette semaine, est encore différent esthétiquement, mais il se rapproche par moments du rythme et de l'ambiance de ce petit miracle qu'avait été Cléo de 5 à 7(deuxième film de Varda, réalisé à l'époque bénie des 400 coups et d'A bout de souffle, et peut-être celui des trois que j'emmènerai sur une île déserte, si il y a un lecteur DVD).

    Varda raconte ici les destins croisés de deux femmes, associées aux luttes du féminisme des années 60-70. Les deux protagonistes sont très différentes de caractère, de milieu social et de culture; leur amitié ne sera pourtant jamais entamée. Thérèse Liotard (Suzanne) et Valérie Mairesse (Pomme) sont touchantes, comme souvent les actrices chez Varda. La première partie traite de leur rencontre en 1962, de l'aide financière apportée par l'une à l'autre afin qu'elle avorte clandestinement et du drame commun qui les liera à jamais. Une certaine gravité enveloppe ce segment du film, habituelle pour la cinéaste, mais très prégnante. Peu à peu, la chronique linéaire laisse place à un montage plus musical, à la faveur de l'éloignement mutuel des deux héroïnes qui ne communiquent plus que par lettres. Trois voix-off se superposent alors (celles de Liotard, de Mairesse, et celle de Varda). Des images de natures mortes, de trajets en trains prennent la chronologie à rebours. Le meilleur du film se tient là, dans le récit de la reconstruction de Suzanne, parallèle à l'affirmation de Pomme dans le domaine musical.

    Les retrouvailles, dix ans après ralentissent les correspondances. Moins portée par les voix-off, la dernière partie est plus une collection de vignettes, entrecoupée de scènes musicales. Ces spectacles féministes et hippys (paroles amusantes signées par la cinéaste) font sourire aujourd'hui. Ce qui les sauve, c'est le contrechamp : le public des villages traversés. Varda filme ces paysans et villageois avec son oeil de documentariste unique. Le contraste entre les spectateurs et les musiciens n'est pas là pour faire rire, il montre que chacun doit être regardé avec la même attention, chanteuse pop ou vieux campagnard.

    L'épilogue fait le point sur les deux itinéraires, sur l'avenir des enfants. Le tableau est idyllique, donné comme résultat de luttes individuelles et surtout collectives au sein du mouvement féministe (dont des exemples auront émaillés le récit, du droit à l'avortement au planning familial). Difficile de penser que tout soit aussi facile que cela, mais l'aspect utopique est revendiqué clairement.