Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nightswimming - Page 24

  • Au nom du peuple italien (Dino Risi, 1971)

    **
    Un Risi mêlangeant comme souvent rires et grinçements de dents, la balance penchant ici franchement du côté sombre, la noirceur de la vision culminant dans une dernière séquence d'une méchanceté incroyable envers ce peuple italien (à travers des scènes de liesse, de désordre et de bêtise consécutives à une victoire au foot de la squadra azzura sur l'Angleterre). On ne sait pas trop sur quel pied danser, le cinéaste zigzagant entre rigidité et débordements, tentant quelques effets de distanciation bienvenus, notamment pour ses flashbacks, plaçant ses personnages dans des décors au symbolisme appuyé mais efficace (plage jonchée de détritus, palais de justice s'effritant) et bien sûr réunissant les monstres Tognazzi et Gassman. Leurs face-à-face sont les piliers de l'édifice. Ils sont étirés parfois plus que de raison, ce qui fait que le duo/duel bouffe littéralement tout le reste du film, qui essaie pourtant d'exister. Tout du long, Risi semble vouloir donner raison au premier, au juge inflexible et vertueux (et de gauche), et non à l'entrepreneur magouilleur et dépravé (et fasciste). Sans savoir exactement comment, on sent bien qu'à la fin, quelque chose va se retourner ou du moins, brouiller ce net partage.

  • Les Arpenteurs (Michel Soutter, 1972)

    ***
    Des deux filles du film, qui font tourner la tête du personnage principal masculin, l'une est anglaise et l'autre s'appelle Alice. Quant au récit, il est aussi imprévisible que celui de Lewis Carroll. En bien plus réaliste, cependant, bien ancré dans la "vraie vie" (un plan d'ouvriers ici, une séquence avec deux petits garçons là). Libre, plus aventureux encore que James ou pas, ce Soutter semble s'arrêter, repartir, se mettre encore en pause... Souvent, cela reprend grâce à des scènes de dialogues, dans lesquels excellent bien sûr les habitués Bideau et Denis, gracieusement accompagnés cette fois par Marie Dubois. Rarement aura-t-on eu aussi clairement l'impression d'observer des adultes se comportant comme des enfants, adoptant leur liberté de ton et de comportement, n'ayant pas peur de se lancer dans des conversations sans aucun sens apparent, et cherchant constamment à dire, entendre et vivre des histoires, qu'elles soient vraies ou fausses. L'humour, l'obsession sentimentale, la simplicité, pour ne pas dire la pauvreté, apparente, le goût du jeu narratif, tout cela me semble se retrouver plus tard chez Miguel Gomes et certains Roumains. 

  • Benedetta (Paul Verhoeven, 2021)

    °
    Après Elle, Benedetta vient me confirmer que le Verhoeven français produit un cinéma sonnant faux de A à Z, des dialogues aux décors, du casting au scénario. Pire encore que le précédent, celui-ci commet l'erreur fatale d'imposer dès le départ blasphème et subversion, rendant impossible toute réelle progression, l'évolution ne se faisant ensuite que dans l'escalade provocatrice et donc ennuyeuse. Écartant toute idée de secret ou de mystère, ne s'appuyant que sur celle, d'ailleurs mollement convoquée, de doute, le film se cogne à ces murs d'une épaisseur étrangement variable puisque laissant entendre les cris de douleur mais pas ceux de jouissance.

  • Bécassine ! (Bruno Podalydès, 2018)

    ***
    Étonnante réussite que cette adaptation d'une antique BD, qui retourne à son avantage tout ce qui me semble anodin ou agaçant chez le Podalydès "contemporain". La belle simplicité de la mise en scène repose et charme, comme celle des situations et des images, qui ne cherchent pas la composition graphique à outrance malgré le matériau d'origine. Celui-ci justifie en revanche toutes les petites trouvailles mécaniques ou poétiques, ainsi que les décrochages vers l'imaginaire. La distance et la gentillesse habituelles évitent une chute des personnages dans le ridicule total mais par ailleurs, dans ces habits d'un autre temps, les actrices et acteurs peuvent s'en donner à cœur joie sans que se crée un décalage préjudiciable par rapport au reste, le monde décrit étant loin du nôtre. Surtout, par rapport aux autres comédies du cinéaste, le mouvement s'inverse avec bonheur. Ici, pour une fois, pas de tentation nostalgico-recroquevillante pour échapper à la réalité de notre époque, mais au contraire, un passé résolument tourné vers l'avenir, cet élan étant notamment incarné par l'escroc sympathique attiré par les "States", traduit par l'inventivité technique de Bécassine, et parfaitement symbolisé par l'instant d'anachronisme, bref et savoureux, où Podalydès fait du scratch avec le gramophone.

  • Max et les Maximonstres (Spike Jonze, 2009)

    ***
    L'un des meilleurs films pour enfants "récents" parce que Jonze ne filme justement pas spécialement pour les enfants. Si la caméra se rabaisse à hauteur de gamin, la mise en scène ne simplifie jamais, ne mâche pas le travail. La sauvagerie de l'introduction annonce le thème en cueillant à froid, dans un style heurté tout à fait inhabituel pour le genre. Le reste est à l'avenant. Mais c'est aussi la façon de raconter qui s'eloigne de la convention, Jonze sachant rendre son récit imprévisible, et non pas grâce aux classiques rebondissements de conte mais bien par l'étonnant régime narratif qu'il développe. Le film est ainsi proche des réussites de l'animation, où les risques narratifs sont plus souvent pris. Au-delà de l'interprétation du petit acteur et de la gageure d'émouvoir avec des grosses peluches de deux mètres (beau mélange de numérique et de matière), on note encore l'intelligence du scénario, abordant l'enfance sous cet angle sauvage et décrivant un monde à la fois très différent et extrêmement proche de celui du jeune héros lancé ainsi à la fois dans l'évasion et la réflexion. 

  • James ou pas (Michel Soutter, 1970)

    ***
    À partir de trois fois rien, Soutter crée une fiction et, comme c'est souvent le cas avec les Nouveaux Cinémas de l'époque, la création de cette fiction semble se faire sous nos yeux et devient même, de façon détournée, l'un des sujets du film. Dans le cadre le plus réaliste qui soit, dans les alentours de Genève, des personnages vivent, parlent, se déplacent en léger décalage, presque de manière absurde (dans les dialogues, en plus discret et moins mordant, en plus sensible, on pense parfois aux Bertrand Blier qui ne vont pas tarder à venir). Les hommes semblent se la raconter, vouloir générer des fictions. Et celles-ci prennent corps en effet, histoires d'amitié, d'amour ou de flics. Or, au sein de ces histoires, si les femmes paraissent d'abord simples éléments passifs ou objets de désir, elles finissent par orienter la fiction, en se révélant en même temps plus terre à terre, plus honnêtes, moins perdues, plus actives que ces hommes qui désirent avoir la main sur la réalité mais qui laissent finalement tout échapper. 

  • Mandibules (Quentin Dupieux, 2021)

    *
    Comme Dupieux use de sa stratégie habituelle de l'évitement et du non-rythme, il nous force ici à nous confronter à la nullité de jeu des deux gars du Palma Show moulinant leur humour approximatif et débraillé (Lustig, seul, était bien plus performant, car plus cadré, lui et son personnage, dans Au poste !). Réduit à n'offrir que l'étrangeté, elle aussi habituelle, de la mise en images et en son du cinéaste (équilibre et déséquilibre dans un même plan par la disposition du flou et du net dans la profondeur ou par les différences de niveau sonore, via le personnage de la fille handicapée), le film est déjà quasiment foutu quand interviennent enfin de véritables acteurs et actrices (Lochet, Hair, Exarchopoulos) capables de nous sortir, un temps, de l'ennuyeuse et anodine cour de recréation créée autour des deux prétendus comiques. 

  • Frankenstein et le monstre de l'enfer (Terence Fisher, 1974)

    **
    Un premier quart d'heure laborieux inquiète sur les capacités de Fisher à faire revivre pour la énième fois (la dernière, en fait) le mythe. Il suffit finalement que Peter Cushing apparaisse, les joues creusées comme jamais, pour que l'éternel retour se justifie. Le film ne se défait cependant pas d'une certaine rigidité rendant les scènes d'action peu impressionnantes mais inversement celles de chirurgie, bien gores, assez fascinantes. C'est aussi que ces dernières permettent de tisser un lien étrange entre les trois personnages principaux : le jeune docteur (relais du spectateur, tantôt lucide, tantôt naïf), son maître à penser et une assistante angélique et muette. Dans la partie centrale, avant que l'intérêt ne retombe quelque peu avec l'éveil du monstre et sa révolte attendue, la mise en scène triangulise ainsi avec simplicité, rigueur et efficacité.

  • Les Chinois à Paris (Jean Yanne, 1974)

    °
    On attend de voir comment Yanne va traiter son sujet de farce politique et on patiente grâce aux acteurs, de Blier à Serrault, mais s'il faut compter sur Paul Préboist pour enfin décrocher un petit sourire, ce n'est quand même pas bon signe. La grosse comédie s'avère vite affligeante ne reposant que sur l'alternance de scènes "amples" filmées en mouvements d'appareil ramollos et de scènes plus resserrées mais pas plus stimulantes. Toutes ne sont là que pour montrer un retournement politique et culturel dont le caractère soudain enlève toute crédibilité au récit. Celui-ci ne prend d'ailleurs jamais vraiment forme, le dessin caricatural des personnages, sans la moindre consistance, n'aidant pas à rehausser l'intérêt. Ici, Jean Yanne se révèle aussi mauvais devant que derrière sa caméra. 

  • Nuages épars (Mikio Naruse, 1967)

    **
    Le dernier film de Naruse bénéficie encore d'un style délicat, dispose toujours des ellipses temporelles assez audacieuses (car souvent non désignées tout de suite comme telles), intéresse par son aspect social (les difficultés que doivent soudainement affronter des personnages appartenant à une classe moyenne/aisée), offre bien sûr quelques très belles scènes de cristallisation ou de séparation amoureuse. Le ton est malheureusement un peu monocorde et tout cela semble long et plus appuyé que d'habitude. C'est que le scénario est très franchement mélodramatique, tirant sur la corde pour organiser des rencontres successives, et que les sentiments sont plus abruptement verbalisés que dans d'autres films, plus vibrants, émouvants et inventifs, du cinéaste.