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2000s

  • Hal Hartley (mais qu'est-il arrivé à... ?)

    J'avais fini par culpabiliser de ne pas avoir suivi, moi non plus, Hal Hartley après le faiblard "Flirt" (plus exactement après "The Book of Life", dont je me demande maintenant quel pourcentage de ma petite affection d'alors représentait la seule présence de PJ Harvey), regrets encore attisés par l'intéressant livre publié en 2016 chez Lettmotif.
    J'ai tout rattrapé d'un coup, tout ce qui me manquait, tout ce qu'il a fait (en long métrage) durant ces années où l'on s'est demandé "mais qu'est-il arrivé à Hal Hartley ?".
    Et bien ça ne valait vraiment pas le coup de culpabiliser.
    "Henry Fool" (1997) (*) parabolise sur l'art et l'amitié. Comme Hartley veut saloper son cinéma, il y va à coup de scènes de diarrhée ou de vomi, et torche un film interminable (2h17) autour de deux personnages également détestables, l'un écrivain raté et affabulateur, tendance pédophile et violeur, l'autre attardé mais finissant prix nobel de littérature. Les formules tournent dans les bouches, misanthropiques et vaines.
    "No Such Thing" (2001) (°) est moins douteux moralement mais encore plus faible cinématographiquement, fable amorphe et désincarnée sur la monstruosité qui n'est pas celle que l'on croit, celle de la Bête immortelle, mais bien celle de l'espèce humaine. Le style rend le conte étriqué. Le message sur l'état du monde et des âmes est doublé d'une critique des médias si simpliste que même le Wim Wenders de l'époque aurait refusé de la formuler telle quelle.
    "The Girl From Monday" (2005) (°) poursuit crânement sur la voie de la science-fiction. Les trois-quarts des cadres sont penchés (pour l'étrangeté) et tous sont serrés (pour ne pas avoir à créer un décor futuriste), ce qui provoque une grande fatigue visuelle. Lorgnant sur "Alphaville" et "La Jetée" (jusqu'aux plans en noir et blanc et aux images arrêtées), l'essai est terriblement rabougri malgré quelques intuitions sur la dictature numérique et les agréables physiques des interprètes.
    Avec "Fay Grim" (2006) (°), où la caméra n'est toujours pas remise d'aplomb, on touche le fond, à une distance insoupçonnée. En la surprenante présence de Jeff Goldblum, l'histoire d'espionnage international la moins intéressante jamais racontée sur un écran nous trimballe jusqu'à Istanbul pour entendre 15 minutes de discussion décalée philiosophico-politique dans la cave d'un djihadiste. Cassage de codes oblige, attention, rires ! : des personnages s'appelent Herzog ou Konchalovsky ; l'héroïne a caché son téléphone dans sa culotte mais le mode vibreur lui fait monter un orgasme inopportun ; les agents secrets américains, russes, français, anglais, israéliens grimpent dans la même camionnette qui ne manque pas d'exploser pour régler l'affaire... PTDR.
    Après cette dégringolade vertigineuse, une oasis, un petit miracle. "Meanwhile" (2011) (***) retrace en moins d'une heure la journée d'un homme, batteur, bricoleur, écrivain, cinéaste, entrepreneur, traversant New-York dans une mauvaise passe financière. Une histoire courte et vivante, sans leçon de morale ni cadre penché. Et comme par hasard, tout (re-)marche : les plans respirent dans la durée, les décors new-yorkais s'imposent, les dialogues en sont vraiment, le discours reste souterrain, les auto-citations passent, l'humour fonctionne, les actrices et acteurs ne sont pas réduits à une idée, les personnages existent et touchent.
    C'était malheureusement une exception. "Ned Rifle" (2014) (°) arrive pour compléter "Henry Fool" et "Fay Grim" en une trilogie (et pour clore la filmographie ?). Forcé de boucler les pistes farfelues, totalement invraisemblables, ouvertes par les deux précédents, ainsi que de trouver lui aussi sa dimension "sérieuse" et "politique" (cette fois-ci via la religion), il voit la relative simplicité de filmage adoptée avec "Meanwhile" virer au statisme ennuyeux et bavard. Derrière les principaux interprètes (pas fameux, qu'ils soient nouveaux ou anciens dans cette trilogie), le générique attrape-nostalgiques (comme moi) annonce fièrement Martin Donovan, Karen Sillas, Robert John Burke et Bill Sage pour n'offrir en fait, en temps cumulé, qu'à peu près 3 minutes 30 de leur présence.
    A l'image du dénouement laborieusement sanglant de ce (dernier ?) film, tout cela me paraît bien constituer un énorme gâchis.

  • Max et les Maximonstres (Spike Jonze, 2009)

    ***
    L'un des meilleurs films pour enfants "récents" parce que Jonze ne filme justement pas spécialement pour les enfants. Si la caméra se rabaisse à hauteur de gamin, la mise en scène ne simplifie jamais, ne mâche pas le travail. La sauvagerie de l'introduction annonce le thème en cueillant à froid, dans un style heurté tout à fait inhabituel pour le genre. Le reste est à l'avenant. Mais c'est aussi la façon de raconter qui s'eloigne de la convention, Jonze sachant rendre son récit imprévisible, et non pas grâce aux classiques rebondissements de conte mais bien par l'étonnant régime narratif qu'il développe. Le film est ainsi proche des réussites de l'animation, où les risques narratifs sont plus souvent pris. Au-delà de l'interprétation du petit acteur et de la gageure d'émouvoir avec des grosses peluches de deux mètres (beau mélange de numérique et de matière), on note encore l'intelligence du scénario, abordant l'enfance sous cet angle sauvage et décrivant un monde à la fois très différent et extrêmement proche de celui du jeune héros lancé ainsi à la fois dans l'évasion et la réflexion. 

  • Ma sorcière bien-aimée (Nora Ephron, 2005)

    **
    Au lieu de s'épuiser à vouloir refaire en réactualisant et à épater avec une surenchère d'effets spéciaux, comme c'est presque toujours le cas avec les remakes de vieilles séries télévisées, les auteures (les sœurs Ephron) ont choisi la voie peu évidente du métafilm grand public. C'est donc proche du modèle et en même temps complètement autre chose. Que l'on reste constamment au premier degré n'est pas gênant et n'empêche pas de goûter à quelques notations plaisantes sur l'art du cinéma, sur le rêve et la réalité, sur la façon de raconter des histoires (l'effet assez étonnant du rembobinage lorsque Isabel décide d'annuler ses sorts). Bien sûr, l'efficacité comique est très relative selon les scènes et l'impression de voir se succéder plusieurs films différents est plus forte que celle de voir ceux-ci se constituer en jeux de miroirs (ce qui fait aussi disparaître par exemple Shirley MacLaine au moment où son personnage devenait intéressant) mais laisser sa chance à tous (même à la voisine "potiche") est un geste appréciable et cette romance humoristique et magique peut, pour les plus jeunes, se révéler une initiation simple et sympathique au cinéma "réflexif". Et puis placer sur sa bande son des morceaux de Talking Heads, REM et Police, c'est déjà mériter le respect. 

  • Les Anges exterminateurs (Jean-Claude Brisseau, 2006)

    *
    La découverte longtemps après sa sortie et après l'affaire à laquelle il est lié, ainsi que le souvenir lointain maintenant de son jumeau Choses secrètes n'aident pas à y voir plus clair. Ce film-défense de Brisseau me semble à la fois naïf et ambigu. Le cinéaste le protège (et se protège), en l'installant dans une certaine irréalité (via les apparitions immédiates des anges déchus) qui justifie sa subjectivité et sa vision idéalisée jusqu'au factice des rapports de séduction et d'expression du désir, et en même temps, il le ramène, par le recours à sa propre voix off, à la (à sa) réalité. La fictionnalisation ne fonctionne pas. Pas entièrement, en tout cas. Et parmi les points de gêne, il y a cette idée d'une quête (parvenir à capter quelque chose du plaisir féminin) qui serait partagée, alors que tout passe par un dispositif précis et que le regard n'est dirigé que dans une direction. Même si l'on peut dire que les personnages féminins ont leur liberté (la première semblant être celle de punir), même si l'homme reçoit son lot de reproches tout du long, persiste jusqu'à la fin un grand déséquilibre.

  • Le Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001)

    **
    L'un des Miyazaki les plus réputés et les plus primés, que je découvre (trop ?) tardivement. C'est sans doute, dans son écriture, le plus libre de tous, frappant aussi par la profusion dont il fait preuve sur le plan de l'imaginaire, avec ses créatures étranges et ses décors étonnants. Le rêve y est borné exactement, comme des parenthèses s'ouvrant et se fermant vraiment aux deux extrémités d'une phrase. Il n'y a donc pas d'aller-retour entre le réel et l'irréel et le dénouement ne fait guère de doute, sinon concernant la façon dont il sera enclenché. Sans dialogue entre deux mondes, sans l'inquiétude pouvant naître du passage de l'un à l'autre (ou de son impossibilité), l'émotion a du mal à se libérer. Au fil de scènes parfois belles mais aux enjeux toujours flous (tout peut s'y passer et le sens échappe régulièrement), sinon dans les effets de miroir qu'elles peuvent produire (sur la condition féminine, l'industrie et la nature, la cupidité...) et dans les références qu'elles semblent convoquer (de Lewis Carroll à Magritte, et tout le versant oriental qui nous est inconnu), le film avance, labile, insaisissable. 

  • Stalingrad (Jean-Jacques Annaud, 2001)

    °
    Il n'y a évidemment rien de russe là-dedans. Et pas seulement parce que tout le monde parle en anglais, y compris les Allemands (sauf bien sûr quand ils aboient leurs ordres puisque ça impressionne plus). Surtout parce que l'on ne dépasse jamais la petite notation pitorresque et que la vision soviétique est bien celle de l'époque de réalisation, celle d'Annaud, celle qui sert de socle à un discours critique contemporain et non pas celle qui émanerait du vécu des personnages. Devant cette schématisation des enjeux et des figures, on se dit d'abord qu'après tout, ce n'est pas plus mal que le cinéaste resserre son propos sur un duel de snipers, incapable qu'il est de peintre une fresque convaincante mais plutôt compétent dans le domaine de l'action (les scènes de guerre sont correctes, sans innovation mais sans carence). Malheureusement, plus son film avance, plus il devient mauvais, affreusement handicapé par une histoire d'amour rapiécée et ne se relevant pas d'une série d'approximations pour faire passer l'énormité des tours de scénario successifs supposés nous faire croire à cette histoire de confrontation de deux tireurs d'élite dans les ruines de Stalingrad. 

  • L'Attaque du métro 123 (Tony Scott, 2009)

    °
    Sans surprise, ce remake du très bon film de Joseph Sargent est aussi riche financièrement que nul artistiquement. Alors que le précédent donnait une image précise du New York de 1974, celui-ci ne dit rien de 2009, ou plutôt, il se borne à illustrer les tendances du moment comme le terrorisme ou les nouvelles technologies (parmi les idées débiles du film : l'ordinateur portable de l'un des otages qui reste allumé et qui filme l'intérieur de la rame) en faisant la morale au spectateur. Dès que l'on aborde la psychologie, dès que l'humour pointe son nez, les gros sabots sont de mise. Manifestement, ceux-ci ne gênent pas Scott dans l'utilisation de ses caméras, qu'il s'évertue à faire tourner autour de ses acteurs jusqu'à nous faire souffrir du mal des transports (trouble d'origine visuelle qui surgit ici, c'est un exploit, dès le générique de début). 

  • Déjà vu (Tony Scott, 2006)

    *
    Denzel Washington semble vraiment sympa et toute la mise en place, de la description du drame initial aux prémices de l'enquête policière, se suit agréablement et, forcément, sans temps mort. Malheureusement, dès qu'il faut justifier le basculement dans la SF et expliquer au brave agent fédéral comment on peut se projeter dans le passé, les séquences deviennent laborieuses et le blocage apparaît aussitôt inévitable. De fait, ce n'est pas tant que Scott traite mal son sujet, c'est qu'il refuse de s'y coltiner réellement. De son double flux temporel, il ne fait rien, n'en garde qu'une écorce spectaculaire. D'ailleurs, le seul moment où les deux temps coexistent à l'écran, après la calme présentation du principe, est une longue scène d'action en forme de filature avec quantité de tôles froissées. Le dernier mouvement, lui, ne s'étire que sur une seule des deux lignes tracées, maintenant le film au niveau du suspense le plus basique. Nul vertige ou sensation à tirer de tout cela, donc. La réalisation agitée de Tony Scott n'est, ici, pas trop gênante, mais la condensation à l'œuvre (même si ça dure deux heures) fait que les réactions et les émotions des personnages, en particulier l'acceptation de l'impensable par la victime/héroïne et la conventionnelle romance, n'apparaissent pas du tout crédibles. De ce côté-là, le dessin est bien sommaire.

  • Charlie et la chocolaterie (Tim Burton, 2005)

    ***
    Le revoyant pour la première fois 15 ans après, j'aurais tendance à le réévaluer à la hausse, peut-être parce que sachant maintenant que Burton était alors effectivement entré juste auparavant, après Sleepy Hollow, dans l'effarant tunnel duquel il n'est toujours pas sorti à ce jour, pavé d'œuvres soit ratées, soit catastrophiques, soit tout juste sympathiques. Là, il faut bien admettre que le film est extrêmement bizarre, surtout pour une grosse production familiale. Il force le respect par sa manière d'attirer les contraires, de rire du malaise, de brouiller la limite entre le beau et le laid, de célébrer la famille tout en "tuant" des enfants (cela aurait été plus fort si, au moins, les 4 petites victimes de Wonka ne réapparaissaient pas à la fin de la visite, mais c'est déjà ça). Par ailleurs, il s'agit sans doute du meilleur "Burton numérique" car intégrant, au-delà des références culturelles et cinématographiques toujours agréables à trouver, une vraie réflexion sur les images, sur les pièges qu'elles tendent. Peut-être la partie centrale est-elle trop longue (je l'avais trouvé ainsi à l'époque) mais la répétition sur laquelle elle est fondée relève également du défi narratif et accentue encore, si besoin était, l'étrangeté de l'ensemble.

  • Le Pacte des loups (Christophe Gans, 2001)

    *
    On le revoit avec un poil plus d'indulgence qu'à l'époque, sachant ce qu'il en est, car on peut regretter l'échec de la tentative et l'absence d'ouverture que celle-ci aurait pu créer dans le cinéma français. Le film reste beaucoup trop hétéroclite pour captiver ou émouvoir, ennuyeux dans ses moments de pause et excessif dans l'action, tributaire d'une réalisation incapable de canaliser en un seul courant toutes ses influences et envies. Son déséquilibre principal surprend et interroge toujours : une première moitié à peu près historique puis la seconde tout à fait imaginaire. Une fantaisie assumée d'entrée aurait au moins apporté une certaine cohérence, au récit, au ton et à l'esthétique. Il est vrai que cela n'aurait sans doute pas calmé Gans dans sa débauche d'effets ni fait de Samuel Le Bihan un héros convaincant.