Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Frankenstein et le monstre de l'enfer (Terence Fisher, 1974)

    **
    Un premier quart d'heure laborieux inquiète sur les capacités de Fisher à faire revivre pour la énième fois (la dernière, en fait) le mythe. Il suffit finalement que Peter Cushing apparaisse, les joues creusées comme jamais, pour que l'éternel retour se justifie. Le film ne se défait cependant pas d'une certaine rigidité rendant les scènes d'action peu impressionnantes mais inversement celles de chirurgie, bien gores, assez fascinantes. C'est aussi que ces dernières permettent de tisser un lien étrange entre les trois personnages principaux : le jeune docteur (relais du spectateur, tantôt lucide, tantôt naïf), son maître à penser et une assistante angélique et muette. Dans la partie centrale, avant que l'intérêt ne retombe quelque peu avec l'éveil du monstre et sa révolte attendue, la mise en scène triangulise ainsi avec simplicité, rigueur et efficacité.

  • Les Chinois à Paris (Jean Yanne, 1974)

    °
    On attend de voir comment Yanne va traiter son sujet de farce politique et on patiente grâce aux acteurs, de Blier à Serrault, mais s'il faut compter sur Paul Préboist pour enfin décrocher un petit sourire, ce n'est quand même pas bon signe. La grosse comédie s'avère vite affligeante ne reposant que sur l'alternance de scènes "amples" filmées en mouvements d'appareil ramollos et de scènes plus resserrées mais pas plus stimulantes. Toutes ne sont là que pour montrer un retournement politique et culturel dont le caractère soudain enlève toute crédibilité au récit. Celui-ci ne prend d'ailleurs jamais vraiment forme, le dessin caricatural des personnages, sans la moindre consistance, n'aidant pas à rehausser l'intérêt. Ici, Jean Yanne se révèle aussi mauvais devant que derrière sa caméra. 

  • Nuages épars (Mikio Naruse, 1967)

    **
    Le dernier film de Naruse bénéficie encore d'un style délicat, dispose toujours des ellipses temporelles assez audacieuses (car souvent non désignées tout de suite comme telles), intéresse par son aspect social (les difficultés que doivent soudainement affronter des personnages appartenant à une classe moyenne/aisée), offre bien sûr quelques très belles scènes de cristallisation ou de séparation amoureuse. Le ton est malheureusement un peu monocorde et tout cela semble long et plus appuyé que d'habitude. C'est que le scénario est très franchement mélodramatique, tirant sur la corde pour organiser des rencontres successives, et que les sentiments sont plus abruptement verbalisés que dans d'autres films, plus vibrants, émouvants et inventifs, du cinéaste.

  • Les Sentiers de la gloire (Stanley Kubrick, 1957)

    ****
    L'ultime scène est construite en 3 temps : le premier, le tohu-bohu des soldats impatients, s'oppose au deuxième, le silence s'imposant à l'écoute de la voix de la fille allemande sur scène, avant que le troisième réconcilie les deux précédents en faisant chanter tout le monde. Tout le film, le premier qui soit aussi nettement kubrickien dans sa mise en scène, se tient ainsi en séries d'oppositions, esthétiques, rythmiques, sonores, architecturales, morales... Or le génie est ici de le faire sentir sans que cela apparaisse comme systématique, froid ou arbitraire. Comme les passages entre les 3 temps du final sont progressifs, il existe entre les panneaux qui s'opposent, des liens et des transitions (le personnage de Kirk Douglas, déjà, qui va d'un lieu à un autre). Si l'expressionnisme de nombreuses compositions renvoie à Welles (et à Aldrich, Ralph Meeker étant d'ailleurs de la partie), la différence est que, contrairement à celui-ci, qui tend alors, et tendra de plus en plus, son cinéma vers l'éclatement, Kubrick cherche l'unification, tente paradoxalement, compte tenu de toutes les lignes qu'il trace, de créer le cercle parfait faisant du film un monde. 

  • Au gré du courant (Mikio Naruse, 1956)

    ***
    Naruse filme la vie quotidienne dans une maison de geishas. C'est une histoire contemporaine et, en même temps, on le sent, la fin d'un monde. Ce qui frappe tout de suite, c'est le calme, qui va jusqu'à donner l'impression d'une absence de dramatisation. La construction accentue cette impression : avec ces courtes séquences, parfois réduites à un ou deux plans, ces bribes de quotidien, ces personnages multiples et non hiérarchisés, ces scènes semblant prises en cours de route et semblant interrompues avant leur terme, ces coupes enjambant aussi bien, et sans distinction, quelques minutes ou plusieurs jours, la mise en scène est, malgré sa modestie apparente, d'une grande modernité, ou du moins ne date jamais. Rien n'y est surligné, pas plus l'émotion que les croisements incessants de personnages (presque exclusivement féminins) qui ne sont absolument pas posés comme des "types" mais qui révèlent leur caractère et leur personnalité au fil du film. Et par-dessus tout cela, le voile de tristesse propre à Naruse. 

  • La Communion (Jan Komasa, 2019)

    °
    Nouveau specimen de ce cinéma de la Maîtrise, venant comme souvent de l'Est, qui se trouve être plutôt, généralement, un cinéma de la Contrainte, de la paluche qui vous tient fort par le cou. A l'image de ce premier plan, où l'on voit net le visage de l'acteur principal et floue la violence exercée derrière lui, le film est mi-immersif mi-distancié, soumis à un montage de petit malin et à des éclairages artificiellement sinistres. Sans style propre, faute de radicalité dans la durée des plans, les cadrages ou la narration, le cinéaste échoue à dépasser cet hyper-réalisme esthétisant et choc. Komasa n'est donc ni Seidl ni Losnitza mais rejoint la cohorte des donneurs de leçons pensant impressionner leur monde avec leurs effets mais noyant leurs films dans les plus lourds courants psychologiques, le petit intérêt scénaristique de l'usurpation de fonction étant de plus, ici, vite recouvert par une conventionnelle mission politique et morale, moyen simpliste de faire croire au spectateur qu'il se trouve là face à l'ambigu, au doute, au vertige, alors qu'il est uniquement victime d'une pataude manipulation.

  • La Chevauchée de la vengeance (Budd Boetticher, 1959)

    ***
    L'argument est des plus classiques, basé sur l'escorte d'un criminel par un chasseur de primes en territoire dangereux, entre menace indienne et poursuite par le grand frère du justiciable. S'ajoutent deux personnages "accompagnants" rendus intéressants par leur dilemme moral à l'égard du héros et celui d'un femme, a priori fort et singulier mais s'entendant donner un peu trop souvent des explications sur la vie et elle-même, de la part de ces messieurs. S'il s'agit de l'un des meilleurs Boetticher c'est parce que le matériau est transcendé par la mise en scène de l'espace, dans toutes ses dimensions, grâce à une magnifique utilisation de l'écran large, l'absence de toute scène d'intérieur, le rendu des éléments (vent, pierre, poussière, feu...). Surtout, la longueur des plans et la profondeur de champ (qui donne à voir, au fond, des mouvements opposés ou complémentaires), ainsi que le nombre élevé de moments où c'est le regard porté au loin par un personnage et annonçant un événement qui semble articuler les séquences et le récit, tout cela fait que ce western donne une sensation rare d'ouverture infinie et de progression constante et dynamique. Même si le dernier mouvement amène à un point précis de résolution hautement dramatique (l'arbre aux pendus pour un duel final et l'accomplissement de la vengeance), ce sont encore de nouvelles avancées qui sont promises par les ultimes plans.