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wajda

  • Cendres et diamant (Andrzej Wajda, 1958)

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    Après l'avoir apprécié en le découvrant il y a une vingtaine d'années, je n'en ai vu cette fois-ci, sur grand écran, que les défauts. La surexpressivité de chaque instant est éreintante et les multiples gros plans, contre-plongées, effets lumineux et autres systèmes de caches ne parviennent à masquer ni la teneur théâtrale de l'interprétation (y compris celle de Cybulski en clone polonais de James Dean) ni la faiblesse d'un scénario qui abuse des coïncidences dans un si petit espace-temps (la base historique, la lutte à la fin de la guerre entre les "nationalistes" et les communistes polonais, est pourtant intéressante). On pense aux Aldrich, Bunuel, Fellini contemporains mais ce patchwork d'images expressionnistes et symboliques est surtout extrêmement maniéré et sonne faux d'un bout à l'autre, de l'introduction violente au final ridicule durant lequel Cybulski agonise dans une décharge, en passant par la rencontre possiblement amoureuse qui fait ouvrir, mais trop tard, les yeux. Kanal supporte-t-il mieux la révision ?

  • Retour de La Rochelle (2/12) : Les innocents charmeurs

    Vu au 40e Festival International du Film de La Rochelle

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    Après quatre grands films historiques sur la guerre de 40 (Une fille a parlé, Kanal, Cendres et diamants, Lotna, réalisés entre 1955 et 1959), qu'est-ce qui a poussé Andrzej Wajda, certes encore très jeune à l'époque (34 ans en 1960), à se saisir d'une histoire contemporaine aussi mince (une journée dans la vie d'un jeune médecin sportif et surtout la soirée qu'il passe avec une fille) que généralisable (derrière les personnages, c'est bien sûr toute la jeunesse polonaise qui est portraiturée) ? Probablement le chamboulement provoqué par l'émergence de la Nouvelle Vague française. Peut-être aussi le bouillonnement ambiant, saisissant notamment deux personnes se retrouvant dans Les innocents charmeurs parmi les petits rôles mais aussi, pour le second, parmi les scénaristes : Roman Polanski (déjà auteur d'une demi-douzaine de courts métrages) et Jerzy Skolimowski (qui se lance à son tour dans la réalisation, cette même année 1960). Si on ajoute que le compositeur Krzysztof Komeda débute quasiment à cette occasion (jouant de surcroît, à l'écran, plus ou moins son propre rôle), que l'icône Zbigniew Cybulski est toujours fidèle à Wajda, que les filles de l'Est sont aussi charmantes que d'habitude, que le jazz résonne et que la rue bruisse, on a vite fait de qualifier le film de manifeste du Jeune Cinéma polonais.

    Malheureusement, il déçoit et irrite. La première séquence, sur laquelle se cale le générique, est consacrée au lever de Basile (Tadeusz Lomnicki) dans son petit appartement. Il nous est présenté en train d'effectuer mille choses à la fois : il se rase, fait couler et boit son café, met la radio et un magnétophone en route, remplit une grille de mots croisés, tout cela en se déplaçant et en se contorsionnant pour utiliser ses mains et ses pieds. Le problème, à la vision de cette séquence, est que sa longueur et l'accumulation qu'elle impose provoquent l'évanouissement du naturel. La désinvolture affichée paraît forcée. Et ce grief est à faire à bien des endroits, tout du long. Même à partir de ce petit sujet, Wajda se complaît à étaler sa virtuosité dans les plans séquences, à cadrer régulièrement en plongée ou contre-plongée. Cette esthétique, qui peut accompagner si bien les débordements dramatiques de ses films les plus ambitieux, joue ici contre le film.

    Agacent également les comportements et les mots. Ceux-ci sont à chaque instant mis en décalage, en suspens, signalent une indécision ou un contre-pied. Ils ne sont jamais directs dans cette ambiance de tergiversations et de refus d'aller au bout des choses. Pour faire se déshabiller une fille, consentante, on doit en passer par un jeu de gamin. Et encore, une ultime pudeur vient tout gâcher... La quantité importante des références culturelles pour nous, aujourd'hui, obscures, n'arrange rien. En voulant trop coller tout à coup à la jeunesse de son pays, Wajda éloigne les autres de son film. Dès lors, si on tient à rester dans ce registre-là, mieux vaut se tourner vers d'autres films. Ceux du dynamique Skolimowski ou du mordant Polanski par exemple...

     

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    wajda,pologne,60sLES INNOCENTS CHARMEURS (Niewinni czarodzieje)

    d'Andrzej Wajda

    (Pologne / 87 min / 1960)

  • L'homme de marbre

    (Andrzej Wajda / Pologne / 1977)

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    hommedemarbre.jpgEn 76, Andrzej Wajda est, en quelque sorte, le cinéaste "officiel" de la Pologne, ce qui ne veut pas dire qu'il ménage le régime alors en place. Trop brûlant, le projet de L'homme de marbre (Czlowiek z marmuru) fut bloqué pendant treize ans. Avec aplomb, Wajda s'ingénie alors à traduire à l'intérieur-même de son film les difficultés qu'il a rencontré sur son propre chemin, en lui donnant la forme d'une enquête impossible, menée par Agnieszka, une jeune réalisatrice désireuse de se pencher, pour un travail de fin d'études en collaboration avec la télévision, sur la figure de Mateusz Birkut. Ce dernier fut, dans les années 50, l'un des "ouvriers de choc" mis sur un piédestal par le régime stalinien polonais. Du statut de héros populaire immortalisé dans le marbre et sur pellicule, Birkut passa brutalement à celui d'indésirable et finit par disparaître totalement de la circulation. Vingt ans plus tard, Agnieszka ausculte donc les archives filmées, rencontre des témoins toujours réticents, se heurte à sa hiérarchie et ne boucle pas son film... contrairement à Wajda.

    La première qualité de ce long-métrage de 2h40 est une construction sans faille offrant à l'enquête une progression logique (de la découverte d'une sculpture reléguée dans un sous-sol de musée, à celle de diverses bandes cinématographiques, puis à la recherche des acteurs de l'époque) mais jamais répétitive. En effet, Wajda prend soin de ne pas articuler systématiquement chaque rencontre d'Agnieszka avec un flash-back explicitant les propos tenus et la moindre discussion peut ainsi relancer tout le récit (et notre intérêt).

    Birkut apparaît tout d'abord tel que la propagande l'a montré, Wajda filmant alors son acteur (Jerzy Radziwilowicz) dans le plus pur style du réalisme soviétique. Ensuite, dans la partie qui se révèle la plus passionnante, le récit centré sur ce héros positif se poursuit en nous montrant, à la faveur de l'illustration de certains témoignages, l'envers du décor de ces mises en scène de propagande. Wajda filme ce passé-là de manière classique, en opposition à l'urgence qui caractérise la mise en scène du présent (celui d'Agnieszka). Enfin, dans la dernière partie, Birkut disparaît littéralement de l'écran, les témoignages ne parvenant plus à susciter son incarnation. Ce trou noir, cette incertitude sur toutes ces années, entre la disgrâce du héros et le dénouement de l'enquête, montrent bien la volonté qu'a eu Wajda de ne jamais tomber dans le manichéisme. Sur ce point, il n'y a qu'à voir également comment apparaît le personnage du cinéaste (Bursky) ayant façonné l'image de Birkut : par bien des aspects, c'est le moins séduisant du film. Or, cet homme, interviewé par Agnieszka, qui est accueilli comme un héros national à son retour d'un festival à l'étranger et qui laisse trôner sur sa bibliothèque quantité de récompenses cinématographiques n'est-il pas une projection de Wajda lui-même ?

    Il est à noter enfin que ce dernier, avec L'homme de marbre, n'a pas seulement saisi l'occasion de bousculer le pouvoir en place, il a aussi décidé, d'une certaine manière d'en découdre avec ses collègues plus jeunes que lui, de ré-affirmer sa position dans le présent du cinéma polonais après une série d'œuvres tournées vers le passé. De cette envie irrépressible viennent sans doute les quelques scories du film, presque toutes liées à sa partie contemporaine, le regard de Wajda paraissant ambivalent par rapport à la jeunesse (les attitudes, les postures, la nervosité et l'hyper-activité du personnage d'Agnieszka, interprété par Krystyna Janda, désarçonnent régulièrement). De même, le filmage "moderne", avec caméra à l'épaule, est utilisé mais aussi moqué à l'occasion d'une boutade entre la réalisatrice et son technicien. Ces réserves n'entament toutefois l'ampleur et la force de l'œuvre que de façon très minime.

    (Présenté au Festival du Film d'Histoire de Pessac)

  • Katyn

    (Andrzej Wajda / Pologne / 2007)

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    katyn.jpgAndrzej Wajda souhaitait réaliser ce film sur les massacres de Katynde 1940 depuis des années, lui dont le père, officier polonais, compte parmi les victimes des Soviétiques. Présenté en Pologne dès la fin 2007, Katyn a été là-bas le plus gros succès de l'année.

    On suit une poignée de personnages de 1939, date du désarmement de l'armée polonaise par les soviétiques occupant "pacifiquement" l'est du pays quand les nazis sont dans l'ouest (les accords ont été passés entre Hitler et Staline et le pacte de non-agression est donc en vigueur) à 1945, moment où la Pologne doit se reconstruire, sous l'emprise de l'URSS. Si quelques militaires pris dans l'étau se détachent à l'intérieur du récit, le point de vue adopté est plutôt celui des femmes et des enfants, en retrait mais toujours menacés et en attente de nouvelles. Wajda se place donc du côté des vivants et fait le choix, dans un premier temps, de ne pas représenter le massacre, tout en déroulant les faits chronologiquement jusqu'à la sortie de la guerre, tels qu'ils sont (mal) connus à l'arrière.

    Nous laissant en suspend, dans l'attente éventuelle d'images de l'horreur, Wajda élabore une narration intéressante, assez adroite dans ses développements et ses culs-de-sacs brutaux, mettant bien en évidence l'importance du traumatisme et le déchirement qu'il induit au sein d'une population prise en otage. En pointant les choix impossibles que doivent faire à la fin de la guerre ces gens, le cinéaste insiste sur la position intenable d'un pays pris éternellement entre le marteau et l'enclume, ballotté par l'histoire et devenu le jouet des grandes nations.

    Les premières images liées aux massacres que l'on voit sont celles que l'on connaît du fameux reportage allemand sur la découverte des fosses. Les nazis les montrent à partir de 1941, une fois la guerre à l'URSS déclarée et les territoires polonais entièrement conquis, dénonçant sous la propagande ce qui s'avère être la réalité. En 44 les soviétiques ayant repoussé les allemands ré-ouvrent les fosses et tournent leurs propres images en accusant les nazis. Wajda montre successivement les deux films, dont la confrontation est assez sidérante, en intégrant parfaitement leurs projections à la fiction.

    Katyndonne une quantité d'informations qui poussent à explorer plus avant le sujet (le débat qui accompagnait la séance, auquel participait une historienne et un spécialiste de Wajda, fut de ce point de vue fort éclairant). La mise en scène est classique, sans doute trop fonctionnelle mais non dénuée de subtilité. Le dernier quart d'heure est finalement consacré à la représentation de l'un des massacres. Placé ici, il permet bien évidemment, en termes de dramaturgie, de terminer sur le moment le plus fort. Il faut cependant noter que le choix est également cohérent sur le plan narratif : l'arrivée de la séquence (de 1940) concorde avec la remontée à la surface de la vérité aux yeux de l'héroïne (en 1945). Répétition des gestes et efficacité des bourreaux, les scènes sont terribles.

    Sans être réellement bouleversant, le film de Wajda remplit sa mission première avec honnêteté et justesse, abordant au-delà du témoignage quelques problèmes passionnants tels que la fidélité envers les siens ou les capacités de résistance et de rébellion de chacun.

    Vu au 19e Festival International du Film d'Histoire de Pessac. Sortie française annoncée pour le 21 janvier.