(Alexandro Jodorowsky / Mexique / 1971)
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Ah ouais, quand même… J’ai déjà vu quelques films de tarés mais dans le genre "on fait n’importe quoi" El Topose pose là. Si la vision du délire culte de Jodorowsky me fût plutôt pénible, en résumer l’argument est cependant un plaisir. Un étrange cavalier, tout de noir vêtu et que l’on nommera au choix El Topo (la Taupe) ou Dieu, sillonne le désert accompagné d’un enfant de sept ans seulement habillé d’un chapeau. En chemin, ils tombent sur un terrible charnier, puis retrouvent les coupables dans un monastère avant de les occire. Au moment de repartir, El Topo abandonne le gamin et emporte sur son cheval une femme qu’il vient de sauver et qui maintenant n’a d’yeux que pour lui. Il la prend violemment dans les dunes. Elle lui répond qu’elle l’aimera plus encore lorsqu’il aura affronté les quatre meilleurs tireurs du désert. Ce qu’il ne tarde pas à faire : trépassent donc l’aveugle rapide, le Russe vivant avec sa mère et son lion, le musicien entouré de centaines de lapins et le vieil ermite dont le filet à papillons détourne les balles de revolver. Malgré tout, la femme le quitte pour une autre beauté rencontrée entre temps et qui porte admirablement la veste de cowboy en laissant entrevoir sa poitrine. Laissé à moitié mort, El Topo reprend ses esprits quelques années plus tard dans une grotte entouré de miséreux le vénérant tel un saint. Il décide d’aider cette communauté de pestiférés en creusant un tunnel qui leur permettrait d’aller vivre dans la ville voisine, tenue toutefois par une horde de vieilles femmes très dignes mais libidineuses et esclavagistes. Notre homme ne pourra éviter un nouveau massacre d’innocents et même si l’enfant qu’il a jadis abandonné ré-apparaît et si sa nouvelle femme naine vient d’accoucher, il s’immole.
De par sa succession de duels, ses scènes de pillage et de violence physique, ses coulées de litres de sang, ses femmes malmenées, El Topoprend la forme d’une parodie de western italien. Leone est directement cité (moqué ?) à l’occasion d’un face à face où l’un des bandits place entre lui et son adversaire un ballon gonflable qui se vide alors de son air dans une longue stridence, clin d’oeil sonore aux expériences musicales de Morricone. La violence, présente du début à la fin, tient du grand guignol et elle se trouve totalement détournée, détachée de toute nécessité, par la volonté graphique et les effets d’un montage à la hache. Comme beaucoup de freaks rencontrés dans le film, les bras nous en tombent, au point de se croire parfois chez les Monty Python. Les lapins sont sans doute les mêmes que ceux de Sacré Graal ! et l’ermite revient dans La vie de Brian (et Alexandro Jodorowsky, qui joue le rôle-titre de son film, a parfois de faux airs de Graham Chapman). Cela ne serait nullement gênant si le comique était toujours volontaire, mais ailleurs, le cinéaste est tellement pompeux avec ses références mystiques, tellement sûr de faire oeuvre poétique et politique (des vieilles bourgeoises ridées et grasses abattent des Noirs comme on tire au pigeon : Attention message !). Tout l’attirail du surréalisme est convoqué : bestiaire étonnant, blasphèmes, corps difformes (sans doute ce qu’il y a de meilleur dans le film), pulsions sexuelles, cruauté… Seulement, une pantalonnade, même surréaliste, reste une pantalonnade.
La dernière partie, qui se déroule entre la grotte et la ville, tire vers une religiosité qui se voudrait forcément ambiguë et qui n’est qu’ennuyeuse. De ces moments interminables ne se détachent que cinq minutes dans l’église quand le prêtre pousse ses fidèles à mettre leur foi à l’épreuve dans un jeu de roulette russe (séquence amorcée par le seul gag véritablement drôle du film : la révélation que le curé, vu de dos en plein recueillement sur son prie-dieu, est en fait en train de picoler). Partant dans tous les sens, mal joué, construit à la va-comme-j’te-pousse et tombant sans arrêt dans le ridicule, El Topo a pour unique qualité une assez belle photographie.
Saurai-je trouver en moi les forces nécessaires à la vision de La montagne sacrée, l'oeuvre suivante de Jodorowsky ? Vous le saurez dans les jours prochains...
Récit d'une odyssée criminelle couvrant la période la plus agitée que connût l'Italie après la guerre, soit les années terroristes 70 et 80, Romanzo criminalese place au coeur d'un genre bien établi dans la cinématographie transalpine, tout en s'appuyant sur une esthétique toute américaine. La première partie de cette fresque accumule ainsi les figures scorsesiennes dans sa description de l'ascension irrésistible d'une bande de malfrats dans le monde de la criminalité mafieuse. La pathologie de certains membres du gang, les éclats de violence et tous les signes constitutifs de la grande délinquance (armes à feu, liasses de billets, drogue) sont traités selon le rythme fiévreux et musical de l'auteur des Affranchis (la bande-son est également saturée de vieux tubes rock'n'roll). Et à l'image de son modèle, Michele Placido, nous plonge dès le générique dans la spirale, les présentations des principaux personnages se faisant dans la fébrilité d'un événement dramatique et violent. Ce début, qui voit les protagonistes à l'âge de l'adolescence se faire arrêter par la police au terme d'une folle virée nocturne, a valeur de moment traumatique fondateur pour les membres du groupe. A plusieurs reprises dans le récit, nous reviendrons (c'est l'un des choix de mise en scène discutables du film), par flash-back ou retour réel d'un personnage, sur cette plage où eu lieu l'arrestation.
Pour fêter les 20 ans des Eurockéennes de Belfort, commande a été passée à Gaëtan Chataigner pour qu'il réalise un documentaire-hommage au célèbre festival. Chataigner est le bassiste des Little Rabbits, meilleur groupe de rock français du monde au tournant des années 2000, splitté depuis, pour mieux renaître sous le nom de French Cowboy et, parallèlement, en orchestre de luxe pour les concerts de Philippe Katerine. Sachant que notre homme adore depuis toujours bidouiller des vidéos pour son groupe ou ses grands potes que sont Katerine et Dominique A., le projet promettait énormément sur le papier.
M'étant enfin décidé à aller voir L'orphelinat (El orfanato), repris à l'occasion de la Fête du Cinéma, je me disais que je pourrai débuter ma note sur ce film, qui ne pouvait manquer d'être intéressant, par un parallèle (drôle et pertinent, personne n'en doute je l'espère) entre l'actuelle bonne santé du cinéma espagnol et la victoire méritée de leur équipe nationale à l'Euro de foot. Mais voilà qu'une simple phrase fit voler en éclats ma résolution. Elle fut entendue lors de l'achat de ma place : "Je vous préviens, on vient de m'annoncer que le film est en VF et non en VO comme prévu". Grimace et demande d'un temps de réflexion. Trois possibilités. La première : tenter vaille que vaille de faire abstraction du doublage, en se disant qu'il ne doit rien y avoir de plus ressemblant à un cri de terreur en espagnol qu'un cri de terreur en français. La deuxième : choisir un autre film, sachant que le Desplechin est déjà vu et qu'il ne reste que Sagan et J'ai toujours rêvé d'être gangster(vraiment, mais alors vraiment pas envie du tout, ni de l'un ni de l'autre). La troisième : refaire dans l'autre sens 25 minutes de bagnole en râlant. Je choisis la réponse A. La soirée commençait donc mi-figue mi-raisin et ma réception du film doit se moduler du coefficient correcteur VF.