(Mike Hodges / Grande-Bretagne / 1971)
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Chouchouté par Télérama (j'ai l'impression qu'il gagne un "T" de plus à chaque rediffusion), allègrement rangé au rayon "culte" par d'autres, La loi du milieu (Get Carter) est un bon polar britannique bénéficiant de l'anti-photogénie de Newcastle et ses environs. C'est là que monte le tueur londonien Jack Carter, revenant au pays afin d'éclaircir les circonstances de la mort récente de son frère, qu'il pressent non-accidentelle. Son histoire suit les codes du film de vengeance et l'originalité des figures que l'on y croise provient essentiellement de leur ancrage social (celui du Nord de l'Angleterre). La marche en avant de Carter est donc violente et obstinée. Les éclats de brutalité surgissent efficacement, dans une approche très réaliste des corps, allant parfois jusqu'à la vulgarité (la nudité de Carter surpris au lit, les déshabillages imposés aux femmes, le faux-ami empoté percé au couteau, l'amour au téléphone) et ajoutant au sordide de certaines situations. Dans ce monde de criminels et de redresseurs de torts, il ne fait généralement pas bon être une femme et La loi du milieu ne déroge malheureusement pas à la règle : ces dames sont soit des victimes, soit des putes, soit des frustrées. Carter exerce sa violence sans distinction de sexe, impassible puis rageur (Michael Caine est assez impressionnant, même s'il joue plus juste au début, impénétrable, qu'à la fin, éructant sa haine sans desserrer les dents).
Au fil du récit, s'opère un certain brouillage par des intrigues adjacentes impliquant de nombreux personnages secondaires et qui se révèlent toutes reliées, trop systématiquement, à l'énigme principale, les à-côtés se réduisant finalement à quelques brèves vues documentaires dans la rue ou dans les pubs. Le périple de Carter dans le milieu de la pègre est relativement confus et plutôt que d'épouser un mouvement ascendant qui donnerait le vertige, il semble tourner en rond et s'étirer au fil des assassinats.
La loi du milieu peut être rapproché de deux autres films plus réussis : Cité de la violence (Sergio Sollima, 1970) et Le point de non-retour (John Boorman, 1967). Le génial polar de Boorman dégageait une dimension mythique et quasi-fantastique qui légitimait la relative facilité avec laquelle Lee Marvin parvenait à gravir les échellons d'un complexe édifice criminel. La base réaliste choisie par Mike Hodges provoque au contraire quelque étonnement devant la prescience dont fait souvent preuve Michael Caine. De plus, le temps semble bien trop resserré (l'action se déroule sur deux jours et les péripéties et les déplacements sont multiples). Hodges fait certes durer certains plans mais la mise en avant d'une certaine virtuosité paraît prendre alors le pas sur une gestion vraiment rigoureuse du temps cinématographique, comme celle mise en oeuvre par Sollima (qui étire au maximum toutes les séquences de Cité de la violence).
La mise en scène en rajoute quelque fois inutilement (les nombreuses amorces au premier plan, se transformant régulièrement en caches) mais n'est pas dépourvue de tonus, l'utilisation du zoom, notamment, étant pertinente pour situer Carter dans cet environnement retrouvé. La partition post-Swinging London de Roy Budd a aussi son charme. En 71, ce premier film a dû paraître prometteur, avant que Mike Hodges ne signe Flash Gordon (1980), Les débiles de l'espace (1985) ou L'Irlandais (1987)...
Le troisième film d'Eric Rohmer intéresse avant tout aujourd'hui d'une part par son inscription dans un mouvement artistique précis, celui de la Nouvelle Vague dont il intègre les principales composantes (tournage dans les rues, jeunesse des protagonistes, goût pour la provocation verbale ou comportementale) et d'autre part par son appartenance à la série des Contes moraux. Deuxième numéro de cette collection, après La boulangère de Monceau, La carrière de Suzanne, comme les autres opus rohmériens, part d'une proposition narrative claire et semble établir un programme tout en s'ingéniant à l'ouvrir au final à l'imprévu. Hâtons-nous de préciser que le film n'égale ni les meilleures oeuvres des jeunes camarades regroupés sous l'étiquette NV, ni les Rohmer suivants (lequel ne donne vraiment la mesure de son immense talent, à mon sens, qu'à partir de Ma nuit chez Maud en 1969).
J'ai tué ma mère est revigorant comme une chanson punk. Du punk tendance 



Devant les abus des autorités et l'intolérance de la bonne société de Portsmouth, Langdon Towne, fraîchement viré de Harvard, et son ami Hunk Marriner partent à l'aventure vers l'Ouest. Ils croisent alors la route du Major Rogers et de son bataillon de Rangers, soutenu par les Anglais. Le militaire a besoin d'un cartographe et prenant connaissance des talents de dessinateur de Towne, les invite à se joindre à eux pour une expédition périlleuse destinée à anéantir une tribu d'indiens alliés aux Français.
En un long plan-séquence serré, Amos Gitai filme Natalie Portman en pleurs, assise à l'arrière d'une voiture, au son d'une chanson israélienne jouant sur la répétition des phrases. Les premières minutes de Free Zone sont aussi radicales que l'étaient les dernières du Vive l'amour de Tsai Ming-liang (1994) où l'on voyait de même une femme se mettre à pleurer sans pouvoir s'arrêter. Ici, les gestes de l'actrice américaine qui, en essuyant ses joues perd son maquillage, prennent la forme d'un dépouillement des artifices, nécessaire à l'immersion d'une figure occidentale dans la réalité brute du Proche-Orient. En imposant ce dispositif d'emblée, le cinéaste accroche le spectateur mais, en ne s'y tenant pas exclusivement par la suite, prend le risque de relâcher la pression.