ozon
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Grâce à Dieu (François Ozon, 2019)
*Remarquable pendant 30-45 minutes. On se dit qu'Ozon va échapper aux pièges du dossier, va proposer un vrai film psychologique au bon sens du terme en traitant d'un cas particulier pour s'attaquer à son grave sujet, va oser jusqu'au bout cette répétition, cette avancée à tout petits pas presque uniquement rendue par des échanges de messages lus en voix-off, va décrire ainsi de façon touchante les sentiments contradictoires d'un homme victime pourtant resté fervent catholique et fort bien interprété par Melvil Poupaud. Mais soudain, celui-ci disparaît du récit pour un bon moment. Et donc, non, ce n'était que la première partie. On a bien un film choral, faisant défiler des victimes différentes pour autant d'acteurs vedettes d'aujourd'hui. Les contradictions ne sont plus posées dans l'esprit d'un personnage mais sont incarnées par des oppositions de caractères. Les limites du film-dossier réapparaissent (simplifications, représentativité, moments de crise signifiants, etc.) et l'histoire finit par ne plus intéresser du tout, Ozon ne tentant finalement rien d'original, ni dans son esthétique ni dans sa conduite narrative. C'est interminable. Mais comme Jusqu'à la garde, le film aura certainement le César du meilleur film... -
Potiche
(François Ozon / France / 2010)
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Potiche est à peine moins mauvais que sa bande annonce ne le laisse penser. Post-moderne en diable, le dernier film de François Ozon apparaît sans enjeu ni point de vue. Quel intérêt à filmer aujourd'hui une vieille pièce de théâtre de boulevard si c'est pour se contenter d'imiter de manière nostalgico-fétichiste le style cinématographique des années 70 ? Au bout d'une heure trois quarts de projection, nous ne trouvons toujours pas la réponse à la question.
Au moment où Blake Edwards nous quitte, nous peinons décidément à voir en François Ozon, malgré ses déclarations d'intention et ses efforts, un auteur comique, la capacité de Potiche à déclencher le rire étant à peu près nulle. Tout juste ai-je personnellement décroché deux ou trois sourires, suite à un bon mot ou à une réaction amusante, ce qui, au bout du compte, est déjà ça de pris tant le début du film est calamiteux (là où l'on voit les acteurs forcer la note, histoire de se mettre immédiatement au niveau (?) du matériau de départ). Mais le manque d'invention de la mise en scène, l'absence d'emballement du récit et de géniale trouvaille de comédien(ne) sautent aux yeux. Les petits décalages créés par l'emploi anachronique de certaines répliques "sarkozystes" n'arrangent rien. Je suis certain que les blagues autour des "Casse-toi pov' con !" et autres "Travailler plus pour gagner plus" font aujourd'hui, en privé, hurler de rire notre Président lui-même et ses laquais. Replacer ces mots dans le contexte de Potiche serait subvertif ? Allons donc...
La dimension politique du film d'Ozon est d'ailleurs désarmante, pour ne pas dire affligeante. La caricature fait peine à voir, au point que certaines "comédies de gauche" signées Coline Serreau ou Gérard Jugnot paraissent, à côté, des chefs d'œuvres de finesse. Gardant sa position de retrait, Ozon se garde bien de faire le moindre choix. Il s'agit pour lui de critiquer un peu tout le monde pour ne froisser personne (les gens de gauche ont du cœur mais sont un peu cons, les gens de droite peuvent être odieux mais, paradoxalement, c'est le ridicule qui les sauve). Bien évidemment, Catherine Deneuve triomphe aux élections législatives en se présentant "sans étiquette".
Il y a tout de même, au cœur de ce marasme, quelque chose qui fait que Potiche vaut mieux qu'une émission d'Arthur, quelque chose qui résiste à la mécanique boulevardière et à la dissolution du politique : la présence de Gérard Depardieu, son corps, sa diction, son regard. A l'écran, il parvient même à élever ses partenaires, à les arracher, le temps de leurs scènes en commun, à l'artificialité ambiante (Jérémie Renier et, bien sûr, Catherine Deneuve, sans qu'il soit pour autant nécessaire de nous sommer de nous émouvoir outre mesure de leurs retrouvailles, celles-ci ayant de toute façon lieu tous les cinq ans à peu près). Grâce à Depardieu, quelque chose, dans cette lisse Potiche, accroche.
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Le refuge
(François Ozon / France / 2010)
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A un moment, pour bien nous faire comprendre l'émoi érotique de son héroïne, François Ozon la jette dans les bras d'un séducteur. Pas n'importe lequel : un mec spécialement attiré par les femmes enceintes. Plus tard, il la confronte à une dame étrange, sur la plage. Que celle-ci commence à la questionner avec insistance et indiscrétion puis demande la permission de caresser son ventre rond ne suffit pas, il faut absolument qu'elle s'avère être, au bout de cinq phrases prononcées, totalement tarée. Comment faire passer un peu de trouble avec de tels raccourcis supposés "osés" ? Est-ce la peine de contourner les clichés liés à la maternité pour se plonger dans d'autres ? De toute manière, dans Le refuge, les dialogues sont d'une banalité terrifiante, l'image est constamment moche (pas un seul plan qui n'accroche l'œil et lors de la séquence où l'on voit Mousse danser en boîte de nuit, l'envie de crier : "Tu peux pas reculer ta caméra un peu !"), la bande-son propose une chanson française plan-plan, le récit se vautre dans toutes les conventions de notre réalisme cinématographique national (mon dieu !, cette famille bourgeoise... et ces lunettes de soleil dans la maison... et ce plan sur la comédienne principale en pleurs...). Isabelle Carré, par ailleurs merveilleuse actrice, ici réellement enceinte, est constamment sur ses gardes, tentant de se donner à la caméra tout en se préservant. Tout du long, il m'a semblé la voir réfléchir à son rôle, à ses limites, à ses répercutions. Cela est gênant mais compréhensible. Plus grave est le fait qu'elle soit entourée d'acteurs au jeu médiocre (Melvil Poupaud, lui, disparaît, comme tout le monde le sait maintenant, au bout de dix minutes, les seules du film à être un tant soit peu intéressantes). La fin, forcément audacieuse, est atterrante (pourquoi ne pas terminer le film avec un débat sur l'homoparentalité tant qu'on y est...). Bref, le dernier film de François Ozon est nul.
A cette séance, le public était féminin à 90%. D'ailleurs, j'aurai bien aimé avoir l'avis de ma femme, qui est enceinte de 8 mois.
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Ricky
(François Ozon / France / 2009)
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Rarement un film aura si abruptement fait changer le regard porté sur lui en plaçant à mi-chemin un évènement totalement inattendu (et par conséquent, rarement l'état d'esprit du spectateur aura été aussi dépendant de sa connaissance préalable du scénario). La première moitié de Rickys'inscrit dans la veine du drame social, dans un milieu ouvrier de familles éclatées. Katie, mère d'une petite fille, Lisa, qu'elle élève seule, rencontre à l'usine Paco. Coup de foudre, installation de l'homme dans l'appartement du HLM et bientôt, naissance d'un petit garçon, prénommé Ricky. Son arrivée dans le foyer coïncide avec le début d'une crise de couple.
Ozon nous plonge dans le quotidien le plus trivial et ce dès le plan d'ouverture : une mère (*) qui craque dans le bureau d'une assistante sociale. En décrivant un parcours classique, il a recours à de nombreuses ellipses et traite les points saillants du récit (la première étreinte, la première engueulade) de manière détournée (en jouant sur le hors-champ et le son). Il crée surtout quelques espaces infimes où peut s'engouffrer l'étrangeté. L'effet n'est pas seulement rendu perceptible par notre attente d'un retournement de situation puisque ce sont bien ces brèves montées musicales et ses nombreuses fins de séquences cadrant le visage énigmatique de la petite Lisa se tenant à l'écart qui laissent affleurer l'inconnu.
Arrive donc le moment décisif. Le plus surprenant dans cette affaire est que François Ozon n'échange pas un registre contre un autre mais les force à cohabiter, libérant ainsi le merveilleux au sein du naturalisme. En s'acharnant à filmer une chose incroyable dans les lieux les plus communs et les plus ingrats (supermarché, immeuble délabré) et sous une lumière hivernale, il nous demande de fournir un effort considérable et prend le risque de larguer totalement certains de ses spectateurs en route. Le hiatus est immense et nous voilà accrochés désèspérément à un mince fil : notre désir de ne pas nous laisser aller au cynisme qui renverrait toute cette entreprise culotée vers le ridicule. D'accord pour suspendre ma crédulité, mais comment le maintenir en l'air ?
La solidité du lien unissant la mère et la fille ayant été bien montré dans la première partie, peut-être qu'une contamination plus évidente de l'esprit et du regard de Katie par ceux de Lisa aurait rendu la suite plus acceptable. Seulement, Ozon s'est bien gardé de livrer une clé quelconque à son étrange histoire. La thèse du fantasme enfantin reste de l'ordre de l'hypothèse et l'explication le moins risquée reste sans doute la simple symbolique autour de la maternité. De ce point de vue, l'ultime scène de séparation est assez belle (**).
Déroutant, décevant sans doute, Rickyn'est pas du niveau des meilleurs Ozon (que sont pour moi Sous le sable et 5x2) mais reste bien moins énervant que ses quelques ratages (Huit femmes, Angel).
(*) Alexandra Lamy interprète Katie et se sort bien, jusqu'à la fin, de l'épreuve, dévoilant notamment, sous des atours banals, un corps attirant, dans une démarche qui s'inscrit parfaitement dans la thèmatique du film (on ne peut toutefois pas s'empêcher de remarquer que la volonté de casser l'image d'une actrice passe invariablement par l'affichage de sa nudité et par la demande d'un dépassement physique, ici par exemple, l'immersion dans un lac).
(**) Alors qu'elle intervient à bon escient dans la majeure partie des séquences, la musique gâche totalement l'épilogue quand The greatestde Cat Power déboule pour les dernières secondes. Sans même parler du fait que la chanson de Chan Marshall, si belle soit-elle (et elle en a composé de merveilleuses depuis quinze ans), commence à être sur-exploitée par le cinéma et la TV, je la trouve particulièrement inadéquate ici, ne collant ni à l'univers décrit, ni aux émotions ressenties.