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haneke

  • Happy End (Michael Haneke, 2017)

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    La bonne surprise avec le meilleur Haneke depuis Caché. Déjà en proposant une narration puzzle, avec pièces manquantes, il accroche. Avec ses coupes brutales, il fait tomber des pans entiers dans ses ellipses ou retarde considérablement les explications sur telle scène. Imprévisible, le film paraît ainsi beaucoup moins contraignant, malgré la rigueur du cadre toujours aussi sensible. Une autre raison est le ton utilisé. Chaque moment semble habité par une ironie dévastatrice et jubilatoire (prise en charge par des acteurs parfaits, de Trintignant à Kassovitz, Huppert et les autres). On sent en fait que Haneke s'amuse, malgré les choses horribles ou désespérées qu'il évoque. De plus, les objets et médias contemporains sont remarquablement intégrés, à la fois au récit et à l'esthétique. Enfin, le film a un vrai poids de réel, grâce notamment à ses plans de rue, de quartier, qui baignent dans une ambiance sonore extraordinairement rendue.

  • L'absence d'Amour

    J'étais entré dans la salle programmant le dernier film de Michael Haneke avec l'espoir, sincère, d'y trouver de quoi le défendre, en particulier face à ceux de mes camarades blogueurs qui le rejettent, en opposition à une presse quasi-unanime. Or je me suis vite rendu à l'évidence : Amour serait pour moi un calvaire jusqu'au bout. Pire, le film m'a découragé. Découragé d'écrire, comme aucun ne l'avait fait depuis la naissance de ce blog. J'ai ainsi décidé de m'épargner l'effort d'articuler entre eux les mots et expressions, inévitables en pareille occasion, que sont "misanthropie", "manipulation", "intimidation", "humiliation", "naturalisme spectaculaire", de passer outre une argumentation qui m'entraînerait vers un débat que je n'ai aucune envie de mener et de ne pas ajouter de propos redondants concernant un film qui a déjà été amplement commenté ailleurs. Bref, je vais rapidement passer à autre chose.

  • Le ruban blanc

    (Michael Haneke / Autriche - Allemagne - Italie - France / 2009)

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    rubanblanc.jpgVote blanc

    Quelques remarques sur Le ruban blanc (Das weisse band), film déjà largement commenté ici et là (sur internet avec beaucoup plus de réserves que dans la presse papier, globalement dithyrambique : mouvement de balancier régulièrement observé, y compris, à l'occasion, en ces lieux). Personnellement, je n'ai vu dans la dernière Palme d'or en date ni un chef-d'œuvre absolu, ni un ratage à balayer d'un revers de manche.

    Noir et blanc

    De nombreux plans sont très beaux à voir : la profondeur de l'ombre, la lueur des bougies, la lumière des extérieurs... Lorsque le médecin, de retour de l'hôpital, passe du côté de son jardin, on voit sa fille au fond du plan passer le seuil de la maison : un court instant, seul son visage se détache de la pénombre, tâche blanche sur fond noir. Tout est composé minutieusement, cadré au millimètre, parfois jusqu'à la rigidité et à l'étouffement. Il manque une vibration interne.

    Calme blanc

    Que ce soit la découverte d'un cadavre ou une discussion familiale autour d'un oiseau, chaque séquence est filmée comme la précédente, provoquant la mise à distance constante du spectateur. Le ruban blanc n'échappe pas à une certaine monotonie. La froideur du style et l'affliction généralisée des personnages interdisent l'expérience du vertige que pourrait entraîner la répétition (ce qui advenait dans 71 fragments d'une chronologie du hasard, par exemple).

    D'une voix blanche

    Le film est pris sous un glacis et recouvert par une voix off qui semble nous parler depuis aujourd'hui et maintenant, soit longtemps après l'histoire (la petite, qui nous est contée, et la grande, qui plane au loin). Cette voix, qui se superpose souvent aux conversations des protagonistes, explique régulièrement ce que l'on voit effectivement sur l'écran. Quelque chose cloche. Quelque chose ne marche pas entre les plans. Le récit cinématographique peine à se mettre en route. Le montage n'est pas basé sur une dynamique narrative mais thématique, intellectuelle : quand le pasteur reproche à son fils ses mauvaises pensées et ses actes (supposés) impurs, Haneke raccorde brutalement sur la copulation du médecin et de sa bonne. Ce genre de transition flatte le spectateur attentif mais ne le transporte pas.

    Derrière la porte blanche

    Certains se sont félicités qu'Haneke, cette fois-ci, ne nous impose pas frontalement les scènes les plus violentes et qu'il base sa mise en scène, tout du long, sur l'ellipse et le hors-champ. Je ne suis pas absolument convaincu que nous gagnons au change car le moins que l'on puisse dire est qu'il insiste pesamment en filmant ces portes closes. Au lieu d'être terrorisé par ce qu'il se passe derrière, on "sent" la présence de la caméra, on "entend" Haneke donner ses instructions pour le panoramique, on "voit" l'assistant chronométrer le plan-séquence. Les longs plans fixes de Caché gardaient en éveil par leur ouverture, ceux du Ruban blanc sont des plans fermés.

    Dans le blanc des yeux

    Le meilleur du film est à chercher dans le regard des enfants. Les enfants sont écrasés par l'autorité des pères, mais ils semblent savoir ce que personne d'autre ne sait. Les enfants sont inquiétants et cela, dès le début, par la façon dont ils se mettent à entourer l'infirmière pour lui parler. Leur présence souvent inattendue dans le plan (derrière les portes, bien sûr), leurs attroupements, l'impénétrabilité de leurs visages mènent aux confins du fantastique (la parenté avec Le village des damnés de Wolf Rilla a été maintes fois soulignée).

    Laisser un blanc

    Les dernières minutes trouvent enfin un liant capable de faire tenir ensemble les séquences, qui sont, qui plus est, d'une grande force (l'ultime interrogatoire des deux enfants du pasteur, le plan final...). Certes, deux heures de préparatifs pour ces 25 minutes de récit enfin resserré, c'est un peu long. Toutefois, Haneke ne perd pas la main lorsqu'il s'agit de laisser le spectateur sur une fin ouverte, qui le fait soudain revenir sur tout ce qu'il vient de voir, sans que cela ait juste à voir avec la résolution d'une énigme. Après tout, mieux vaut quitter un film ainsi, en se retournant vers lui, en se ré-impregnant de ses images, plutôt que de le voir s'effacer aussitôt de notre cerveau avec indifférence.

  • Funny games

    (Michael Haneke / Autriche / 1997)

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    301117529.jpgFunny games U.S., auto-remake de Michael Haneke sort sur les écrans cette semaine. Cette copie est apparemment conforme à l'original, au plan près. Le but du cinéaste était de proposer sa démonstration à un maximum de spectateurs américains en tournant sa nouvelle version sur place et avec des interprètes du cru. Pour ceux qui connaissent déjà Funny games Autriche, le degré d'envie de revivre l'expérience variera certainement selon les gens du refus de se replonger dans le sordide au plaisir du jeu des sept différences. Je n'ai pour ma part pas encore tranché, mais je profite de l'occasion pour revenir sur la première mouture, découverte seulement l'an dernier.

    D'entrée, je signale que Funny games est effectivement très éprouvant à suivre et difficile à conseiller à sa Tata Renée qui vient d'aller voir les Ch'tis. Michael Haneke a l'art de nous faire la morale, depuis ses débuts. C'est parfois insupportable (Benny's video, La pianiste), parfois stimulant (71 fragments d'une chronologie du hasard, Code inconnu, et surtout, Caché, de loin son meilleur film). Avec Funny games, il me semble qu'il fait autre chose : une expérience avec le spectateur. Je reconnais qu'être dans la position du cobaye n'est pas spécialement agréable. Toujours est-il que le cinéaste semble nous poser tout du long la question : "Qu'est-ce que vous regardez et jusqu'où pouvez-vous regarder ?". Il faut donc prendre Funny games comme tel, vraiment comme une expérience, pas comme une histoire, sinon, c'est intenable. En filmant ces deux jeunes gens propres sur eux, insondables, qui terrorisent une famille, Haneke s'est vu beaucoup reproché, entre autres choses, de lourdement "montrer qu'il ne montre pas". Je ne m'en plains pas personnellement. Cela vaut toujours mieux que d'être complaisant. Tant mieux donc que la violence soit hors-champ, que l'on en voit que les prémisses et le résultat.

    Le tabou suprême affronté ici est celui de la violence envers l'enfant. Ce sont bien sûr les scènes les plus difficiles à supporter. Le pire est inévitable, mais reconnaissons que sa mise en scène est magistrale. L'impensable réalisé, les parents se retrouvent seuls dans le salon, à côté du petit corps. Le plan est long, interminable (près de dix minutes certainement) : ils ne réagissent plus, tout juste tentent-ils de se relever, puis de s'échapper. Là, Haneke échoue. Mais on se demande de toute façon comment réussir ça, surtout en gardant ce style frontal : filmer l'après-meurtre, la réaction immédiate. A l'image des victimes, le film se relève difficilement de ce trou noir, dans les minutes qui suivent. La tentative de fuite semble tout à coup bien dérisoire. Malheureusement pour le couple et heureusement pour nous, les deux jeunes tortionnaires en gants blancs réapparaissent. On se dit alors que le face à face peut reprendre. Tortures et meurtres peuvent bien advenir, le pire est derrière nous. On retombe, toutes propoportions gardées, sur du classique. Cette dernière partie est selon moi la meilleure, avec entre autres réjouissances, ce coup incroyable (et si décrié) de Haneke : le fameux retour en arrière à l'aide de la télécommande, qui annule tout espoir de vengeance.

    Film "pas mal". Etrange d'écrire cela d'une oeuvre si ouvertement destinée à provoquer des réactions tranchées. Funny games reste en mémoire très longtemps et, je pense, pour de bonnes raisons.

    Pour finir par un retour sur le remake, je vous invite à lire la note du bon Dr Orlof qui, traitant des deux versions, dégage une vision proche de la mienne, à quelques détails près.

  • Caché

    (Michael Haneke / France / 2004)

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    683010964243b23f8759605998dc9cd6.jpgCaché était diffusé hier soir sur Arte, occasion pour moi non de le revoir, mais de l'évoquer ici brièvement. J'ai un rapport très simple avec les films de Haneke, soit ils me fascinent assez, soit ils m'énervent profondément (seul exception : Funny games, que je placerai dans l'entre-deux). Celui-ci m'a suffisamment impressionné pour que je le considère, de loin, comme le meilleur du cinéaste.

    Tendu et fort. Ce sont les mots qui viennent à l'esprit. Dès le premier plan est introduit un principe qui sera source de tension grandissante : l'incertitude pesant sur le statut de l'image que l'on voit (vidéo enregistrée ou réalité du film), incertitude qui redouble celle de l'identité de l'auteur des enregistrements. Après un moment de mise en place où l'on doit se re-habituer au style frontal et froid de Haneke, le film décolle avec le dîner entre amis et la découverte du lien avec le passé du personnage d'Auteuil. Suivent alors les stupéfiantes rencontres avec Maurice Bénichou, les scènes de ménages du couple où Binoche nous rappelle quelle grande actrice elle est, et la disparition du fils.

    Michael Haneke n'a pas son pareil pour lier une réflexion sur les images à des problèmes moraux ou politiques. L'idée de l'événement insignifiant qui provoque tant de soubresauts induit une profondeur psychologique abyssale, en termes de responsabilité notamment. Le film se clôt avec une audace sidérante : rien n'est dénoué, les suspects ont niés, les derniers dialogues sont inaudibles, la piste de l'infidélité n'est pas refermée... En nous forçant à aller chercher nous mêmes les moindres informations à la surface de ses plans, Haneke nous fait cogiter comme personne.